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- Lutte ouvrière n°2118
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Leur société
Irradiés par les essais nucléaires français : Un demi-siècle après, l'État refuse toujours de reconnaître sa responsabilité
Combien de personnes ont-elles été victimes des essais nucléaires français qui se sont poursuivis de 1960 à 1996, au Sahara d'abord puis en Polynésie ? On l'ignore et on n'est pas près de le savoir, compte tenu de la mauvaise volonté de l'armée, et derrière elle de l'État, à admettre ses responsabilités.
Lors des premiers tirs, au Sahara, des militaires assistaient aux essais, de loin, pratiquement sans protection. L'un d'eux raconte que quelques heures après le premier essai il est allé, en jeep, planter un drapeau français au « point zéro » de l'explosion. Il est aujourd'hui atteint d'un cancer de la peau.
Lors d'un essai qui s'est déroulé moins bien que prévu et qui a entraîné un gros nuage de poussières radio-actives, deux ministres étaient spectateurs. L'un d'eux, Gaston Palewski, est mort d'un cancer en 1984, convaincu d'avoir été victime de cet essai.
Récemment, un ancien militaire a obtenu de la Justice le droit à une pension d'invalidité (son taux d'invalidité est évalué à 40 %) que lui refusait jusqu'à présent l'État. Et maintenant c'est au tour de douze autres ex-militaires irradiés de demander réparation auprès de la cour d'appel de Paris, après que diverses instances ont rejeté leurs demandes.
Manifestement l'État n'est guère pressé. Ni de devoir verser des pensions (ce qui serait pourtant la moindre des choses), ni de reconnaître, de manière générale, une quelconque responsabilité de contamination radioactive à l'occasion des essais nucléaires.
Selon la doctrine officielle, ces essais étaient « propres ». Il y a eu en tout 210 essais nucléaires, avec au début beaucoup moins de protections qu'on n'en a pris à la fin. Environ 150 000 personnes, militaires et personnels civils, y ont participé. Combien d'entre elles ont été contaminées ? Quant aux populations locales, Touaregs du Sahara et Polynésiens, on n'a qu'une idée encore beaucoup plus vague du nombre de ceux qui en leur sein ont pu être touchés.
Il serait évidemment souhaitable qu'une étude sérieuse soit effectuée sur tous les gens qui ont pu être contaminés. Mais elle n'a jamais été faite et il n'est pas question de la faire, car l'État redoute évidemment qu'elle démontre une responsabilité de sa part bien plus grande que dans le cas des quelques militaires qui se sont adressés à la Justice.
Les années passent. Encore quelques décennies et toutes les victimes finiront par s'éteindre. Est-ce ainsi que l'État espère se débarrasser du dossier des irradiations provoquées par les essais nucléaires français ?