République d'Irlande : Coup de colère contre la menace d'un troisième plan d'austérité06/10/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/10/une2201.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

République d'Irlande : Coup de colère contre la menace d'un troisième plan d'austérité

Au matin du 29 septembre, des manifestants en colère enfonçaient les grilles du Parlement de Dublin avec une bétonnière sur laquelle avait été peinte, en grosses lettres rouges, l'inscription « Banque toxique ».

Peu après, les députés du Parlement irlandais, qui rentraient de leurs habituels congés prolongés de douze semaines, étaient accueillis par les projectiles divers et les slogans des manifestants. Le même jour, des marches de protestation se déroulaient dans les deux autres principales villes ouvrières du pays, Galway et Cork.

C'était la réponse des travailleurs irlandais à l'annonce faite, la veille par le ministre des Finances, d'un nouveau renflouement des banques du pays - pour un montant de 13 milliards d'euros, équivalant à près de 10 % du PIB - renflouement qui se traduit par le passage sous le contrôle de l'État des cinq principaux établissements financiers du pays.

En deux ans, c'est la troisième fois que le système bancaire irlandais est ainsi mis sous perfusion de fonds publics, pour combler les vides laissés par les prêts fantastiques consentis aux promoteurs immobiliers et aux grands propriétaires fonciers. Aujourd'hui, les prix immobiliers se sont écroulés, de 40 à 70 % depuis leur pic en 2007, laissant d'innombrables chantiers inachevés et quantité de logements de luxe et d'immeubles d'affaires vides, que les promoteurs avaient eu la folie de vouloir vendre à prix d'or, alors que c'était les logements populaires qui manquaient.

Mais surtout, la colère des manifestants de ce jour-là était motivée par l'annonce d'un nouveau plan d'austérité, au motif que ce sauvetage porte le déficit de l'État à 32 % du PIB. Or c'est la troisième fois qu'on leur fait le coup. En 2008 et 2009, des budgets d'urgence avaient été introduits au même motif. Les dépenses de l'État avaient été brutalement réduites : les effectifs des salariés du public avaient été réduits, leurs revenus nets baissés de 15 à 25 %, les cotisations sociales de tous les salariés augmentées ; les retraites avaient été diminuées et l'âge de la retraite repoussé; toutes les allocations sociales avaient été réduites, en particulier pour les chômeurs, dont le nombre avait doublé durant cette période. Et pour faire bonne mesure, la plupart des projets d'infrastructure, en particulier dans les transports, particulièrement archaïques, avaient été gelés ou annulés.

Tout ces sacrifices imposés à la classe ouvrière devaient, selon le pouvoir, garantir la reprise économique en réduisant le déficit de l'État. D'ailleurs Jean-Paul Trichet, le président de la Banque centrale européenne, n'avait-il pas fait la morale à la Grèce menacée de faillite, en lui citant l'Irlande en exemple ?

Et tout cela pour qu'aujourd'hui, après deux années de vaches maigres et de chômage pour beaucoup, les travailleurs se retrouvent à la case départ, dans une économie qui continue à licencier et face à une nouvelle menace d'austérité ? Pendant ce temps, les bénéficiaires de la spéculation immobilière d'hier se sont fait dédommager par les caisses de l'État, et les actionnaires des grandes entreprises continuent à bénéficier du régime fiscal le plus favorable de l'ex-Europe des 15 !

Alors oui, les travailleurs irlandais ont de multiples raisons de se mettre en colère. Dans le passé, ils ne se sont pas laissé faire. Chacun des plans d'austérité précédents avait été marqué par d'importants mouvements de protestation dans les rues. Mais les appareils syndicaux, soucieux avant tout de conserver leur position de « partenaires » du pouvoir, s'étaient contentés d'utiliser la combativité ouvrière comme d'un tremplin pour s'assurer une place autour du tapis vert, avant de donner finalement leur aval aux sacrifices exigés par le gouvernement.

La colère et le ras-le-bol des travailleurs irlandais finiront-ils, cette fois-ci, par les aider à trouver les moyens de déborder le carcan des appareils syndicaux et de passer à l'offensive, pour faire payer à la bourgeoisie les frais de sa crise ? C'est ce que l'on doit souhaiter.

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