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Élections au Brésil : Une victoire nuancée du Parti des Travailleurs
Il faudra donc attendre le deuxième tour du 31 octobre pour connaître officiellement le nom du prochain président du Brésil, contrairement aux prévisions des instituts de sondage qui donnaient Dilma Rousseff élue dès le premier tour. La candidate soutenue par Lula et par le Parti des Travailleurs (PT) n'a en effet obtenu que 46,9 % des voix. José Serra, le candidat de la droite, en a recueilli 32,6 %. La surprise est venue de Marina Silva, du Parti Vert, qui avec 19,3 % a très largement dépassé ce que prédisaient les sondages.
Marina Silva est une militante écologiste proche de Chico Mendes, syndicaliste amazonien assassiné en 1988 sur ordre de grands propriétaires. Elle a été jusqu'en 2008 militante du PT et ministre de l'Environnement de Lula, cautionnant une politique qui ne se souciait ni de l'écologie ni des petits paysans. En tant que militante connue de la gauche, sa candidature à l'élection présidentielle devait logiquement enlever des voix à Dilma Rousseff. Elle aurait, disent les commentateurs brésiliens, recueilli les voix de nombreux jeunes et de petits bourgeois intellectuels. Mais elle a sans doute aussi permis à une partie de l'électorat traditionnel du PT de voter à gauche tout en se démarquant du gouvernement, que ce soit pour sanctionner les scandales politico-financiers dans lesquels étaient impliqués des notables de haut niveau du PT, pour dénoncer les mesures contre les fonctionnaires, les réformes de la santé ou de l'éducation, ou encore le mépris de l'environnement. Marina Silva, dont les Verts français ont salué le résultat, n'est pourtant pas sur les mêmes positions que ceux-ci, ne serait-ce que parce qu'elle se présente en militante évangéliste, adversaire résolue du droit à l'avortement. Mais le plus probable est que la majorité des voix de Marina Silva se reporteront au second tour sur Dilma Rousseff.
D'autres élections avaient lieu en même temps que l'élection présidentielle le 3 octobre, dans les résultats desquelles on constate un maintien ou même une certaine progression des voix du camp gouvernemental, PT et alliés. Sur les 18 gouverneurs élus au premier tour, onze font partie de cette majorité. Au Sénat, le groupe qui soutient le PT passe de 40 à 49 membres (sur 81 sièges). Dans l'État de Sao Paulo, qui a élu un gouverneur de droite, le PT est passé de 20 à 24 députés fédéraux. À cause des candidatures multiples (par exemple au Parlement fédéral et au Parlement régional) et des calculs compliqués du système proportionnel en vigueur, on ne peut encore faire un bilan des parlementaires élus.
Par ailleurs, il se confirme que l'électorat du PT n'est plus majoritaire dans les grands États comme Sao Paulo ou le Minas Gerais. Ces deux États, qui ont élu des gouverneurs de droite, concentrent à eux deux un tiers des électeurs du pays et les plus gros bataillons de la classe ouvrière. Mais si dans ces États, dont celui de Sao Paulo, berceau du PT et du syndicat CUT dont Lula a été un des fondateurs, le PT semble avoir perdu en influence, il a en revanche acquis un électorat fidèle dans le Nordeste, à Bahia par exemple, dans des régions qui étaient depuis toujours les fiefs des caciques de droite. Il semble que les mesures d'assistance prises par le gouvernement Lula, en particulier la « bourse famille », lui aient gagné une clientèle parmi la population traditionnellement misérable et assistée.
Le 31 octobre, le Brésil aura donc sans doute une présidente, de gauche comme Lula. Cependant la politique menée ne changera pas. Comme par le passé le gouvernement maintiendra des mesures d'assistance mais sans s'attaquer à aucun des problèmes cruciaux de la population brésilienne pauvre : emplois précaires, bas salaires, pauvreté, manque de logements, misère de la santé et de l'éducation, réforme agraire.