Russie : Kalachnikov à la peine26/06/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/06/Poutine-Kalachnikov.png.420x236_q85_box-0%2C28%2C418%2C263_crop_detail.png

Dans le monde

Russie : Kalachnikov à la peine

Le 19 juin, Poutine a signé un accord de
« partenariat stratégique » avec Kim Jong-un, le
dictateur nord-coréen, au terme duquel le régime
nord-coréen devrait notamment augmenter
ses fournitures d’obus à l’armée russe. En effet
celle-ci manque d’armements en tout genre
pour faire face à sa guerre en Ukraine.

Illustration - Kalachnikov à la peine

Et le Kremlin vient d’en asséner la preuve, sous forme d’un coup de massue, aux travailleurs du consortium Kalachnikov. Premier producteur, et de loin, d’armes individuelles en Russie, cette firme de droit privé, dont l’État russe détient 25 % du capital et dont le propriétaire en titre est, comme son prédécesseur, un ancien ministre de haut rang, a dans sa panoplie bien d’autres armes que la célébrissime « Kalach » ou « AK », ce fusil automatique le plus vendu au monde.

Installé à Ijevsk, une grande ville industrielle à l’ouest de l’Oural, le consortium produit bien sûr des fusils d’assaut, mais aussi des blindés, des navires de débarquement, des camions militaires, des obus, des drones et toute une série d’armes de guerre, en plus d’engins du BTP. Autant dire, tout un attirail dont la guerre en Ukraine est une si grande consommatrice que l’usine Kalachnikov d’Ijevsk n’arrivait plus à fournir à la demande.

Alors, sa direction vient de décider, sans consulter le personnel cela va de soi, que celui-ci devrait désormais travailler 12 heures par jours, soit 4 heures de plus qu’avant, mais sans recevoir aucun salaire pour cela. En outre, au lieu de deux jours de repos par semaine, les travailleurs de l’usine n’en auront plus qu’un et devront travailler 8 heures le samedi. Soit 28 heures de plus par semaine !

Non seulement ces 28 heures ne sont pas payées 100 % en plus, comme prévu pour des heures supplémentaires, mais elles ne sont pas payées du tout. C’est ce qu’a annoncé la direction au personnel, en lui déclarant que « durant “l’opération militaire spéciale” il est permis de faire passer, sans leur accord, en régime d’heures supplémentaires les collaborateurs du complexe industriel de Défense (OPK) ainsi que les entreprises travaillant pour des commandes publiques de la défense ». Et de préciser que c’est ce que prévoit le décret n° 1365 promulgué en 2022.

En même temps, l’encadrement a fait du chantage aux ouvriers du genre : « Les ouvriers travaillent mal et pas assez vite tout en réclamant de l’argent », alors qu’« il y a des gars qui meurent au front ». Ce langage « patriotique » n’a rien d’exceptionnel. Dans une usine ouralienne de mécanique industrielle, UKZ, son directeur-général a sorti : « Lors de la Grande Guerre patriotique [celle de 1941-1945], personne ne réclamait pour son salaire, et ici on travaille parce que l’État nous passe des commandes militaires. »

On ne sait pas si, quand et comment cela pourrait provoquer des réactions collectives des travailleurs, d’autant que le chantage des directions pourrait se doubler de mesures policières à l’encontre des récalcitrants. Mais en attendant, vu le manque de spécialistes dans les usines, et pas seulement celles d’armement – ce qui est un contre-coup des ponctions opérées sur les effectifs par des mobilisations qui ne disent pas leur nom –, certains ouvriers pensent sans doute qu’ils peuvent toujours, individuellement, aller tenter leur chance ailleurs. Une façon, après tout, de rappeler que, si les chefs ne sont pas indispensables, les travailleurs, eux, le sont à la production des armes, comme du reste.

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