- Accueil
- Lutte ouvrière n°2424
- Nigeria : La population prise entre les assassins de Boko Haram et l'armée
Dans le monde
Nigeria : La population prise entre les assassins de Boko Haram et l'armée
Les bandes armées islamistes de Boko Haram avaient enlevé en avril dernier 220 lycéennes, dont on est toujours sans nouvelles. Mais tous les jours cette organisation intégriste fait régner la terreur dans le nord-est du Nigeria, où les massacres se sont multipliés depuis le début de l'année.
Pendant le week-end des 10 et 11 janvier, 25 personnes sont ainsi mortes sur les marchés du nord du Nigeria. Boko Haram y avait envoyé des fillettes de 10 ans bardées d'explosifs commandés à distance. Ces actes horribles ne sont que la plus récente des tueries perpétrées par la secte. La semaine précédente, une quinzaine de villages de la région avaient été attaqués et leurs habitants massacrés. À Baga, des centaines de personnes y ont laissé la vie. Les survivants ont dû s'enfuir en traversant le lac Tchad comme elles le pouvaient, s'y noyant parfois. La ville de Damaturu a également été prise pour cible, et on y compte une centaine de victimes.
La population vit entre deux terreurs : elle craint Boko Haram, mais aussi l'armée nigériane. Quand celle-ci sort des casernes où elle s'est retranchée, c'est pour commettre des tueries dont la cruauté ne cède en rien à celles commises par la secte. En avril 2013, les militaires ont brûlé 2 000 maisons à Baga pour venger la mort d'un des leurs. Chacun des deux camps cherche à prendre ou à garder le pouvoir sur la région en employant la même politique terroriste. Et Boko Haram menace désormais la population des pays voisins, le Cameroun, le Tchad et le Niger, cherchant à étendre sa domination sur la vaste zone déshéritée qui s'étend de part et d'autre de ces frontières.
Toutes ces horreurs se déroulent dans un pays, le Nigeria, qui est avec l'Afrique du Sud la première économie du continent, le paradis des compagnies pétrolières et la terre bénie des investisseurs en Afrique. Mais si les actionnaires des sociétés américaines et européennes en profitent, ainsi que les dirigeants nigérians et une mince couche de petits bourgeois locaux, la population vit dans la misère. C'est en particulier le cas dans le nord du pays, et c'est sur ce terreau qu'a grandi Boko Haram.
Le mouvement est né en 2002 et son créateur a trouvé l'oreille des habitants non seulement en prônant l'application de la loi islamique, mais aussi en dénonçant la corruption des dirigeants qui détournaient la rente pétrolière et laissaient la population du Nord dans la misère. Dès le début Boko Haram a entretenu des liens troubles avec le milieu politique. Gouverneurs et sénateurs du Nord ont utilisé les gangs de la secte pour se faire élire, en échange de la promesse d'appliquer la loi islamique. Certains généraux, qui forment le vrai pouvoir au Nigeria, en ont été complices, sous les yeux du gouvernement central. Aujourd'hui l'armée est bien incapable de combattre la secte. Le budget militaire représente plus de 20 % de celui du pays mais, avec la corruption qui règne à tous les niveaux, pratiquement rien ne parvient aux troupes qui affrontent Boko Haram.
On voit au Nigeria jusqu'où peut aller la cruauté de groupes islamistes ennemis mortels des travailleurs et de la population pauvre. Mais, à l'origine de leur développement, il y a le pillage des ressources de la planète par l'impérialisme et le maintien des régimes corrompus qui le servent.