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- Lutte ouvrière n°2409
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Brésil : les élections du 5 octobre : trois rivaux pour un même programme
Au lieu de l'habituel duel droite-gauche, trois « grands » candidats s'affrontent, même si celui de la droite semble d'emblée éliminé, avec moins de 20 % des intentions de vote. L'affrontement se réduit en fait à deux candidates : Dilma Rousseff, présidente sortante, représentant la gauche traditionnelle, et Marina Silva, une écolo-évangéliste qui veut incarner une « troisième voie ». L'essentiel, pour les travailleurs brésiliens, est que tous ces candidats ont à peu de chose près le même programme.
Dilma Rousseff vise sa réélection. Elle avait été choisie par Lula, fondateur du Parti des travailleurs (PT) et de la centrale syndicale CUT à la fin de la dictature militaire (1964-1984), président de 2003 à 2010 et qui ne pouvait briguer un troisième mandat. Dilma a bénéficié de la popularité de Lula, de la prospérité économique et des aides aux plus pauvres. Elle a poursuivi la politique de Lula, faite d'aides massives aux entreprises et de programmes d'assistance pas trop coûteux, comme le Bolsa familia, qui verse jusqu'à 70 euros aux familles les plus pauvres, ou la petite retraite versée à des travailleurs ruraux âgés.
Mais Dilma Roussef a eu moins de chance que Lula. La période de prospérité économique semble se terminer, avec une croissance presque nulle cette année. Et elle a été confrontée l'an passé à des manifestations massives, en particulier sur le problème des transports en commun, et cette année à la contestation et aux grèves qui ont précédé le Mondial de football. Sa popularité a chuté, et le candidat du PSDB (droite), Aecio Neves, pouvait croire à ses chances de l'emporter, en promettant le retour de la prospérité et le maintien des programmes sociaux. Il annonçait en fait la continuation de la même politique car, en fait de cadeaux aux patrons, d'exonérations d'impôts et de subventions, il est difficile de faire plus que l'actuel gouvernement.
Mais voilà qu'une outsider est venue doubler Aecio Neves au dernier moment. Le candidat marginal Campos du PSB, ex-ministre de Lula et allié de Dilma Rousseff au Parlement, est mort le 13 août dans un accident d'avion et Marina Silva, au départ seconde de Campos, est devenue candidate à la présidence. Or c'est une battante, originaire d'une famille amazonienne très pauvre, qui a milité longtemps au PT et a été ministre de l'Environnement de Lula. En 2010, candidate présidentielle du Parti vert, elle avait déjà recueilli 19 % des suffrages.
Elle fait une campagne à coloration écologiste, tout en évitant soigneusement d'égratigner les industriels et les grands propriétaires. Elle est entre autres appuyée par le propriétaire du groupe Eternit, dont l'amiante a tué des milliers de salariés en Italie et ailleurs, et par les groupes chimiques Bayer et Monsanto. Ce dernier est le champion des OGM, dont l'usage a été légalisé au Brésil au moment où elle était ministre. Elle a aussi pour elle d'être une fervente évangéliste, qui milite à l'Assemblée de Dieu. Elle combat l'avortement et est plus que réservée sur le mariage homosexuel.
Marina Silva prétend représenter une « troisième voie » entre le PT et la droite et réunir les côtés positifs de Lula et de son prédécesseur de droite, Cardoso, qui avait mis fin à l'hyperinflation et ramené la prospérité. Effectivement elle peut attirer aussi bien des électeurs de gauche déçus par Dilma Rousseff que des réactionnaires bon teint. Sans appareil politique pour la soutenir, elle a très vite fait jeu égal avec la présidente dans les sondages. À la veille du vote, cette dernière reprochait à Marina Silva son manque d'expérience et son militantisme religieux (tout en se précipitant elle-même à l'inauguration du Temple de Salomon, construit par une autre secte évangélique), et l'accusait de vouloir remettre en cause les programmes sociaux. Marina Silva de son côté lui reprochait ses échecs économiques et les scandales qui touchent son gouvernement.
Il est certain que, avec Marina Silva comme avec Dilma Rousseff, pour ne pas parler du candidat de la droite, les capitalistes seront bien servis et que les travailleurs devront affronter l'inflation, les augmentations des tarifs, électricité et essence en particulier, et les suppressions de postes, sous prétexte de faire face à la crise. Contre toutes ces menaces, les travailleurs ne pourront compter que sur leurs luttes. Ils ont déjà montré, notamment dans la période de la fin de la dictature, de quoi ils étaient capables.