- Accueil
- Lutte ouvrière n°2332
- Paradis fiscaux : Un développement lié à la crise du capitalisme
Leur société
Paradis fiscaux : Un développement lié à la crise du capitalisme
Un scandale... en 1932
Après le krach de 1929 à Wall Street, quand la crise se répandit en Europe, les États cherchèrent à récupérer de l'argent en limitant quelque peu l'évasion fiscale. En 1932, lors d'une perquisition à la succursale parisienne de la Banque commerciale de Bâle, la police française découvrit des carnets contenant deux milliers de noms de fraudeurs ayant évité la taxe de 20 % sur les placements à l'étranger. Bien que le ministre de l'Intérieur ait refusé de communiquer la liste, celle-ci fut rendue publique. Y figuraient notamment trois sénateurs, dont deux anciens ministres, et un membre de la commission des douanes, une douzaine de généraux, des magistrats, deux évêques, plusieurs patrons de presse, dont la famille Coty, propriétaire du Figaro, le fabricant de meubles Levitan et les frères Peugeot. La Suisse allait réagir par une nouvelle loi bancaire, adoptée en 1934, qui place le secret bancaire sous la protection du droit pénal. Aujourd'hui encore, en Suisse, si un employé révèle des informations concernant des comptes de clients, y compris à son propre gouvernement, il encourt des peines allant jusqu'à trois ans de prison et 250 000 francs suisses (205 000 euros) d'amende.
Le terrain était donc préparé pour que, dans les années 1960, quand les capitaux purent circuler librement, quelques grosses sociétés et grosses fortunes trouvent refuge dans des paradis fiscaux. Mais la crise du dollar du début des années 1970 allait encore amplifier le phénomène.
De la prolifération des eurodollars...
Les liquidités des entreprises, notamment celles des compagnies pétrolières qui bénéficièrent du doublement du prix du pétrole en 1973, furent placées dans les banques de différents pays. Ces dollars démultiplièrent quand les banques accordèrent des prêts bien au-delà des sommes qu'elles avaient en dépôt. La nouveauté est qu'elles purent le faire en dehors de tout contrôle des autorités monétaires américaines et des autorités locales. Cela donna une nouvelle impulsion aux paradis fiscaux.
...à l'inflation financière actuelle
En 2008, la crise dite des subprimes bloqua les transactions financières. Pour débloquer le système, les États sont intervenus à coups de milliards de dollars et d'euros. Mais les liquidités supplémentaires ainsi créées ne se sont pas investies dans la production. Une partie a donc été, comme de règle, placée sur des comptes ouverts dans un paradis fiscal. Par exemple, la BNP fut la banque française qui bénéficia le plus du plan de sauvetage. Elle eut l'embarras du choix pour les placer : avec 21 filiales dans les îles Caïmans, 27 au Luxembourg, 17 à Hong-Kong, 77 au Royaume-Uni, trois à Jersey, elle disposait au total de 189 endroits où placer à bon compte l'argent que lui avait généreusement versé l'État.
Et ce n'est évidemment pas fini, car qui pourrait dire où vont se retrouver, par exemple, les vingt milliards d'euros que le gouvernement Hollande a accordés au patronat ?