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Groupe Renault : Après « l'espionnage », « l'escroquerie »... reste l'exploitation
Dans un récent épisode du feuilleton sur l'espionnage industriel chez Renault, où trois hauts cadres avaient été, début janvier, brutalement licenciés et dénoncés publiquement, Carlos Ghosn, de retour au 20 heures de TF1, a dû admettre : « Je me suis trompé, nous nous sommes trompés et d'après les conclusions que nous avons entendues du procureur de Paris, il semble que nous ayons été trompés. »
Une vidéo réalisée à usage interne montre le PDG confessant ce qu'il appelle « une bêtise ». Une « bêtise », le licenciement grandguignolesque de trois cadres sur fond de mauvais roman d'espionnage, le déballage de ses « certitudes », de ses preuves « multiples » ! Mais par chance, a dit Ghosn, le conseil d'administration ne l'envoie pas au coin, il lui « conserve sa confiance »... Grand seigneur, et surtout pragmatique, le PDG a annoncé refuser la démission offerte par son second, Patrick Pélata : à ce dernier de partager les épisodes de brasse coulée que réserve sans doute encore cette affaire... Ghosn n'a pas été suffisamment grand seigneur, cependant, au point de proposer sa propre démission !
Proposant une « réparation et/ou une réintégration des trois cadres au sein du groupe après cette très grande injustice », le patron du groupe a annoncé qu'avec l'ensemble des cadres dirigeants impliqués dans l'affaire il renonçait à la part variable de sa rémunération pour 2010 et à tout bénéfice de stock-options pour 2011. Prendre sur son 1,6 million d'euros de bonus pour dédommager les trois cadres, c'est la moindre des choses, et de toute façon il lui reste son salaire - 9,2 millions d'euros en 2009 - et toutes les stock-options accumulées depuis 2005 à la tête de Renault, et même depuis 2001 comme PDG de Nissan.
Quelle que soit la dose de ridicule dont se sont couverts les dirigeants de Renault, ils n'en sont pas morts. Quant aux trois cadres injustement soupçonnés et chassés de leur poste, il est normal qu'ils obtiennent réparation. Cette affaire met cependant en lumière les méthodes expéditives du constructeur en matière de gestion du personnel. Ici amplement médiatisée, l'attitude méprisante de la direction vis-à-vis des « ressources humaines » est largement répandue dans les bureaux et les usines. Le harcèlement de la hiérarchie à l'égard de travailleurs qui ne rentrent pas dans le rang ou dont la tête, tout simplement, ne revient pas au chef, est monnaie courante depuis que la recherche effrénée de postes à supprimer tient lieu, chez Renault et ailleurs, de gestion du personnel. Il n'est pas rare qu'une provocation serve à se débarrasser d'un salarié « indésirable », qu'un jeune chef tout frais issu de l'école d'ingénieurs obtienne le licenciement d'un vieil ouvrier « rétif » ou encore qu'un responsable en embuscade attrape un travailleur un verre à la main et lui indique aussitôt la porte.
Cette fois, les victimes ont eu à la fois le budget et les relations pour se défendre face à l'arbitraire patronal. Mais ce sont tous les travailleurs harcelés ou licenciés par Renault au fil des ans qu'il faudrait indemniser et/ou réintégrer.