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Leur société
STIC : Fichage en grand
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a examiné pendant un an et demi le plus grand fichier de police français et en a conclu que ses dysfonctionnements étaient d'une ampleur qu'elle n'imaginait pas.
Ce fichier, le Système de traitement des informations constatées (Stic) a été créé en 1994, lorsque Charles Pasqua était ministre de l'Intérieur. Il recense les informations sur les auteurs ou les victimes de crimes, de délits ou d'infractions graves, sans limite d'âge et pour une durée de cinq à quarante ans selon la gravité de l'infraction. En décembre 2008, il conservait la trace de 5,5 millions de suspects et de 28 millions de victimes. Théoriquement, il est vérifié et régulièrement mis à jour. En réalité, il fourmille d'erreurs ou de mentions tendancieuses.
Celles qui consistent à classer une victime d'un délit dans la catégorie " suspects " sont, paraît-il, marginales, et heureusement ! Les mentions " homosexuel ", " travesti ", " permanent syndical ", " membre d'une secte " ou " handicapé moteur " suggérées aux fonctionnaires de police qui effectuent le classement sont, paraît-il aussi, assez souvent non remplies ; il n'en reste pas moins qu'elles existent.
Mais le plus fréquent est le maintien dans ce fichier des noms de " suspects " dont les affaires se sont terminées par un non-lieu, un classement sans suite ou un acquittement. En 2005, 2006, 2007, les tribunaux ont omis de transmettre plus d'un million de classements sans suite. La Cnil dénonce le manque de lien informatique entre les services de la Justice et ceux de l'Intérieur ainsi que le manque de personnel. Le résultat en est que des centaines de milliers d'innocents, totalement blanchis, restent pour ce fichier des " suspects ".
Or, depuis 2001, l'embauche dans un certain nombre de professions (gardiennage, sûreté dans les aéroports, ou police par exemple) est soumise à un agrément préfectoral après consultation du Stic. Le président de la Cnil reconnaît lui-même que cela " peut hypothéquer la vie quotidienne de personnes modestes ou vulnérables " lors de la recherche d'un emploi.
Il en conclut que " le Stic pose beaucoup plus de problèmes en termes de libertés individuelles et de conséquences sociales " que le fichier Edvige qui fit pourtant grand bruit et qui, pour le moment, a été officiellement retiré. Mais les " libertés individuelles " ne sont pas une priorité pour le gouvernement. Ce n'est pas une surprise, même si, avec plus de 33 millions d'inscrits, le Stic vient rappeler qu'en matière de fichage, l'État sait faire les choses en grand !