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Haïti - Élection de Michel Martelly - Le nouveau président annonce la couleur
C'est Michel Martelly, chanteur très populaire sous le pseudonyme de Sweet Micky, mais connu aussi pour avoir été compromis dans des affaires de drogue, qui devrait en principe succéder à René Préval au poste de président de la République d'Haïti.
Il est en effet arrivé largement en tête du deuxième tour des élections présidentielles qui se sont déroulées le 20 mars dernier, avec 67,57 % des suffrages exprimés, devant Mirlande Manigat (31,74 %), juriste et épouse de Leslie Manigat, qui a occupé pendant quelques mois en 1988 le fauteuil présidentiel, sous l'égide des militaires alors au pouvoir.
Les résultats définitifs doivent être annoncés le 16 avril, date à laquelle se termine le délai pour déposer des recours, et le nouveau président prendra ses fonctions le 14 mai. Mais déjà, ceux pour qui il représente l'espoir manifestent leur joie et leur soulagement, se disant prêts à sortir les armes pour défendre leur vote. Ils étaient des milliers à défiler dans les rues de Port-au-Prince le 4 avril au soir et le lendemain durant la journée.
Le premier tour des élections, le 28 novembre dernier, avait été marqué par des fraudes massives en faveur du candidat du pouvoir, Jude Célestin, beau-fils de René Préval, l'actuel président. L'annonce des résultats, en décembre, le qualifiant pour le second tour face à Mirlande Manigat, suscita à travers tout le pays un mouvement de révolte. Port-au-Prince, la capitale, fut paralysé pendant une semaine. Finalement, après une intervention de l'Organisation des États américains (OEA) dénonçant les fraudes dont il avait bénéficié, Jude Célestin fut écarté et Michel Martelly repêché pour le deuxième tour.
Ce dernier, pendant sa campagne, s'est présenté comme le « candidat de la rupture » avec « l'ancien système », le « candidat du changement », décidé à mettre en place un « module de sortie de crise post-séisme ». Il a promis du travail aux jeunes et une réforme agraire aux populations des campagnes. Le fait d'avoir été, de tous les candidats, le seul à n'avoir « jamais été impliqué dans la politique » est sans doute pour beaucoup dans son succès. Pourtant, au cours de sa campagne, il s'est aussi présenté comme partisan du consensus, prêt à « travailler avec tout le monde », sans exclusive, y compris, par exemple avec Jean-Claude Duvalier, ex-dictateur de retour en Haïti après vingt-cinq ans d'exil en France. Ce qui n'augure rien de bon pour la population pauvre d'Haïti, car c'est annoncer, d'avance, qu'il ne s'en prendra pas aux fauteurs de misère.
Haïti a connu, au cours des dernières décennies, toutes sortes de gouvernements. Sous des formes différentes, ils ont tous servi les intérêts de la minorité de riches, de profiteurs, qui pillent l'État et maintiennent la population dans la misère, avec la complicité des grandes puissances.
Plus d'un an après le séisme qui a détruit la capitale, des centaines de milliers de réfugiés continuent d'attendre, dans des logements de fortune et dans des conditions infra-humaines. Les promesses d'aide des pays impérialistes n'ont pas été suivies d'effet. Des dizaines de millions d'euros qui ont été collectés de par le monde pour leur venir en aide, les pauvres d'Haïti n'ont pas vu la couleur. Au total, plus de 5 000 d'entre eux ont été victimes de l'épidémie de choléra qui, faute de structures de soins, continue de faire des ravages dans bien des régions isolées.
Ce ne sont pas ces dernières élections, pas plus celles-là que les précédentes, réalisées sous le contrôle et avec les subsides des grandes puissances, qui permettront aux populations pauvres d'Haïti de changer leur sort.