Enseignement : Payer les élèves pour qu'ils aillent en cours... ou leur donner envie d'apprendre ?07/10/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/10/une2149.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Enseignement : Payer les élèves pour qu'ils aillent en cours... ou leur donner envie d'apprendre ?

Le recteur de l'académie de Créteil a trouvé une idée pour lutter contre l'absentéisme scolaire : donner une cagnotte, pouvant atteindre 10 000 euros sur l'année scolaire, à une classe dont les élèves sont présents et se conduisent correctement. Cet argent serait utilisé à des projets éducatifs. Six classes, dans trois lycées professionnels, ont été sélectionnées à titre d'essai.

Nul ne peut lui reprocher de vouloir lutter contre l'absentéisme des élèves, qui est un réel problème, plus particulièrement dans les lycées professionnels. En revanche, les moyens choisis sont plus que discutables. C'est déjà montrer du mépris envers les enseignants, en sous-entendant qu'ils sont incapables d'intéresser leurs élèves. Et c'est insulter les élèves que de supposer que seule une motivation financière peut les inciter à venir à l'école, et à venir seulement, même pas à faire l'effort de travailler pour acquérir des connaissances nouvelles qui leur permettraient de progresser. Comme l'a déclaré le pédagogue Philippe Meirieu, qui s'élève contre cette « éducation bancaire », à l'opposé de toute démarche pédagogique : « Les enfants sont capables de défis : au judo, accéder à la ceinture noire, c'est un défi symbolique. À l'école ce doit être pareil. »

L'initiative du recteur revient en outre à faire l'impasse sur toutes les causes qui mènent à cet absentéisme. Pourquoi tant d'élèves de lycées professionnels viennent-ils irrégulièrement en cours ? Il est évident que beaucoup ne se sentent pas motivés par leurs études. Bien souvent, ils n'ont pas choisi cette orientation et traînent des pieds pour assister à des cours et préparer un examen qui, ils en sont conscients, ne leur offrira pas d'avenir sur le plan professionnel. Par ailleurs, venant de milieux populaires, ils sont nombreux à travailler afin de ne pas être entièrement à la charge de leurs parents. Et les petits boulots qu'ils trouvent, outre qu'ils s'ajoutent à leurs 36 heures de cours hebdomadaires, ne sont pas toujours compatibles avec l'école ; dans ces cas-là, le choix est vite fait. Et ce n'est pas une carotte agitée devant le nez de quelques-uns qui pourra permettre d'inverser la vapeur.

Pour que les élèves voient un intérêt à venir en cours, qu'ils aient envie d'apprendre, de surmonter leurs difficultés, qu'ils comprennent que toutes les connaissances accumulées les rendent plus forts, il faut y mettre les moyens. Les hauts responsables de l'Éducation nationale savent bien qu'il faudrait créer les conditions permettant de rendre les établissements accueillants, avec suffisamment d'enseignants pour stimuler les élèves, et leur donner les moyens, matériels aussi, pour s'ouvrir à la culture, ce qui est loin d'être le cas en lycée professionnel. Mais c'est bien là que le bât blesse.

Ces rapports mercantiles n'ont rien à voir avec la notion d'apprentissage, qui est de s'enrichir par la connaissance. Ils sont à l'image des jetons de présence que touchent les actionnaires pour assister à des conseils d'administration - à une tout autre échelle évidemment - et sont le seul idéal que cette société est capable de proposer aux jeunes.

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