Moulinex : Pour garantir la vie des salariés, il faut réquisitionner les profits26/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1736.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Moulinex : Pour garantir la vie des salariés, il faut réquisitionner les profits

Lundi 23 octobre, au bout d'un mauvais feuilleton de plusieurs semaines, les salariés de Moulinex ont appris le sort qui leur était réservé par le tribunal de commerce : 3 744 licenciements secs en France, 5 144 dans le monde sur un effectif initial de 8 800 personnes. Dans les tout prochains jours, des milliers de familles vont recevoir la lettre de licenciement qui va les transformer en chômeurs, et les plonger dans l'angoisse du lendemain. C'est un séisme économique pour toute une région. En Basse-Normandie, où Moulinex était encore un des tout premiers employeurs privés, cinq des six usines existantes ferment, provoquant 3 425 licenciements.

Et encore, la saignée sur les emplois que va provoquer le retrait financier des actionnaires et le dépôt de bilan qui s'en est suivi risque encore de s'alourdir dans les jours et les mois à venir. Tout d'abord, le repreneur SEB, avec à sa tête Thierry de la Tour d'Artaise, a annoncé que la reprise de certains sites n'était que provisoire, sans garantie pour l'avenir. En fait, SEB est bien plus intéressé par la reprise de la marque Moulinex et de celles qu'elle possédait comme Krups, que cette opération lui permet de réaliser à bon compte, que par la reprise des salariés, auxquels la compagnie ne donne aucune garantie d'avenir. Les seules garanties que le patron de SEB a dû donner sont à ses actionnaires, en leur promettant une reprise juteuse pour eux, et aussi aux banques qui n'oublient pas leurs intérêts.

Mais, en plus, reste en suspens le sort des milliers de salariés de la division Brandt, qui a été détachée en cours de procédure par le tribunal de commerce. Ses effectifs en France sont quasiment les mêmes que ceux de Moulinex.

On a beaucoup parlé d'une autre offre de reprise par un fonds d'investissement FIDEI, mais ce projet prévoyait lui aussi des milliers de licenciements, même s'il y en avait 1 000 de moins en France, du moins dans un premier temps. Car cela fait des années que les salariés de Moulinex ont dû subir plan de licenciements sur plan de licenciements. En France, ses effectifs étaient ainsi passés de 12 000 à 5 600. Mais si les salariés ainsi jetés à la rue perdent tout, leur salaire dans un premier temps, et leurs maigres biens, leurs maisons dans un deuxième s'ils ne trouvent pas d'emploi, ce n'est pas le cas des patrons et des actionnaires qui se sont succédé à la tête de l'entreprise.

Le travail des salariés du groupe a généré des milliards de profits, qui se sont accumulés sur les comptes privés des actionnaires. Cet argent leur reste acquis, et on ne demande rien à ceux qui se sont ainsi enrichis du pillage du travail des salariés, pas même à ce monsieur Naouri qui, à la tête de son fonds d'investissement, avait pris un temps le contrôle du groupe. Ce même Naouri, ex-chef de cabinet du ministre socialiste des Finances Bérégovoy en 1983, qui, poursuivi pour délit d'initié et accusé de s'être enrichi grâce à la connaissance des petits secrets industriels propre à sa fonction, avait dû écourter son office au ministère. C'est le principe de cette société capitaliste : grâce aux mécanismes des sociétés anonymes, les patrons ne peuvent être tenus responsables que pour le montant des sommes mises dans une société sous forme de capital, et de rien d'autre, et ne sont nullement obligés d'entamer les fortunes qu'ils ont pu amasser grâce à cela, même s'ils ont par exemple pillé la trésorerie de la société tombée sous leur coupe.

Alors le gouvernement et Fabius, qui aurait personnellement soutenu cette reprise, sont bien plus préoccupés de l'avenir des actionnaires de SEB que de celui des salariés. Aux uns l'assurance de profits, aux autres rien, si ce n'est la promesse sempiternelle faite à l'occasion de chaque grosse opération de licenciements : la réindustrialisation de la région. De la Lorraine au Nord et au Midi, ce sont les mêmes mensonges qu'osent ressortir sans honte les gouvernants du moment, aujourd'hui Guigou et Jospin. Ces réindustrialisations n'ont jamais empêché des milliers de chômeurs de finir en fin de droits à 2 600 F par mois ou au RMI.

Il serait pourtant plus simple d'empêcher les licenciements sur des emplois existants que d'essayer d'en créer d'hypothétiques. Si Jospin se déclare impuissant à empêcher les patrons de jeter ainsi les salariés à la rue, par refus de s'attaquer, ne serait-ce qu'un peu, à leurs droits, comment peut-il prétendre leur imposer d'embaucher ?

Pour l'ensemble du monde du travail, où chacun peut être la prochaine victime de cette course sans fin aux profits, la seule issue est d'imposer l'interdiction de tous les licenciements, sous peine de réquisition des entreprises concernées et des profits gigantesques accumulés par les patrons des grands groupes industriels et financiers auxquels elles appartiennent.

Partager