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Tunisie : La population reste mobilisée
En Tunisie, des manifestations répétées, dans la capitale mais aussi dans d'autres villes et villages, ont réclamé et obtenu le départ du Premier ministre Ghannouchi ainsi que d'autres membres du gouvernement. Tous avaient été au pouvoir avec Ben Ali et représentent forcément, aux yeux des manifestants tunisiens et d'une grande partie de la population pauvre, l'ancien régime honni.
Pour remplacer Ghannouchi, le président par intérim a été chercher Essebsi, qui n'a rien non plus d'un personnage susceptible de mener une politique allant dans le sens des intérêts de la population pauvre. Ancien ministre de Bourguiba, il a été ministre de l'Intérieur - en clair, de la répression - entre 1965 et 1969, avant de présider l'Assemblée nationale tunisienne sous Ben Ali, en 1990 et en 1991. Face à de tels hommes au pouvoir, la mobilisation devrait se poursuivre.
Les manifestations qui ont conduit aux récentes démissions en série des ministres et secrétaires d'État ont été marquées par le rassemblement le plus imposant organisé à Tunis depuis la chute de Ben Ali, selon les estimations du ministère de l'Intérieur lui-même. Trois jours durant, les manifestants ont occupé le centre-ville et la répression a fait plusieurs morts et des dizaines de blessés. Et si des centaines de milliers de manifestants restent toujours mobilisés, c'est bien qu'en dépit de la chute du dictateur, les exigences de la population sont loin d'être satisfaites.
Il y a aussi peu de chances - pour ne pas dire aucune - pour que la « commission pour les réformes », mise en place par le président par intérim, trouvent des solutions à des problèmes comme ceux des jeunes, des travailleurs, des chômeurs du bassin minier de Gafsa qui, depuis deux ans, dénoncent la corruption des autorités et la répression. Le chômage et la précarité des emplois, la cherté de la vie, continuent de peser sur des millions de pauvres, et pas seulement dans les régions du centre ouest. Ouvriers, employés aux salaires insuffisants, jeunes diplômés en attente d'un poste, ne se satisfont sûrement pas, et à juste titre, de la promesse d'élections en juillet prochain.
Les patrons comme de nombreux notables, ceux que leurs pairs, de ce côté de la Méditerranée considèrent comme « l'élite » tunisienne, se contenteraient volontiers du fait que Ben Ali et quelques membres de sa clique n'exercent plus aucun pouvoir. Ils aspirent à une transition « en douceur » comme ils disent, sous la houlette de politiciens professionnels, qu'ils aient collaboré ou pas avec l'ancien régime. Mais ce n'est pas cela qui peut satisfaire les masses populaires, qui depuis décembre sont mobilisées pour en finir avec le dictateur, mais aussi pour que leurs intérêts et leurs revendications soient enfin pris en compte et satisfaits.