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Leur société
Chèque en blanc aux spéculateurs
Pour satisfaire les marchés financiers et « sauver l'euro », les gouvernements européens sont censés mettre suffisamment d'argent sur la table pour leur montrer que, en cas de défaillance d'un ou plusieurs États européens, les autres viendront à son aide.
Le problème, c'est que les États européens sont eux-mêmes tous surendettés, ce qui limite leurs possibilités d'emprunts, et que les dix-sept États de la zone euro ont du mal à se mettre d'accord quand il s'agit de solidarité financière entre États.
Le sommet de Bruxelles, si l'on en croit les commentaires relevés depuis par la presse, aurait été encore insuffisant et aurait déçu les attentes des « investisseurs ».
D'abord, il ne fut pas question, en tout cas officiellement, du rôle de la Banque centrale européenne (BCE). Sarkozy, qui souhaite qu'elle vienne directement au secours des États en difficulté en rachetant sans limite leurs obligations, se serait heurté à nouveau au refus de Merkel et des dirigeants de la Banque centrale elle-même. Cela dit, ils ont quand même accepté, hypocritement, que les banques centrales des États de la zone euro prêtent 200 milliards d'euros au FMI pour qu'il les prête ensuite aux États européens qui en auront besoin, ce qui est beaucoup plus compliqué mais revient un peu au même. Mais les apparences sont sauves.
Les chefs d'État ont aussi décidé d'avancer d'un an la mise en place du Mécanisme européen de solidarité (MES), qui doit prendre le relais du Fonds européen de stabilité financière, pour venir en aide aux États de la zone euro en difficulté : il devra entrer en action, en principe, en juillet 2012 au lieu de juillet 2013 comme prévu lors de sa création en mai 2011. Ce fonds sera doté de 80 milliards d'euros de capital, et pourra distribuer, comme c'était prévu à l'origine, 500 milliards de prêts. Sarkozy, selon la presse, aurait souhaité augmenter ses capacités d'intervention financière. Mais il se serait heurté, là encore, au refus de Merkel, moins soucieuse que lui sans doute du sort des banques françaises, très investies en Grèce et en Italie. « C'est la partie décevante de l'accord de Bruxelles », commente la presse... française.
Les banques européennes, elles, ne risquent pas d'être déçues. Bien au contraire.
Alors que la première version du Mécanisme européen de solidarité de mars 2011 prévoyait une participation automatique des créanciers en cas de restructuration de la dette d'un État, cette obligation a disparu dans la nouvelle version : le sommet de Bruxelles a décidé que le « secteur privé » -- autrement dit les banquiers et les assureurs créanciers des États européens -- ne sera plus mis à contribution en cas de restructuration de la dette d'un État, comme ce fut le cas avec la Grèce. Cet engagement figurera même en préambule du nouveau traité. Une façon de signer aux banques, par avance, un chèque en blanc : quoi qu'il arrive, et quoi qu'elles fassent, elles n'y perdront rien, ce sont les États, c'est-à-dire les classes populaires, qui paieront.