Si on en croit plusieurs sondages récents, l'abstention au premier tour de l'élection présidentielle pourrait atteindre des records, de 30 à 32 %. Il ne s'agit que d'un sondage, mais il est indéniable qu'il correspond à une opinion répandue dans bien des quartiers populaires, là où le chômage, la précarité, les bas salaires sévissent depuis si longtemps que beaucoup ne parviennent pas à imaginer qu'il y ait une possibilité d'échapper à leur situation, ni par les élections, ni par d'autres moyens.

Les responsabilités de la politique des gouvernements successifs, de gauche et de droite, dans cette dégradation des conditions d'existence en même temps que du moral des milieux populaires, sont évidentes. Cette situation dure depuis si longtemps que ce qui revient à la droite et à la gauche se brouille dans les mémoires. Ainsi par exemple, le forfait hospitalier a été créé en 1983, sous la présidence de Mitterrand, par le gouvernement du socialiste Mauroy et par le ministre du PCF de la Santé d'alors, Jack Ralite. Il y a eu ensuite neuf augmentations, par des gouvernements de gauche puis de droite, qui ont conduit à son montant actuel, 18 euros. Le dégoût qui conduit à l'abstention dans les milieux populaires se comprend facilement. Il traduit la méfiance, mille fois vérifiée, envers les politiciens et leurs promesses.

Mais est-ce le bon moyen de se faire entendre ? L'abstention est aussi un refus d'exprimer clairement sa colère, sa révolte et sa volonté de changer les choses, avec d'autres qui partagent la même révolte et la même colère. C'est se priver de la possibilité de se compter et de montrer qu'on n'est pas seul. C'est aussi laisser le champ libre à des politiciens qui sollicitent les suffrages populaires pour ensuite prendre leurs ordres chez les riches, pour ceux qui se situent à droite, ou s'incliner devant eux, pour ceux qui se disent de gauche, en expliquant qu'il n'y a rien d'autre à faire.

Le choix ne se résume pas, dans cette élection, entre se taire ou cautionner par son bulletin de vote des semeurs d'illusions. Il est possible de se prononcer de façon claire et nette contre ce système économique absurde et injuste. Il est possible de s'affirmer pour un système économique dans lequel on ne produirait plus pour une minorité de capitalistes parasites, mais pour satisfaire les besoins de la collectivité. Il est possible de se prononcer sur un programme de lutte mettant en avant les exigences des travailleurs.

Le sens de la candidature de Nathalie Arthaud est de permettre de se servir de l'élection pour exprimer tout cela clairement, infiniment plus clairement que ne le permet une abstention dont on ne peut savoir ce qui la motive.