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Leur société
Armes chimiques : la justice des trusts
Le 22 août, des juges français ont débouté Tran To Nga, une Franco- Vietnamienne de 82 ans, rescapée de la guerre chimique menée par l’impérialisme américain au Vietnam dans les années 1960-1970. Elle attaquait en justice Bayer-Monsanto et 13 grands groupes chimiques, héritiers de ceux qui avaient fourni à l’armée américaine « l’agent orange ».
L’agent orange, un défoliant extrêmement toxique utilisé comme arme chimique, fit trois millions de victimes et fait encore des ravages 60 ans après.
Les juges ont invoqué « l’immunité de procédure » pour exonérer les sociétés visées. Quant aux États-Unis, la loi fait bien les choses : elle interdit à l’État d’en poursuivre un autre en justice, surtout le plus puissant de tous. L’industrie de la mort fait partie du système capitaliste, les juges confirment qu’ils sont bien là pour le défendre, pas pour le mettre en cause !
La guerre est une catastrophe pour la planète et ses habitants, et cela ne date pas du conflit Russie-Ukraine ni de la destruction systématique de Gaza. Les puissances coloniales ont largement recouru aux bombardements de forêts contre les populations. Ainsi, la France au Maroc, durant la guerre du Rif (1921-1926). Ou la Grande-Bretagne, en usant du napalm, durant la guerre civile en Grèce (1944-1949), puis de défoliants chimiques, peu après, contre l’insurrection de la Malaisie. Mais c’est au Vietnam que l’impérialisme américain y a recouru à grande échelle.
Au cours des dix années (1962-1971) de guerre chimique au Vietnam, les avions américains y ont pulvérisé près de 80 millions de litres de défoliants. Sous le nom de code « Ranch Hand » (ouvrier agricole), on utilisa l’agent orange, l’herbicide le plus connu, pour détruire la couverture forestière qui abritait les combattants du vietcong et les cultures vivrières, afin de les priver de nourriture et de forcer les paysans, qui les soutenaient, à quitter les campagnes.
L’agent orange servit aussi à sécuriser les bases américaines en éliminant la végétation alentour. Lorsque les États-Unis, défaits, ont dû fuir le Vietnam, ils laissèrent derrière eux des masses de déchets militaires et chimiques, notamment autour de leurs bases de Danang, Bien Hoa et Phu Cat. Lors de ce ravage systématique de l’environnement, l’impérialisme américain avait sciemment empoisonné un septième de la superficie du Sud-Vietnam et sa population.
L’agent orange, qui contenait de la dioxine, est l’un des contaminants environnementaux les plus dangereux. Selon un rapport de 2009, près de cinq millions de Vietnamiens y ont été exposés. 400 000 en sont morts, de très nombreux en ont été handicapés, dont un demi-million d’enfants nés avec des malformations congénitales. Parmi les deux millions d’Américains ayant servi au Vietnam, et présumés avoir pu être contaminés, beaucoup ont été frappés de cancers, de maladies cardiaques, d’un diabète de type 2, de neuropathies, et des enfants d’anciens soldats souffrent de malformations congénitales.
Cette catastrophe sanitaire et environnementale géante n’avait rien de fortuit. Tout avait été fait par les autorités américaines pour maximiser l’effet de l’agent orange. Une enquête menée par un amiral américain, père d’un officier décédé des suites d’une exposition à l’agent orange, a montré que l’armée américaine avait sciemment pulvérisé cette arme chimique à des concentrations 6 à 25 fois supérieures au taux requis pour un effet défoliant.
Cela se déroula dans le silence complice des institutions internationales supposées agir pour la paix, mais qui servent surtout à couvrir les méfaits des puissances impérialistes. Et aujourd’hui, donc, des juges français.