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Rwanda : la culpabilité de l’impérialisme français
Vingt-trois ans après le massacre de près d’un million de Tutsis et d’opposants au Rwanda, les preuves de la complicité de la France continuent de s’accumuler.
Les archives de l’Élysée sur l’action de l’armée française furent longtemps inaccessibles. En avril 2015, Hollande chargea deux hauts fonctionnaires de les examiner avant de lever le secret défense, mais il renonça rapidement en apprenant ce qu’elles contenaient. L’un de ces deux hauts fonctionnaires témoigne aujourd’hui du fait que ces documents prouvent que les chefs militaires français ont bien eu l’ordre de réarmer les miliciens hutus génocidaires. Non seulement Mitterrand et le gouvernement français violaient ainsi l’embargo sur les armes proclamé par l’ONU, mais ils donnaient à ces tueurs les moyens de terroriser ceux qui s’enfuyaient vers la République Démocratique du Congo voisine, et de porter la guerre dans ce pays.
En 1990, le gouvernement socialiste de Rocard choisit de soutenir la clique au pouvoir au Rwanda, dirigée par Habyarimana, alors qu’elle était menacée par le Front patriotique rwandais (FPR) soutenu par l’Ouganda et les États-Unis. Jean-Christophe Mitterrand, installé par son père comme dirigeant de la cellule Afrique de l’Élysée, envoya près de 4 000 militaires français qui prirent en charge la formation de l’armée rwandaise. La France décidait alors de soutenir un régime issu d’un coup d’État en 1973 ; celui-ci se maintenait par la terreur en s’appuyant sur l’extrémisme hutu, et en s’attaquant à la minorité tutsi.
Quand, à partir de 1990, des massacres de Tutsis eurent lieu et que le génocide fut préparé ouvertement avec des appels au meurtre collectif sur la radio des Mille collines, le soutien du gouvernement français resta sans faille. Après la mort de Habyarimana, dont l’avion fut atteint par deux missiles le 6 avril 1994, un coup d’État élimina physiquement les dirigeants hutus modérés et le nouveau gouvernement se réunit à l’ambassade de France pour planifier et déclencher le massacre des Tutsis.
Dans une lettre ouverte au président de la République, un responsable de Médecins sans frontières, Jean-Marie Bardol, écrivit à son retour du Rwanda : « Les gens qui massacrent aujourd’hui mettent en œuvre une politique systématique d’extermination. Ils sont financés, entraînés et armés par la France. » D’autres témoignages ont suivi, prouvant que des officiers de l’armée française soutenaient les génocidaires. Des plaintes viennent d’être déposées par des associations à l’encontre notamment de la BNP pour avoir, en plein massacre, transféré 1,3 million de dollars d’un compte détenu par la Banque nationale du Rwanda vers le compte suisse d’un courtier d’armes sud-africain, alors même que depuis un mois un embargo sur les ventes au Rwanda avait été décrété par l’ONU.
Malgré le soutien de la France, le régime fut renversé par l’armée du FPR dont le dirigeant, Paul Kagamé, prit le pouvoir et s’y maintient jusqu’à aujourd’hui. Les turpitudes des dirigeants français ne s’arrêtèrent pas là. Les troupes françaises, sous couvert d’une opération humanitaire, organisèrent la fuite des massacreurs hutus, avec ordre de les réarmer, signé du secrétaire général de l’Élysée Hubert Védrine, comme le confirme le témoignage qui vient d’être publié.
La droite et la gauche se donnent la main depuis plus de vingt ans pour cacher la responsabilité de l’État français dans le génocide rwandais, une responsabilité qui leur incombe à l’une comme à l’autre. Juppé était à l’époque ministre des Affaires étrangères, Villepin directeur de cabinet, Balladur Premier ministre, Mitterrand président.