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- Lutte ouvrière n°2118
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2009, année Darwin
En 1809, année de la naissance de Darwin, pour « l'opinion publique » des pays occidentaux, le récit biblique fait encore office d'explication incontestable à la création de la Terre et des êtres vivants qui la peuplent ; l'Église en a même daté le moment et accordé à la Terre l'âge de six mille ans. Par contre, parmi les naturalistes et autres « savants », même si dans leur majorité, ils tiennent eux-aussi Dieu pour le grand architecte de la Terre et de toutes choses, il en est quelques-uns que l'observation, entre autres des fossiles, a conduit à mettre en doute le dogme de la Création et de l'immuabilité des espèces.
La naissance de l'idée d'évolution
Parmi ceux qu'on appellerait aujourd'hui évolutionnistes mais qu'on nommait alors « transformistes » on peut citer Buffon, né un siècle avant Darwin. En son temps déjà, il défendait l'idée d'une transformation de la Terre et des êtres vivants au cours du temps. Il s'efforça même de démontrer que la Terre était bien plus ancienne que ce que présumait la faculté de théologie, ce qui ne fut pas sans lui valoir quelques tracas.
Un peu plus tard, Lamarck, un de ses disciples, reprit cette idée de transformation. Et c'est en 1809, qu'il exposa sa théorie selon laquelle les espèces subissent en quelque sorte une pression de l'environnement pour se transformer, afin de s'adapter toujours mieux à leur milieu, puis transmettent ces transformations à leur descendance. Il fut ainsi le premier à formuler une explication des transformations en rapport avec le milieu.
Aux tenants du transformisme, s'opposaient les « fixistes » ceux qui pensaient que les espèces demeuraient telles qu'elles avaient été créées, se reproduisant à l'identique, « fixées » à travers le temps. Cuvier fut un des plus célèbres. Au moment où naît Darwin, Cuvier est un éminent professeur de 40 ans dont une des spécialités est la paléontologie, l'étude des fossiles. Or certains des vestiges qu'il étudie montrent qu'il existait autrefois des espèces, par exemple de mammifères, différentes des espèces modernes, voire même des espèces apparemment apparentées à aucune espèce moderne. Pour l'expliquer, il émit sa « théorie des catastrophes » selon laquelle, la Terre aurait connu des catastrophes - le Déluge étant la dernière en date -, au cours desquelles des espèces auraient disparu, bientôt remplacées par d'autres venues d'autres contrées. La légende biblique était sauve, tous les animaux étaient le fruit de la création et seuls ceux sauvés par Noé avaient survécu...
Les apports de Darwin
Au début du XIXe siècle, les théories s'affrontaient donc depuis déjà un bout de temps entre « fixistes » et « transformistes ». Ce que Darwin apporta et qui allait bientôt permettre de trancher, prouver et convaincre, fut une quantité impressionnante d'observations et de faits - des milliers de spécimens de végétaux, animaux et fossiles - rassemblés pendant son tour du monde de cinq années à bord du Beagle.
Quand Darwin embarque sur ce trois-mâts chargé du relevé cartographique des côtes d'Amérique du Sud, il a 22 ans. Auparavant, fils de médecin, il a passé trois années à la faculté de médecine d'Edimbourg avant d'abandonner, faute d'une réelle vocation. Ensuite, il a intégré l'université de théologie de Cambridge et est devenu pasteur anglican afin, dit-il, d'avoir le temps de se consacrer à sa passion pour l'Histoire naturelle. Et c'est un peu par hasard qu'il a la chance d'embarquer sur le Beagle en tant que naturaliste alors qu'il est encore un croyant adepte de cette « théologie naturelle » apprise à Cambridge, pour laquelle la merveilleuse harmonie du monde et de la nature ne peut être expliquée que par un « dessein divin ».
Le long voyage autour du monde et surtout ses multiples découvertes se chargeront de distiller le doute. À bord, Darwin emporte les Principes de géologie, ouvrage publié par Charles Lyell, géologue adversaire du catastrophisme, et pour qui la Terre, loin d'avoir été créée en un temps record par des catastrophes, s'est formée, transformée au cours du temps sous l'effet continuel et progressif de causes naturelles telles que l'érosion et les éruptions volcaniques. Une escale du Beagle dans les îles volcaniques du Cap-Vert allait bientôt convaincre Darwin de la justesse de cette analyse.
Plus tard, au Brésil et en Argentine, Darwin put constater sur des fossiles de mammifères disparus des ressemblances avec des espèces modernes. Elles allaient le guider vers l'idée d'une parenté entre ces animaux et donc d'une transformation, d'une évolution au cours du temps.
Il y eut aussi l'escale dans les Galapagos. Darwin observa que, d'un îlot à l'autre, la forme et la taille du bec des pinsons étaient différentes, en même temps que les ressources alimentaires de chaque îlot différaient elles aussi. Plus tard, après son retour en Angleterre et l'étude des oiseaux par un éminent ornithologue, Darwin put comprendre qu'il s'agissait d'espèces différentes et aussi comment les espèces se transforment. Ces pinsons, exposa-t-il, provenaient d'une espèce souche ; dans chaque île, ils avaient subi des modifications, entre autres de la forme de leur bec, puis la forme la mieux adaptée au type de ressource alimentaire avait été sélectionnée : une nouvelle espèce s'était ainsi formée.
Le pavé dans la mare de la publication
En 1842, six années après son retour, Darwin rédigeait le premier manuscrit de De l'origine des espèces par le jeu de la sélection naturelle, affirmant sa conception d'une lente évolution des êtres vivants au fil du temps et expliquant le mécanisme de cette évolution : l'apparition de nouveaux caractères (on ne savait alors rien de la génétique ni des mutations) et la sélection naturelle des caractères offrant aux individus qui les portent un avantage pour survivre et se reproduire. Il y affirmait aussi l'unité du monde vivant, les liens de parenté des espèces actuelles avec les espèces éteintes et de toutes les espèces entre elles dans un grand arbre évolutif plongeant ses racines dans les premières formes de vie.
Si Darwin rédigea son premier manuscrit en 1842, il ne se résolut à publier son ouvrage que dix-sept ans plus tard... Et encore, parce qu'un autre naturaliste, Russel Wallace, était parvenu aux mêmes conclusions que lui et risquait de lui ravir la vedette.
Darwin redoutait le scandale que son ouvrage ne manquerait pas de provoquer dans les milieux religieux et il n'avait pas tort ! Car même si dans cet ouvrage de 1859 Darwin ne disait pas un mot de l'origine de l'homme - il attendra 1871 pour le faire -, le raisonnement tout entier impliquait que l'espèce humaine n'échappait pas à la filiation, au lien de parenté avec tous les autres êtres vivants. En revanche, le raisonnement impliquait que l'origine de l'homme n'avait rien à voir avec un quelconque grand ordonnateur divin. Quant à Darwin, comme il l'expliqua dans son autobiographie, il avait échappé aux dogmes de la Bible et abandonné la foi.
Aujourd'hui, 150 ans plus tard, l'évolution de la Terre, de la vie et des espèces est un fait incontestable, une donnée évidente et acceptée, du moins par tous ceux qui ont accès à la culture et aux connaissances. Certes, y compris dans les pays où la connaissance avance le plus vite, on trouve encore de sombres réactionnaires pour contester l'évolution et défendre le « créationnisme » ou autre « dessein » divin. Mais au fond, il ne s'agit là que de fossiles... de l'évolution sociale !