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- Lutte ouvrière n°2917
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Dans le monde
Italie : le capitalisme sème la mort
Des milliers de travailleurs agricoles ont manifesté à Latina, au sud de Rome, samedi 22 juin et à nouveau le mardi suivant, pour crier leur colère après la mort d’un des leurs.
Comme des milliers d’Indiens sikhs vivant dans la région, Satnam Singh travaillait dans les champs de l’Agro Pontine, d’anciens marécages bonifiés durant la période fasciste. Mardi 18 juin, une machine lui a arraché le bras et fracturé les deux jambes. Le patron de l’exploitation s’est bien gardé d’alerter les secours et a fini par charger le blessé – et son bras jeté dans un cageot à légumes – dans sa camionnette pour s’en débarrasser en l’abandonnant devant chez lui. L’intervention des voisins a permis de le faire transporter d’urgence à l’hôpital, mais il était trop tard, il s’était vidé de son sang.
Le patron assassin a ensuite eu l’indécence de déplorer, devant les caméras du Journal du soir, que « la légèreté et l’inattention de cet ouvrier coûte beaucoup à toute l’entreprise ». Il est particulièrement abject, mais ce petit patron, à la tête de cinq hectares, est loin d’être le seul à profiter d’un système d’esclavage moderne qui permet aux propriétaires terriens, grands et petits, de baisser leurs coûts de production et d’être compétitifs.
Le système du « caporalato » s’apparente à une agence de recrutement aux méthodes mafieuses. Les ouvriers agricoles sont recrutés parmi les plus désespérés : migrants sans-papiers, femmes seules avec des enfants à charge. La journée de travail n’en finit pas et la paie atteint péniblement les quatre euros de l’heure, voire beaucoup moins. Parfois, les « caporali », les recruteurs, gèrent également le transport vers les champs, la « location » d’une paillasse dans un bidonville, l’accès à un robinet d’eau potable ou la nourriture, le tout étant retiré des maigres paies des ouvriers.
Des tragédies se produisent régulièrement dans les champs du sud de l’Italie, certaines plus atroces que d’autres, comme la mort de Satnam. Il y a quelques années, c’est celle de Paola Clemente, littéralement morte de fatigue dans les vignes de Calabre où elle travaillait, qui avait suscité l’indignation. Son contrat indiquait un taux horaire de sept euros, déjà bien insuffisants qui, rapporté au nombre d’heures réel, tombait à deux euros !
Du côté des dirigeants politiques, on verse une larme de circonstance sur le sort de l’ouvrier. La chef d’extrême droite du gouvernement, Meloni, assure qu’une telle barbarie « n’est pas italienne » et en profite pour se réjouir de l’avancée de la construction de centres de rétentions en Albanie, qu’elle a le cynisme de présenter comme un moyen de lutter contre l’exploitation. D’autres exigent que la loi contre le « caporalato », votée il y a huit ans, soit appliquée.
Mais, avec ou sans loi contre ce système, c’est d’abord le fait de transformer les immigrés en clandestins à vie, qui permet aux propriétaires terriens comme à bien d’autres patrons de leur imposer la surexploitation, les paies misérables et des conditions de travail de plus en plus dangereuses. Les travailleurs les plus précaires, dont les immigrés sans papiers, sont les premières victimes, mais c’est bien un moyen pour le patronat de faire pression pour que les droits de toute la classe ouvrière reculent. Contre cette offensive-là, les travailleurs, avec ou sans papiers, ne peuvent compter que sur eux-mêmes et sur leur unité.