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Bahreïn : Des soldats saoudiens et émiratis au secours de la monarchie
Au moment où en Libye, les troupes de Kadhafi resserrent l'étau autour des insurgés de l'est du pays, c'est aussi à l'autre extrémité du monde arabe, au Bahreïn, qu'un tournant est pris vers la répression. Le Conseil de coopération du Golfe (CCG), dont l'Arabie saoudite est le chef de file, a décidé l'envoi de troupes à Bahreïn pour y ramener selon ses termes « l'ordre et la stabilité ». Un millier de soldats saoudiens sont ainsi arrivés dimanche 13 mars à Bahreïn. Les Émirats arabes unis ont également annoncé l'envoi de troupes. C'est la réponse de l'Arabie saoudite aux manifestations qui secouent le Bahreïn depuis un mois.
Face à la poursuite de la contestation, la monarchie du Bahreïn avait bien accepté de rencontrer l'opposition afin de discuter de la revendication d'un parlement ayant quelque pouvoir. Mais l'affaire a tourné court. Les différentes composantes de l'opposition, dont le Wifaq, un parti chiite, continuant de dénoncer l'attitude du pouvoir et l'émir du Bahreïn, Hamad ben Issa Al-Khalifa.
Face à l'intervention scandaleuse, ils dénoncent maintenant cette « occupation militaire étrangère ». Et, le soir du 13 mars, des manifestants ont barré plusieurs routes du centre de la capitale Manama. La police les a arrosés de gaz lacrymogènes pour débloquer l'accès au quartier des affaires. La police n'était pas intervenue ainsi depuis le 19 février. Washington a condamné ces violences et exhorté le gouvernement de Bahreïn à dialoguer avec l'opposition plutôt qu'à recourir à la force. Les États-Unis ont fait les mêmes recommandations au CCG.
Si la monarchie saoudienne se soucie d'arrêter la contestation à Bahreïn, c'est qu'elle craint aussi qu'elle n'encourage la contestation qui commence à se développer dans son propre pays. Jeudi 10, la police a tiré des coups de semonce pour disperser des manifestants dans l'est de l'Arabie saoudite, faisant trois blessés. Des manifestations ont lieu depuis la mi-février dans cette province saoudienne, qui est à la fois celle des puits de pétrole et de la minorité chiite. Elles ne regroupaient souvent qu'une poignée de participants qui demandaient la libération de prisonniers politiques.
Des pétitions circulent aussi pour demander des réformes politiques, plus de transparence dans les dépenses et des mesures contre le chômage et la pauvreté. Le chômage des jeunes est en effet le problème numéro un de l'Arabie saoudite, qui compte 70 % de moins de 30 ans. Or 40 % de ces jeunes sont au chômage.
Le chômage est d'autant plus important que les patrons saoudiens préfèrent faire venir des non-Saoudiens, qui leur coûtent moins cher. Résultat : le nombre de jeunes en situation précaire et de personnes vivant sous le seuil de pauvreté s'est mis à grimper dans l'un des États les plus prospères du monde, mais où la richesse ne profite qu'aux hommes d'affaires et d'abord à ceux qui sont liés à la famille régnante.
Parallèlement, une succession de scandales a révélé le degré de corruption et de népotisme des institutions étatiques, mais les coupables n'ont jamais été punis. La critique du roi et des princes reste interdite tandis que les prisons du régime sont pleines de militants politiques, de blogueurs irrévérencieux, de juristes ou d'universitaires pacifistes.
La monarchie dispose d'un très gros fonds de réserve (pas loin de 500 milliards de dollars) qui peut lui permettre d'acheter en partie la paix sociale. En février dernier, elle a annoncé que 36 milliards de dollars (25 milliards d'euros) seraient dépensés en faveur de mesures sociales. Il s'agissait évidemment de tenter d'apaiser la contestation et cela mesure la crainte que commence à éprouver le régime. Mais cette contestation continue d'agiter différents milieux, intellectuels partisans de la démocratie et défenseurs des droits de l'homme, islamistes salafistes, représentants de la minorité chiite, voire des clans de la monarchie qu'elle a mis sur la touche.
L'intervention directe des troupes saoudiennes au Bahreïn rappelle en tout cas que la monarchie de Ryad entend bien continuer d'étouffer toute contestation politique, avec ses pétrodollars - elle va consacrer 20 milliards à soutenir ses voisins du Bahreïn et d'Oman - mais aussi, si nécessaire, à coups de trique.