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- Lutte ouvrière n°2237
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Leur société
La saga de Sevelnord à Hordain... et ses suites : Comment PSA fait de l'argent avec les fermetures d'usines
Oui vraiment, les dirigeants de PSA ont tous les culots. À la suite de la révélation du plan de fermeture de l'usine de Sevelnord à Hordain près de Valenciennes, conjointement à celles de Madrid et Aulnay, ils ont déclaré que PSA pourrait étudier la remise en cause de cette décision si l'État leur attribuait des aides massives. Mais, outre que cela relève de la manoeuvre en vue d'essayer de diminuer l'impact des révélations, dans le cas de Sevelnord c'est de la provocation pure et simple.
L'histoire de Selvelnord montre comment on peut préparer des années à l'avance des fermetures d'usine, en gagnant beaucoup d'argent sur la peau des milliers de salariés.
L'HISTOIRE DU BRIGANDAGE PATRONAL
L'histoire commence chez Chausson, filiale commune de PSA et Renault, où les deux groupes faisaient fabriquer l'ensemble de leurs véhicules utilitaires légers à Creil et à Gennevilliers. À partir de 1986, les deux groupes ont préparé leur redéploiement et le démantèlement de leur filiale au mieux pour chacun d'entre eux.
En 1987, PSA commence par fermer son usine de Hordain près de Valenciennes en jetant plus de 2 000 salariés à la rue, dont beaucoup connaîtront, dans cette région sinistrée, le chômage de longue durée, le RMI et la misère. En 1988, cette fermeture réalisée, PSA signe avec Fiat le principe de l'ouverture d'une usine pour construire les véhicules utilitaires légers réalisés jusqu'ici par Chausson. Cette usine sera à... Hordain, sur le site de l'usine qui vient de fermer, et s'appellera Sevelnord.
En 1989, le gouvernement socialiste de Rocard, avec Chérèque (le père de l'autre) comme ministre à l'Aménagement du territoire, signe un accord de financement massif en faveur de PSA pour lui permettre d'ouvrir, en réalité de réouvrir, son usine de Hordain. PSA va ainsi pouvoir reconstruire à neuf son ancienne usine sans bourse délier, avec l'argent de l'État, des collectivités locales, du fonds de réindustrialisation de la sidérurgie, du fonds de réindustrialisation des Charbonnages de France, des fonds de la formation, ainsi que la mise à disposition gracieuse des agents de l'ANPE pour recruter des ouvriers jeunes et à qui on pourra beaucoup demander. Enfin, accessoirement, des fonds de Fiat viennent à la rescousse. L'État mettra aussi dans la corbeille pour Renault, l'autre associé, pour faire part à deux, le refinancement de l'usine de Batilly en Lorraine.
La réouverture de Hordain est annoncée pour 1992, les postes n'étant pas pour les licenciés de 1987 de cette usine. Mais elle va entraîner un véritable désastre social à un peu plus de cent kilomètres de là.
UN DÉSASTRE SOCIAL CONCOCTÉ EN SECRET DES ANNÉES À L'AVANCE
Car cette opération doit entraîner la fermeture de tout Chausson, avec la disparition de plus de 7 000 emplois directs sans compter les milliers d'autres de la sous-traitance. C'est d'abord la fermeture de l'usine de Creil, qui regroupe alors plus de 3 500 salariés, puis celle de Gennevilliers, qui en compte également 3 500, sans compter celle de l'usine de Meudon. PSA mènera cette opération de brigandage jusqu'au bout la main dans la main avec son compère Renault.
Jusqu'au bout, PSA et ses compères jurent qu'ils n'ont aucunement l'intention de fermer Creil et Gennevilliers. Ils louent le professionnalisme et l'efficacité des salariés, ils continuent des investissements, ils font même quelques embauches alors qu'ils ont déjà scellé leur accord de liquidation.
Les syndicats interpelleront les deux actionnaires, déclencheront des procédures juridiques qui révéleront une petite partie, mais pas l'essentiel.
Il faudra attendre que le plan de liquidation soit vraiment engagé pour qu'une procédure déclenchée devant le tribunal de commerce permette de mettre à jour l'accord secret de PSA et Renault et qu'il soit rendu public. Préparé dès 1986, il fut signé en 1991 par Calvez, PDG de PSA, et Schweitzer, PDG de Renault. Il organisait dans le détail les fermetures, les milliers de licenciements à venir, la mise frauduleuse en dépôt de bilan de leur société commune, Chausson, pour faire payer les licenciements par la collectivité. Mais, comme le disaient les deux PDG voyous, à chaque plan de licenciements à venir, à chaque étape, il fallait cacher la finalité de leur plan par crainte, disaient-ils, « des réactions sociales que cela pourrait entraîner ».
Pendant des années, le PDG de PSA a donc menti avec aplomb et arrogance, tout comme les exécutants du gouvernement. En 1992, sans honte, Martine Aubry, ministre du Travail à l'époque, osa illustrer sa politique de lutte contre le chômage en montrant en exemple ce qu'elle avait fait pour Hordain et Sevelnord, et les « 2 700 emplois que nous avons contribué à créer », criait-elle devant les députés. Cela alors qu'elle avait entre les mains le projet de 1 104 licenciements de l'usine de Creil, directement liés à cette opération.
Au total, le plan PSA-Renault préparé dès 1986 a coûté plus de 10 000 licenciements directs, avec la fermeture de trois usines de production : Meudon (600 ouvriers), Creil (3 500) et Gennevilliers (3 500) et les 2 500 de Hordain en 1987. Il faut ajouter au moins autant pour les sous-traitants. Le séisme économique sur Creil et sa région a été profond et est toujours sensible encore aujourd'hui. En échange PSA a embauché pour un temps 2 700 personnes à Hordain et Renault quelques centaines à Batilly, dans des usines payées par les fonds publics. Ce plan global devait en plus leur rapporter plus d'un milliard de francs chacun.
Il a fallu la lutte acharnée et continue des travailleurs de Chausson, commencée à Creil en 1992 et terminée à Gennevilliers en 1998, pour imposer à PSA, à Renault et aux gouvernements successifs, de gauche comme de droite, de traiter les travailleurs dignement et de donner à beaucoup un nouvel emploi. Mais cette lutte a aussi permis de rendre publics les documents montrant comment ces patrons mentent et préparent en secret des années à l'avance leurs sales coups.