- Accueil
- Lutte ouvrière n°2237
- Turquie - Les élections du 12 juin : Le gouvernement Erdogan confirmé
Dans le monde
Turquie - Les élections du 12 juin : Le gouvernement Erdogan confirmé
D'après les résultats définitifs des élections législatives turques du 12 juin, le parti d'Erdogan AKP (Parti de la justice et du développement) a gagné pour la troisième fois les élections, obtenant presque 50 % des voix et 325 sièges. Il dispose donc de la majorité absolue, mais n'arrive pas aux 330 sièges de la majorité qualifiée qui lui aurait été nécessaire pour pouvoir modifier la Constitution. Le plus grand parti de l'opposition CHP (social-démocrate) obtient de son côté 25,9 % des voix et 135 sièges, et le MHP d'extrême droite 12,9 % avec 53 sièges. La liste de candidats indépendants formée autour du parti pro-kurde BDP (Parti de la paix et de la démocratie) a réussi à faire élire 36 de ses candidats, ce qui est un succès.
L'AKP est souvent défini comme un parti « islamiste modéré ». Il a été fondé en 2001 par des politiciens conservateurs, dont certains issus de partis islamistes et même certains anciens sociaux-démocrates. Face à des partis largement discrédités, il a gagné les législatives de 2002 à peine quelques mois après sa formation, avec 34,3 %, obtenant la majorité des sièges et pouvant donc former un gouvernement du seul AKP. Depuis, il a réussi à gagner toutes les élections en améliorant à chaque fois ses résultats.
Il faut dire que, depuis 2002, les affaires de la bourgeoisie turque vont bien. L'ambition de celle-ci est de se présenter comme une puissance en paix avec ses voisins, musulmans en particulier, dans le cadre de ce que certains appellent « la nouvelle politique ottomane ». La bourgeoisie turque cherche à se placer au centre de l'économie d'une vaste région allant des Balkans à l'Asie centrale et au Moyen-Orient. Les capitalistes turcs font de bonnes affaires, en collaboration avec des capitaux ouest-européens. La stabilité politique du pays fait que ceux-ci considèrent le pays comme une zone où ils peuvent investir sans risque, en disposant d'une main-d'oeuvre pas chère, et à partir de laquelle ils peuvent exporter vers l'Asie centrale et le Moyen-Orient. Les entreprises turques peuvent ainsi jouer le rôle de relais permettant aux capitalistes occidentaux d'augmenter leur pénétration dans ces régions. Ainsi, la production du secteur automobile turc a augmenté de presque 30 % en 2010 et la croissance a été de 8,9 % pour la même année.
Cette situation économique tranche avec celle des années précédentes et elle explique en grande partie le fait que, contrairement à ses prédécesseurs, le gouvernement et le parti d'Erdogan ne se soient pas discrédités. Il faut ajouter qu'il a su éviter aussi les scandales de corruption à répétition qui avaient marqué tous les gouvernements précédents, et qu'il bénéficie ainsi de l'image d'un parti relativement honnête et bon gestionnaire.
Bien sûr, ceux qui profitent de cette situation sont avant tout les capitalistes turcs. Les grandes sociétés et les banques battent des records de profits. La population ne bénéficie que de quelques retombées, mais celles-ci suffisent pour que l'AKP apparaisse comme un parti un peu plus soucieux du sort de la population, un peu moins méprisant que les autres, ce qui à vrai dire n'est pas très difficile. Quant aux travailleurs, leur situation ne s'améliore guère. Par exemple, même d'après les chiffres officiels, 810 travailleurs ont été tués à la suite d'accidents du travail durant les six premiers mois de l'année 2010. Cela fait presque trois morts d'accident du travail par jour. Autre exemple, plus de 12 millions de travailleurs, c'est-à-dire presque la moitié des salariés, ne sont pas déclarés.
Au lendemain des élections, Erdogan a pu triompher, s'apprêtant à affronter sa troisième législature au service de la bourgeoisie turque. Mais il serait temps que les travailleurs turcs, qui sont à l'origine de la richesse du pays, exigent d'avoir leur dû. Ils n'attendront peut-être pas encore des années.