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Brésil : Dilma Rousseff élue - la politique de Lula sans Lula
Dimanche 31 octobre, la candidate de Lula et du Parti des Travailleurs, Dilma Rousseff, a été élue première présidente du Brésil, avec 56 % des voix. À son entrée en fonction le 1er janvier, elle disposera d'une confortable majorité aussi bien à la Chambre des députés qu'au Sénat (où Lula était toujours resté minoritaire).
Les raisons de cette victoire sont à rechercher dans la relative prospérité économique actuelle du Brésil, qui fournit de gros profits aux bourgeois et permet d'aider quelque peu les plus pauvres. La candidate a bénéficié de ce fait de l'appui d'une bonne partie de la bourgeoisie et de tous les appareils syndicaux. Il n'y a eu ni mouvements sociaux ni grèves pour troubler la campagne électorale, et Lula lui-même a tout fait pour reporter sur Dilma son énorme popularité, et pour la présenter comme la garante de la continuité de son action.
Pourtant Dilma est bien différente de son prédécesseur, un immigré du Nordeste, ouvrier et syndicaliste qui, grâce au syndicat et au parti qu'il a animés, s'est élevé jusqu'au sommet de l'État. Issue d'une famille bourgeoise, Dilma s'est retrouvée lors de ses études universitaires à militer dans les organisations guérilléristes contre la dictature militaire, ce qui lui a valu d'être torturée et de faire trois ans de prison. Après sa libération, elle ne s'est guère occupée de politique, n'a jamais participé à une élection, mais a fait une belle carrière administrative qui l'a amenée finalement au poste de ministre de l'Énergie puis à celui de Premier ministre de Lula.
Sa politique a toutes les chances de continuer celle de Lula. Au cours de sa campagne, elle n'a pas vraiment développé d'autre programme. Dans ses premières déclarations après l'élection, elle a promis « d'éradiquer la misère », assurant : « Nous ne pourrons trouver le repos tant que les Brésiliens souffriront de la faim. » Cela rappelle le programme « Faim zéro » de Lula et sa déclaration lors que son investiture en 2003 : « Si chaque Brésilien peut chaque jour, à la fin de mon mandat de quatre ans, prendre un petit-déjeuner, un déjeuner et un dîner, j'aurai rempli la mission de ma vie. » Promesse non tenue, puisqu'en 2007, réélu, il proclamait : « L'adversaire, maintenant, c'est les injustices sociales. »
Il faudra attendre la composition de son gouvernement pour peut-être avoir des indications plus précises sur la politique que la nouvelle présidente entend mener. En tout cas, vis-à-vis des couches ouvrières et populaires, il est peu probable qu'elle bénéficie du même préjugé favorable que Lula. Si par exemple elle poursuit les réformes projetées par celui-ci, en particulier l'allongement de l'âge de la retraite, elle risque d'affronter une opposition plus forte. D'autre part la crise économique mondiale, qui a jusqu'ici largement épargné le Brésil, est en embuscade, et peut s'abattre sur lui soudainement, avec une violence dévastatrice. Et ce n'est pas alors Dilma qui en protégera les travailleurs brésiliens, pas plus que Lula ne l'aurait fait.