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- Lutte ouvrière n°2227
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Égypte - Loi contre les manifestations : Une tentative de mise au pas
Les généraux égyptiens, qui dirigent le pays depuis le départ de Moubarak à travers le Conseil suprême des forces armées, sont pressés d'organiser un retour à la normale.
Après avoir dû laisser s'écouler le flot de contestation sans le réprimer, après s'être débarrassés du fusible Moubarak, leur préoccupation est maintenant de faire renoncer à la population l'envie de contester, de lui faire accepter la continuation de l'exploitation, de la misère et même de la dictature militaire.
Pour cela, les généraux cherchent à donner crédit au mirage de la transition démocratique. Le référendum qui vient d'avoir lieu a avalisé, entre autres, la limitation à deux mandats de président consécutifs. Puis des élections législatives seront organisées en septembre prochain, suivies d'une élection présidentielle. Des concessions qui ne changent que la façade de l'appareil d'État, dans la mesure où les généraux en conservent la direction, donc contrôlent le budget, la propagande, les forces de répression bien sûr et contrôleront sans doute même le processus de validation des candidatures.
Mais par ailleurs les mêmes généraux viennent de faire adopter par le Conseil des ministres une loi réduisant presque complètement le droit de manifestation, de sit-in et de grève, invoquant deux prétextes dont l'hypocrisie frise le ridicule. Le premier est de lutter contre le clan Moubarak, qui serait à la manoeuvre derrière les grèves actuelles ! Le deuxième est le besoin de relancer l'économie, qui serait au bord de l'effondrement. Cette loi interdit en effet les seules manifestations et grèves qui freineraient la production et entraveraient la relance économique, mais laisse aux Égyptiens le droit de protester pacifiquement. Les travailleurs auraient donc le droit de faire grève, sauf si cela gêne les patrons ! Et la loi prévoit des peines sévères pour ceux qui passeraient outre : un an de prison ferme et une amende de 80 000 dollars (dans un pays où le salaire minimum est de 50 euros !) pour les grévistes ou pour ceux qui inciteraient à la grève.
Le Conseil des ministres a d'ailleurs profité de l'adoption de cette loi pour appeler la population à l'arrêt immédiat de toutes les manifestations à travers le pays, précisant qu'il avait bien compris la demande des travailleurs d'avoir de meilleures conditions de travail et que ces demandes seraient étudiées dès que possible. Ainsi, les travailleurs devraient faire confiance à des hommes qui ont été des proches de Moubarak pour obtenir ce qu'ils n'ont jamais obtenu sous celui-ci.
Les hommes au pouvoir, dans leur propre intérêt mais aussi dans celui de la bourgeoisie égyptienne et de l'impérialisme derrière eux, voudraient donc remettre la population égyptienne au pas. Mais c'est loin d'être gagné pour eux : des grèves se poursuivent dans les banques, dans le secteur du pétrole et même au ministère de l'Intérieur. Les travailleurs égyptiens ne sont pas près d'accepter de nouveau l'arbitraire.