Décidément, madame Bettencourt ne sait pas choisir son personnel : après sa comptable et son majordome, voilà que son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, la trahit à son tour. Brusquement tombé des yachts de luxe à la paille humide des cachots, ce dernier a fini par avouer au juge qu'il avait bien remis à sa patronne quatre millions d'euros en liquide, rapatriés frauduleusement depuis des comptes en Suisse non déclarés au fisc. Cette somme s'est évaporée quelque part à Neuilly (Hauts-de-Seine).

Des salaires de la domesticité à l'achat d'oeuvres d'art ou de propriétés, des frais de bouche jusqu'aux cadeaux, dont le montant cumulé frise le milliard, à l'ami artiste de Madame, les menus besoins du couple Bettencourt sont payés en chèques, virements ou autres opérations garanties sur facture. Sauf, évidemment, les enveloppes bourrées de billets que, selon divers témoins, Monsieur puis Madame remettaient à des hommes politiques amis. Le juge se demande donc si les quatre millions revenus de Suisse sont sortis de chez les Bettencourt dans des enveloppes de papier kraft et, surtout, pour aller dans quelles mains.

C'est là que le bât commence à blesser sérieusement Sarkozy. Car les deux derniers voyages de Patrice de Maistre, pour rapporter 400 000 euros à chaque fois, ont été effectués en février et mars 2007, en pleine campagne électorale. Woerth, trésorier du candidat Sarkozy, et le candidat lui-même ont rendu visite aux Bettencourt à cette époque.

Sarkozy a commencé par nier cette visite, puis il a dit qu'elle avait peut-être eu lieu, Bettencourt étant un ami. Et il a fini, pour l'instant, par dire que ses comptes de campagne avaient été approuvés par le Conseil constitutionnel. Faible défense, car ce même Conseil avait, de l'aveu même de son président, approuvé en 1995 des comptes de campagne manifestement truqués. Il s'agissait alors de ceux de Balladur, dont le meilleur soutien était précisément Sarkozy. Balladur ne s'étant toujours pas expliqué, on se demande si l'actuel président le fera un jour.

Voilà qui donne au moins une idée de la façon dont la grande bourgeoisie considère ses politiciens : des domestiques (bien) payés, mais au noir, pour ne pas laisser de traces.