Russie : des sommets de corruption23/11/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/11/2521.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : des sommets de corruption

Le ministre russe de l’Économie a été arrêté et risque 8 à 15 ans de prison pour extorsion de fonds. Même dans ce pays, connu comme l’un des plus corrompus, l’affaire n’est pas banale.

On l’accuse d’avoir réclamé deux millions de dollars pour donner son accord à la reprise de la compagnie étatisée Bachneft par le géant russe du pétrole, Rosneft, que dirige un proche du président Poutine, Igor Setchnine. Ce dernier faisant figure de chef de file des « siloviki », ces responsables liés à l’armée, la police et aux services secrets, tel Poutine, tout cela ressemble à un énième règlement de comptes au sein du personnel dirigeant russe, dont la corruption ne serait qu’un prétexte.

Les Russes payent fort cher pour savoir que l’appareil d’État de leur pays est corrompu jusqu’à la moelle : postes, faveurs, diplômes, exemptions de service militaire, feux verts administratifs, jugements, obtention d’un contrat, combines, accès à un service hospitalier : tout se monnaye. Et cela se voit. Sinon comment tant de responsables aux appointements officiels ne dépassant pas 1000 euros pourraient-ils rouler en voiture de luxe, posséder villas et appartements à Moscou, New York, Londres ou Nice ?

Régulièrement, le pouvoir annonce des plans de lutte contre la corruption. Il tente de rassurer les hommes d’affaires occidentaux lorgnant sur la Russie, alors que la vénalité sans bornes des autorités en rebute plus d’un.

Ce phénomène, le pouvoir en a même fait un argument de sa propagande, à usage interne, via les grandes chaînes de télévision qui retransmettent souvent en direct des arrestations de corrupteurs, des perquisitions chez des corrompus. À la veille d’élections générales comme en septembre dernier, une série d’affaires retentissantes a défrayé la chronique médiatique, telle l’arrestation d’un chef de la lutte anticorruption, qui cachait chez lui des millions de dollars. L’électeur était prié de croire que le Kremlin le défendait contre les prévaricateurs de tout poil.

D’habitude, seul le petit fretin est visé : responsables de base ou de rang moyen. Quand, par exception, ce n’est pas le cas, les condamnations sont légères. Ainsi, en 2015, une haute fonctionnaire gérant les biens immobiliers du ministère de la Défense a écopé de cinq ans de prison pour avoir détourné cinq millions d’euros. Mais le ministre, amant de la dame et protecteur intéressé de ses agissements, n’y a perdu que son poste. Inculpé pour négligence, il a été amnistié peu après.

En fait, tout membre de l’appareil d’État russe se trouve en situation de monnayer ses faveurs et sa protection. Bien sûr, de ce fait, il risque aussi de tomber s’il ne graisse pas assez la patte à sa hiérarchie ou empiète sur la chasse gardée d’autres parasites de son espèce. À tous les échelons, avec des différences de taille quant à l’envergure des prélèvements, c’est ainsi que fonctionne le régime russe.

On l’a encore vu lors des Jeux olympiques à Sotchi en 2014, dont le coût a triplé du fait de la corruption. Et, l’an dernier, Poutine a dû envoyer un vice-Premier ministre en Extrême-Orient pour superviser la construction du cosmodrome de Vostotchny, qui va prendre la relève de celui de Baïkonour. En effet, les détournements des responsables locaux avaient pris une telle ampleur qu’il fallut repousser de plusieurs mois l’inauguration par Poutine. Cet affront public à celui qui se veut le chef de la Grande Russie réclamait des sanctions exemplaires : on les attend encore.

Un quart de siècle après la fin de l’URSS, la bureaucratie russe n’a rien perdu de ses vieilles habitudes de parasitage. Elle n’a fait que leur donner une extension monstrueuse, à la mesure de sa soif d’enrichissement. Cela au détriment de la population, avec Poutine en parrain de ce système généralisé de parasitage – les Panama Papers ont révélé qu’il aurait caché deux milliards de dollars dans des paradis fiscaux – et arbitre des luttes entre clans dirigeants.

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