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- Lutte ouvrière n°2222
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Dans les entreprises
Eurocopter - Marignane (Bouches-du-Rhône) : Dégradation des conditions de travail
À l'usine Eurocopter à Marignane, la productivité a beaucoup augmenté, par une exploitation accrue des travailleurs. L'entreprise n'a pas de problème. Le chiffre d'affaires a augmenté de 10 % par an depuis dix ans, crise ou pas crise.
Depuis quatre ans, la direction a adopté la méthode de production dite « lean manufacturing », littéralement « maigre », « sans gras », « dégraisser », faisant la chasse à toute dépense considérée comme superflue, en outils, en espace de travail, en gestes des ouvriers, en équipement et bien sûr en effectifs. Pour gagner en productivité, la direction a commencé par sous-traiter tous les petits travaux d'usinage à des entreprises extérieures. Dans les années 1980, ont été introduites les machines à commande numérique, c'est-à-dire pilotées par ordinateur. La multiplication par trois ou quatre de la vitesse du travail avait déjà aggravé l'exploitation.
Progressivement, de nouvelles machines ont été achetées, dont le coût peut dépasser un million d'euros. Ces machines ont permis de diminuer les temps d'usinage, mais à chaque fois cela s'est traduit par une intensification du travail. On a placé les machines non plus l'une derrière l'autre, comme avant, mais face à face pour que le même ouvrier puisse travailler sur deux machines. Ensuite on a placé entre les deux machines une colonne de contrôle dimensionnel des pièces fabriquées, pour que l'ouvrier, pendant que sa machine tourne, puisse réaliser les opérations de contrôle. Auparavant, il devait se déplacer à l'unique colonne de mesure au centre de l'atelier ; autant de temps où il pouvait se dégourdir les jambes ou échanger deux mots avec un collègue, au lieu de piétiner au pied de sa machine.
Plus récemment, la direction a augmenté le nombre de jours travaillés, supprimant huit jours de RTT par un accord signé par tous les syndicats sauf la CGT. Le pointage en bleu est devenu obligatoire : en début de journée, on pointe donc quand on est en tenue de travail près de son poste de travail, et en fin de poste on pointe en bleu, le temps de prendre sa douche, de se changer n'est donc plus inclus dans le temps de travail. Les temps de pause sont strictement limités. Un des investissements de l'atelier de montage mécanique a été une horloge, placée au-dessus de la machine à café, laquelle a été déplacée devant le bureau du chef d'atelier.
Les temps alloués à chaque opération ont été recalculés à la baisse. Par exemple dans ce secteur, l'ouvrier qui monte une boîte de transmission réalise plusieurs fois par jour la même opération, sur une toute petite table, dans un espace réduit, face à des bacs de pièces.
Autre exemple, sur la chaîne de montage du NH90, un hélicoptère gros porteur, chaque appareil est cerné par des armoires à roulettes dont les tiroirs contiennent les pièces à monter. L'ouvrier qui y travaille, bien souvent dans des positions incommodes, est bloqué sur place des heures, puisqu'il n'a qu'à ouvrir les différents tiroirs pour sortir les pièces. L'espace manque car on est plusieurs à travailler à la fois dans cet espace réduit. Cette rationalisation du travail ne tient pas compte du fait que nous ne sommes pas des robots. Rester sur place des heures, dans la poussière et les gaz nocifs, effectuer les mêmes gestes, dans le vacarme, l'agitation, devient vite très pénible.
Si la direction a trouvé l'argent pour acheter les machines, elle ne l'a pas trouvé pour ce qui n'est pas productif, la sécurité en particulier, par exemple pour procurer des aspirations efficaces.
Tous ont vécu cette dégradation des conditions de travail en quelques années à peine. Même les plus jeunes ont pu, en deux ans d'apprentissage, en être témoins.