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Élections législatives
Nathalie Arthaud : “défendre une politique de classe”
Camarades et amis, nous entrons dans une période mouvementée qui angoisse beaucoup des nôtres.
Le RN est peut-être à la porte du pouvoir, mais heureusement, et contrairement à tout ce que l’on entend, ce n’est pas encore le fascisme. (…) Ce n’est pas le contexte d’aujourd’hui, mais l’évolution réactionnaire que l’on connaît peut tout à fait nous y conduire. Les nazillons qui s’imaginent à la tête de milices pour cogner sur des immigrés, sur des grévistes ou sur des gauchistes comme ils les appellent, ils existent. Ils s’entraînent déjà à petite échelle et sont particulièrement actifs dans certaines villes. Et nul doute qu’il existe bien d’autres cadres potentiels à un mouvement fasciste, en particulier dans la police et dans l’armée, qui rassemblent à elles deux, bien plus d’apprentis fascistes que le RN qui est devenu, par bien des aspects, un parti parlementaire de droite extrême.
Des apprentis fascistes, il y en a aussi du côté de ce syndicat agricole, la Coordination rurale qui dans au moins un département s’est spécialisé, entre autres, dans l’intimidation des inspecteurs du travail, les recevant à coups de fusil.
Alors, oui, les cadres fascistes existent. Ce sont les troupes qu’ils n’ont pas encore. Mais si la crise s’aggrave et accule à la ruine des petits et grands possédants, ils les trouveront. Et il faut s’y préparer moralement et politiquement. Car ce n’est pas en manifestant et en scandant « Le fascisme ne passera pas » qu’on s’en débarrassera. Et ce n’est certainement pas en comptant sur des élections.
Dans un tel contexte, il faudra que les travailleurs soient organisés, apprennent à se protéger, à protéger leurs organisations par eux-mêmes. Il faudra qu’ils soient capables d’opposer aux milices fascistes leurs milices ouvrières et montrer autant de courage et de détermination qu’il y en aura dans le camp d’en face. Il faudra qu’ils aient conscience que, pour empêcher la victoire du fascisme, ils devront eux-mêmes monter à l’assaut du pouvoir.(...)
Notre perspective : l’organisation et l’unité des travailleurs
Devant le recul politique de la classe ouvrière, devant le profond recul de la conscience de classe qui ouvre la porte à des aventures mortelles, il n’y a ni baguette magique, ni raccourci. Il n’y a qu’une seule voie : défendre une politique de classe. Réveiller la conscience de classe qui sommeille, y compris chez les travailleurs les plus écrasés qui croient trouver le changement dans le RN.
La conscience de classe n’a jamais été innée. La classe ouvrière baigne dans la société bourgeoise dont elle reprend forcément les moeurs individualistes, les aspirations, les préjugés divers. Et puis les travailleurs sont livrés à la concurrence et aux divisions entretenues sans cesse par le patronat.
Pour les combattre et faire prendre conscience aux travailleurs qu’ils forment une classe à part, avec des intérêts communs, il n’y a qu’une seule voie : organiser les travailleurs et s’appuyer sur toutes leurs luttes, aussi moléculaires soient elles, pour faire émerger cette conscience de classe. Il faut montrer aux travailleurs une voie concrète de lutte pour aujourd’hui et pas seulement pour l’avenir. Dans cette séquence électorale où chaque écurie politicienne présente son programme, la première des choses, c’est d’appeler les travailleurs à ne pas être passifs. Il faut rassembler les travailleurs que nous avons autour de nous et, ensemble, réfléchissons aux mesures qui pourraient vraiment changer notre vie. Formulons nous-mêmes nos revendications.(...)
Mais qui imposera toutes ces exigences ? Pas Bardella, qui est allé ramper devant le Medef pour l’assurer de son dévouement, ni la gauche, qui ne l’a jamais fait et qui est, elle aussi, allée faire des mamours au patronat, il y a deux jours. Seuls les travailleurs unis et combatifs peuvent les imposer, quand ils seront poussés par la révolte de voir qu’un Bernard Arnault peut accumuler plus de 200 milliards d’euros de fortune, que les actionnaires de Stellantis touchent, chaque jour qui passe, 18 millions d’euros, alors que les ouvriers de ce même groupe, qui se lèvent à 4 heures du matin et s’esquintent la santé, atteignent péniblement les 1 800 euros !
La perspective que nous défendons est celle de l’organisation des travailleurs. C’est celle de l’unité des travailleurs sur leur terrain de classe. Et quand ils se remettront à agir pour leurs intérêts communs d’exploités contre les seuls et uniques responsables du gâchis actuel, ils ne marcheront plus derrière les diviseurs de l’extrême droite. Ils marcheront pour leurs intérêts et ceux de tous les opprimés, et ce faisant, ils feront à nouveau progresser toute la société !
Face à la marche à la guerre
Parmi les catastrophes devant nous, il y a aussi la marche à la guerre. Ce qui nous menace, c’est d’être à notre tour envoyés sur des champs de bataille, en Ukraine ou ailleurs, pour les intérêts des industriels et des financiers, et que notre vie soit mise dans les mains de généraux qui ont prouvé qu’ils se moquent de la vie des femmes et des hommes des classes populaires.
Sur cette question, même si les uns ou les autres cherchent à se distinguer de la surenchère militaire de Macron, ils partagent tous la même politique guerrière, la même politique de défense de l’impérialisme français. Car défendre les intérêts de la France à l’étranger, cela n’a rien à voir avec les intérêts des exploités et des pauvres. C’est défendre les intérêts des Bolloré, des Pinault, des Michelin… c’est défendre la domination de la bourgeoisie française aux quatre coins de la planète.
Alors, sans surprise, le programme de campagne du Nouveau Front populaire a retenu les positions les plus va-t-en guerre de tous, celles formulées par Raphaël Glucksmann pendant les Européennes, prévoyant un soutien militaire à l’Ukraine sous forme de livraisons d’armes. Quant au RN, ses formules pacifistes, souverainistes et anti-OTAN ne résistent pas plus que son programme social puisque, même là-dessus, Bardella vient de rétropédaler en disant, je le cite : « On ne change pas les traités en période de guerre » car, je le cite encore, il n’entend pas « affaiblir la voix ou l’engagement de la France sur la scène internationale ». Si l’entrée de la France dans une guerre dite de haute intensité, n’est pas, pour l’immédiat, à l’ordre du jour, elle est en germe dans la réalité des relations internationales.
Car nous sommes dans une situation où la guerre économique entre capitalistes est exacerbée parce que les marchés solvables et les réserves de matières premières sont limités et non extensibles. La confrontation ne cesse de monter entre d’un côté la Chine, nouvelle puissance économique montante qui essaye de se tailler une place dans l’économie mondiale, et les États-Unis, première puissance impérialiste du monde.(...)
Cette future guerre, quel que soit le prétexte initial invoqué, la défense d’un petit pays agressé par son puissant voisin, la défense de la démocratie face à un dictateur, sera une guerre impérialiste, c’est-à-dire une guerre des puissances qui dominent le monde, États- Unis en tête, pour conserver leur suprématie.
Cette guerre ne sera pas celle des travailleurs, des classes populaires, des exploités. Ceux-là seront envoyés croupir dans des tranchées, se terrer dans des abris, mourir ou se faire amputer pour que les Total, Dassault, Bolloré, Stellantis éjectent leurs concurrents.
Alors, il faudra des femmes et des hommes pour dire haut et fort que cette guerre n’est pas la leur. Que l’ennemi principal est dans notre propre pays. Et ils devront tenir à contre-courant car, plus le temps passe, plus la guerre se rapproche, plus les discours patriotards et chauvins se banalisent et plus nos idées internationalistes et communistes seront difficiles à défendre. Et cela quel que soit le ou les gouvernements qui vont se succéder.
Si certains peuvent avoir l’espoir de faire barrage au RN dans les urnes, comment croire que l’on fera barrage à la montée du nationalisme et de la guerre dans les urnes (…)
Reconstruire un parti communiste révolutionnaire et internationaliste
Beaucoup, comme la dirigeante de la CGT, nous disent qu’il est minuit moins une. Mais à Gaza ou en Ukraine, c’est minuit passé, depuis longtemps. Pour les femmes et les hommes qui meurent en essayant de traverser la méditerranée, pour tous ceux qui n’ont tout simplement rien à manger, qui n’ont plus de toit, c’est plus que minuit passé. (...)
Il faut reconstruire un parti communiste révolutionnaire internationaliste capable d’offrir une politique aux révoltés. Nous ne repartons pas de zéro. Nous héritons de deux siècles d’un mouvement ouvrier riche de luttes, de succès et d’erreurs, de grandes victoires et d’échecs graves.
Les pages d’histoire écrites par les Communards ou par les ouvriers et les paysans russes entre 1917 et 1925 sont extraordinaires pour tous les opprimés qui aspirent à s’émanciper. Mais c’est aussi des échecs, bien plus nombreux, des révolutions avortées, réprimées ou trahies que l’on apprend beaucoup. Cet te somme d’expériences et tout le capital politique accumulé par le mouvement ouvrier à l’échelle internationale ont pour nous une importance cruciale, nous devons les connaître et les faire nôtres.
Le parti communiste révolutionnaire capable de changer le cours de l’histoire sera marxiste, parce que c’est Marx qui le premier a découvert la seule force sociale capable de renverser le capitalisme : la classe ouvrière. Et il nous apprend pourquoi nous devons placer notre confiance dans cette classe d’exploités.
Le parti capable d’aider les travailleurs à prendre le pouvoir sera léniniste, parce que c’est Lénine, le premier, qui a trouvé la forme et les méthodes d’organisation nécessaires au parti révolutionnaire.
Et il sera trotskyste car, si la perspective communiste est toujours vivante, on le doit à Trotsky, qui a combattu la caricature sanglante que Staline en a faite et qui nous a transmis un drapeau sans tache dont on peut être fiers.
Ce parti qui doit s’ancrer dans la classe ouvrière et ses luttes, il faut bien sûr le construire dans les entreprises et dans les quartiers, autour de noyau de travailleurs conscients. Autour de travailleurs qui prennent l’habitude de se réunir pour discuter de leurs affaires, pour examiner tous les événements, toutes les crises politiques et la moindre décision gouvernementale en se demandant à chaque fois : où sont nos intérêts ?