Congrès de la fédération des métaux CGT : Quelle perspective pour les travailleurs ?14/04/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/04/une-1657.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Congrès de la fédération des métaux CGT : Quelle perspective pour les travailleurs ?

Pendant une semaine, du 3 au 7 avril, s'est tenu le congrès de la fédération des métaux CGT à Poitiers au Futuroscope.

La métallurgie demeure une branche importante, puisque la profession compte plus de 2 000 000 de travailleurs, répartis dans plus de 54 000 établissements, dont 1 500 comptent plus de 200 salariés, sans compter un développement là aussi sans précédent de la précarité et de l'intérim qui représentent plus de 10 % des effectifs.

La CGT, majoritaire aux élections professionnelles dans cette branche d'industrie, annonce 3 000 bases organisées avec 63 000 syndiqués dont 12 000 retraités.

L'assemblée du congrès comptait plus de 500 délégués mandatés par différentes structures syndicales, dont 80 représentant la direction sortante. La grande majorité des délégués étaient des ouvriers encore en activité. Pour plus de la moitié des présents, c'était leur premier congrès fédéral.

Pour de nombreux militants, ce congrès avait de l'importance, car ce rassemblement était le premier bilan d'activité de leur fédération, depuis l'arrivée de la gauche au gouvernement avec Jospin. Mais c'était aussi le premier congrès depuis le 46eCongrès de la Confédération CGT qui avait déjà suscité de nombreuses discussions parmi les militants.

Comment s'exprime la contestation ?

D'ailleurs dès le début de 1999, un débat critique s'était ouvert entre des militants responsables de différents syndicats, à propos de l'absence de position claire de la fédération par rapport au gouvernement notamment sur la loi Aubry et les 35 heures.

Le discours introductif de Sanchez le nouveau secrétaire général de la fédération, était marqué par ces débats : " Ensemble, nous pouvons dépasser les désaccords qui s'expriment depuis le 46e congrès, reposant souvent sur le seul positionnement à l'égard de la politique du gouvernement en évacuant l'affrontement permanent avec le patronat... "

" Est-ce qu'aujourd'hui nous serions confrontés à un débat qui opposerait le syndicalisme de classe au syndicalisme réformiste ? Ou bien l'enjeu est-il, derrière, la recherche d'une plus grande efficacité pour notre syndicalisme... "

" Le défi proposé par le projet de document d'orientation d'un syndicalisme gagnant s'inspire de notre expérience dans l'approche conquérante de la bataille des 35 heures ".

La contestation au congrès s'est d'abord exprimée sur la proposition d'organiser les débats autour de thèmes - les 35 heures, la négociation comme dynamique de mobilisation, la convention collective nationale - une partie des délégués préférant un débat plus général sur le fond de l'activité et les orientations.

La loi Aubry disputée

Finalement c'est jeudi 6 avril que les débats les plus vifs ont eu lieu à propos de l'appréciation de la loi Aubry sur les 35 heures, à partir d'un amendement proposé par le syndicat Renault Cléon. Celui-ci affirmait entre autres : " L'aspiration à travailler moins sans dégradation des conditions de travail, en créant des embauches massives a été détournée par le gouvernement, en laissant au patronat toute possibilité d'accentuer la productivité et la rentabilité des entreprises... La loi Aubry n'est pas un point d'appui pour engager la bataille pour l'emploi "

Bien que non retenu par la commission des mandats, cet amendement a été pourtant largement approuvé par un vote à main levée. La direction du congrès a estimé que ce vote remettait en cause l'ensemble de la démarche actuelle de la fédération et imposé que l'amendement soit réexaminé, sur la base des mandats détenus par chaque délégué cette fois. Ce changement de décompte a permis d'inverser le résultat du vote : l'amendement a finalement été rejeté par 55 % des voix, alors qu'il avait été approuvé par près de 80 % des délégués présents au congrès. Beaucoup de délégués n'ont pas apprécié cette manoeuvre de la direction fédérale et cela a entraîné une certaine méfiance par la suite.

Le fait que le vote sur le document d'orientation en fin de congrès ait été approuvé seulement à 69 %, alors que le rapport d'activité l'avait été à 75 % en début de congrès, est significatif de cette évolution.

Il faut noter que ce congrès a été l'occasion pour de nombreux militants de témoigner de leur activité, de la situation des travailleurs dans leur entreprise, de la rapacité des patrons, de l'intensification de l'exploitation, de la dégradation des conditions de travail, de l'augmentation de la précarité et des salaires bien souvent dérisoires.

Des critiques sur l'absence de perspectives, sur le manque d'objectifs clairs à défendre dès aujourd'hui pour faire en sorte que lors des remontées des luttes les travailleurs ne se battent pas pour un plat de lentilles, se sont également fait entendre.

Une certaine désorientation

Une certaine confusion existe parmi les militants, qui essaient tant bien que mal de défendre le monde du travail dans leur entreprise contre l'offensive du patronat et du gouvernement, mais qui sont aussi parfois désorientés du fait qu'ils ont le sentiment de s'être " fait avoir " par les partis de gauche. Certains ont de ce fait tendance à vouloir se réfugier dans le syndicalisme apolitique, autre dérive tout aussi réformiste que celle qui consiste à présenter comme seule perspective le soutien à des partis qui, une fois arrivés au gouvernement, ne font que gérer les affaires de la bourgeoisie.

Thibault en clôturant le congrès a botté en touche, répondant aux critiques sur l'absence de positionnement par rapport à la gauche plurielle en ironisant : " Certes, certains sont les amis de Robert, mais d'autres sont plus intimes avec Arlette, Alain ou Dominique... c'est un fait, mais nous gardons notre indépendance d'esprit car nous ne sommes pas au service des différentes écuries politiques ".

En effet, il ne s'agit pas d'être " au service d'une écurie politique ", et surtout pas de celle qui est au gouvernement. Mais cela ne devrait pas empêcher un syndicat comme la CGT d'avoir une politique à proposer aux travailleurs pour leur permettre dans la prochaine période de renverser en leur faveur le rapport de forces, depuis trop longtemps favorable au patronat, de renforcer leur combativité, leur moral, et finalement d'imposer leurs intérêts fondamentaux contre ceux des capitalistes qui dominent aujourd'hui la société et qui dictent leur politique aux gouvernements.

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