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Massacre à Gaza : La logique du sionisme
L'offensive de l'armée israélienne se poursuit à Gaza. Quant au conseil de sécurité de l'ONU, il est parvenu (avec bien du mal) à voter une résolution demandant un cessez-le-feu immédiat et un retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza. Une résolution que l'État d'Israël n'a pas plus l'intention de respecter que les 65 qui l'ont précédée, à commencer par la résolution 242 de 1967 qui demandait le retrait des forces israéliennes de tous les territoires occupés.
La guerre actuelle est une nouvelle étape dans le combat que livre l'État d'Israël et avant lui le mouvement sioniste, contre les droits nationaux des Palestiniens. L'instabilité permanente de la région résulte de la contradiction entre le projet sioniste d'établir un État spécifiquement juif en Palestine et la présence sur cette même terre d'une population arabe demandant elle aussi la reconnaissance de ses droits.
Le projet sioniste
C'est à la fin du 19e siècle que prit corps l'idée de créer un État spécifiquement juif. Le fondateur de ce courant, baptisé " sioniste ", Théodore Herzl prétendait vouloir donner " une terre sans peuple à un peuple sans terre ".
Sauf que la Palestine n'était pas une terre inhabitée ; 700 000 Palestiniens y vivaient alors. Partie intégrante de l'Empire ottoman jusqu'en 1917, la Palestine excitait la convoitise de la Grande-Bretagne, qui se fit confier par la SDN (l'ancêtre de l'ONU) un " mandat " qui faisait de la Palestine une colonie britannique de fait. Et appliquant une politique classique, la Grande-Bretagne joua les différentes fractions de la population les unes contre les autres, en se déclarant en faveur d'un " foyer national juif " en Palestine.
Malgré cela, l'installation d'une immigration juive dans le pays aurait pu s'y faire d'une toute autre manière, sauf que pour les dirigeants sionistes il ne fut jamais question de partager quoi que ce soit ni de construire un monde où pourraient vivre côte à côte Juifs et Arabes.
Au contraire, les organisations sionistes qui rachetèrent des terres aux grands propriétaires féodaux expulsèrent systématiquement les paysans arabes qui les cultivaient souvent depuis des générations.
La présence d'une population juive, qui ne cessa de se renforcer entre les deux guerres mondiales, servit les intérêts de l'impérialisme britannique, tout comme ceux de l'aristocratie féodale arabe, en détournant la colère des masses pauvres vers un conflit les opposant aux colons juifs.
Entre 1920 et 1935, plusieurs dizaines de milliers d'émigrants, fuyant l'antisémitisme et les persécutions en Pologne, puis en Allemagne, s'installèrent en Palestine. Ce développement des colonies juives s'accompagna d'une multiplication des expropriations et des expulsions, provoquant de nombreuses émeutes anti-juives.
Dans les années qui suivirent, la Palestine connut d'importants mouvements sociaux. Durant ces événements, les organisations sionistes choisirent de jouer les supplétifs des forces de répression britanniques, et en aucun cas de s'allier aux masses arabes contre la puissance coloniale.
La fin de la Deuxième Guerre mondiale vit affluer en Palestine des milliers de rescapés des camps de concentration nazis, pour qui la Palestine apparaissait d'autant plus comme le seul refuge possible que les " démocraties " victorieuses n'étaient pas pressées de les accueillir sur leur sol.
À l'origine de l'État d'Israël, le recours au terrorisme
Parmi les organisations sionistes, il y avait de petits groupes qui se réclamaient du socialisme révolutionnaire, voire du communisme, en prétendant tendre la main à la population arabe. Mais elles ne comptèrent guère dans la suite des événements. Ce furent la social-démocratie traditionnelle et l'extrême droite qui donnèrent le ton. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, ces organisations engagèrent une lutte armée qui devait aboutir à la création d'un État juif. Mais cette lutte armée fut autant dirigée contre les Arabes de Palestine que contre l'occupant britannique. Des organisations sionistes d'extrême droite, se livrèrent à des attentats contre les forces britanniques mais également contre la population arabe. L'objectif des poseurs de bombes dans les marchés arabes était de terroriser la population, afin de la faire fuir de Palestine.
Fin 1947, l'ONU proposa la division de la Palestine en deux États, l'un palestinien, l'autre juif. Les États arabes voisins, qui auraient bien aimé mettre la main sur la Palestine, intervinrent militairement aussitôt pour s'y opposer. Mais le jeune État d'Israël sortit vainqueur du conflit. Il en profita pour repousser ses frontières, bien au-delà de ce que proposait le plan de partage de l'ONU, occupant 78 % de la Palestine mandataire.
700 à 800 000 Palestiniens avaient fui devant l'avance des troupes israéliennes, d'autant plus que celles-ci se livraient parfois à de véritables massacres, comme à Deir Yacine où en avril 1948 un commando massacra 254 vieillards, femmes et enfants, carnage que l'ancien Premier ministre israélien, Menahem Begin, revendiquait encore en 1961, en se félicitant que sur les 800 000 Arabes qui se trouvaient dans la zone devenue Israël, il n'en restait plus que 165 000 après la fin des hostilités. Les autres étaient devenus pour la plupart des réfugiés, parqués dans des camps en Cisjordanie, à Gaza et dans les pays voisins.
Quant à l'État palestinien, il ne vit jamais le jour, ce qui restait du territoire qui lui avait été attribué, la bande de Gaza et la Cisjordanie ayant été annexé après l'armistice de 1949 respectivement par l'Égypte et la Jordanie.
Quelques années plus tard, en 1967, Israël reprit l'offensive et remporta, durant la guerre dite des " Six jours ", une nouvelle victoire sur l'Égypte, la Jordanie et la Syrie. Les territoires conquis ne furent pas annexés, mais placés sous occupation militaire israélienne. En revanche, Jérusalem-Est fut intégrée à Israël.
Cette nouvelle défaite militaire des États arabes acheva de les discréditer aux yeux des Palestiniens, et dans les camps de réfugiés, des milices se constituèrent. Le premier rôle dans ce mouvement fut joué par l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine), dirigée par le leader d'un groupe connu sous le nom de Fatah : Yasser Arafat.
Dans son programme, Arafat ne prétendait pas bouleverser l'ordre social dans la future Palestine. Sa perspective, comme celle de toute la mouvance nationaliste, était de faire accepter par l'impérialisme et tous les États de la région un État palestinien.
À partir du milieu des années 1970, Arafat obtint une certaine reconnaissance internationale. Mais il fallut attendre 1987 et la première Intifada (révolte des pierres) pour obliger Israël à discuter avec l'OLP.
En fait, si l'État israélien accepta d'envisager le projet d'un futur État palestinien, la mise en place d'un embryon de cet État, " l'Autorité palestinienne ", c'est parce qu'il comptait sur cette Autorité pour faire la police au sein de la population palestinienne.
Mais ces concessions apparentes n'empêchaient pas l'État israélien de grignoter le territoire promis aux Palestiniens. En Cisjordanie, l'Autorité palestinienne ne s'exerçait que sur un territoire amputé des nombreuses colonies juives de peuplement, qui ne cessaient de se développer. Ainsi la population des colons passa de 115 000 en 1993 à près de 500 000 aujourd'hui.
Cette politique ne pouvait que saper l'autorité de l'OLP, incapable de faire appliquer le contenu des accords d'Oslo, et gangrenée par la corruption manifeste de certains de ses dirigeants. Une partie croissante des Palestiniens se tournèrent alors vers un parti islamiste, le Hamas.
Au départ, les islamistes se cantonnaient au terrain religieux. Leur ennemi principal n'était pas l'occupant israélien, mais d'autres Palestiniens, militants communistes, militants laïcs, ou " mécréants ". Dans un premier temps, ils bénéficièrent de la bienveillante neutralité des autorités israéliennes, qui espéraient ainsi diminuer l'influence de l'OLP. Les islamistes purent ainsi, en toute légalité, recevoir des subventions de l'Arabie saoudite, créer des centaines de mosquées et une université islamique.
Le tournant s'opéra avec la première Intifada de 1987. Comprenant qu'ils risquaient de se marginaliser si ses militants ne participaient pas aux manifestations, le Hamas se rallia à la lutte. En 1993, il se démarqua de l'OLP en s'opposant aux accords d'Oslo dénoncés comme un renoncement aux objectifs nationaux des Palestiniens.
Tout en continuant de marginaliser le Fatah, le gouvernement israélien poursuivait sa politique de dépossession de la population palestinienne en Cisjordanie.
Le résultat de toute cette politique fut l'ascension du Hamas qui, en janvier 2006, devint le premier parti palestinien, remportant 45 % des voix aux élections au Conseil consultatif palestinien. Il prit en juin 2007, le contrôle total de Gaza.
La politique des dirigeants israéliens n'a pas seulement transformé des centaines de milliers de Palestiniens en prisonniers dans leur propre pays, elle a mis la population israélienne dans la condition à peine plus enviable de geôliers, de mobilisés à répétition, confirmant le pronostic de Trotsky, qui dans les années 1930, voyait dans le sionisme " un piège sanglant ".