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Dans le monde
Produits agricoles : Spéculation et famines
En France, et en général dans les pays d'Europe occidentale, la hausse des prix ronge depuis plusieurs mois le pouvoir d'achat des classes populaires. Mais dans d'autres pays du monde, et en particulier dans les pays pauvres, elle est devenue une terrible catastrophe sociale.
Entre 2006 et 2007, les prix des produits alimentaires avaient augmenté de 27 %. Depuis, la machine s'est emballée. Le prix du blé a augmenté de plus de 120 % et, de proche en proche, tous les produits alimentaires, comme le riz, le soja, le maïs, n'arrêtent pas de grimper.
Le PAM, le Programme alimentaire mondial qui dépend de l'ONU, a demandé 500 millions de dollars supplémentaires afin de pouvoir continuer à fournir une aide alimentaire à 73 millions de personnes affamées. Depuis juin dernier, le prix des produits que l'organisme achète a augmenté de 55 %, et encore de 20 % supplémentaires depuis son appel.
Quelle est la cause des augmentations de prix qui jettent dans la rue des milliers d'habitants des quartiers pauvres ? À cette question, certains ont trouvé une réponse simple : le problème, c'est que les pauvres se mettent à manger trop -ce qui augmente la demande, et donc les prix. Et voilà ! Si les crève-la-faim avaient la correction de bien vouloir rester des crève-la-faim, on n'en serait pas là.
On croit rêver lorsqu'on lit sous la plume de rédacteurs du journal Le Monde que " en quelques années, des centaines de millions de personnes qui vivaient de peu (sic) sont devenues de gros consommateurs " ! Un journaliste de Ouest-France constate lui benoîtement qu'en Chine, " on s'est pris d'appétit pour la viande " - car bien sûr, si les Chinois mangeaient moins de viande dans les décennies passées, c'était par manque " d'appétit "...
Mais tous ceux qui donnent ces explications aberrantes ou choquantes à la hausse des prix sont beaucoup moins bavards lorsqu'il s'agit de dénoncer le rôle néfaste que jouent les spéculateurs dans cette affaire.
Les produits agricoles, déjà objet de spéculation en temps ordinaire, le sont devenus d'autant plus dans un contexte de crise financière où de nombreux possesseurs de capitaux sont à la recherche de placements prometteurs. Par exemple, entre janvier et février derniers, le volume des contrats concernant les matières premières a bondi à Londres de 65 % à 70 % par rapport à la même période de 2007.
Les capitaux spéculatifs, les mêmes qui à d'autres moments se sont rués sur l'immobilier ou sur les actions des sociétés liées à internet, se précipitent de plus en plus sur ces denrées alimentaires, ou plutôt sur des morceaux de papier, des " contrats à terme " qu'ils achètent et revendent, alimentant ainsi la hausse des prix. Les journaux financiers écrivent maintenant que le riz et toutes les céréales représentent de " remarquables opportunités pour les investisseurs ", c'est-à-dire pour les banques et tous les organismes financiers qui cherchent à spéculer.
Le riz est ainsi passé en six mois de 420 dollars à 570 dollars la tonne à la Bourse de Chicago, de 330 dollars à 470 dollars la tonne à celle de Bangkok. Pour la seule journée du jeudi 2 mars, le prix du riz a bondi de 31 %.
La hausse vertigineuse des denrées alimentaires est une catastrophe à deux faces : l'enrichissement éhonté de certains, la famine accrue pour des millions d'autres.