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Leur société
Loi sur la responsabilité des élus : Des ministres amnistiés d'avance
Une proposition de loi de la majorité de droite du Sénat a été adoptée en un temps record, à peine quelques semaines, puis, à la demande du gouvernement, reprise en extrême urgence par le Parlement, qui l'a votée à son tour. Il est rare qu'un projet de loi bénéficie d'une telle célérité de la part du gouvernement et des élus réunis dans un consensus tout à fait inhabituel, lui aussi .
C'est que cette loi tend à rendre plus difficiles, voire impossibles, les poursuites pénales contre les élus et les hauts fonctionnaires ayant pris des décisions en tout domaine, à partir du moment où les fautes qui pourraient leur être reprochées ne relèveraient que d'une responsabilité " indirecte ".
La droite, le gouvernement et les élus de gauche se sont emparés d'un problème réel qui peut toucher les maires de petites communes pour apporter des solutions où tous les élus, l'administration et le gouvernement se verraient exemptés des responsabilités dans les catastrophes que leurs choix et décisions auront pu entraîner.
Il est vrai que la législation actuelle a permis de mettre en examen des maires pour des chutes sur un chemin communal, reprochant au maire sa responsabilité dans l'entretien des sentiers, ou pour la chute d'un panneau de basket, considérant que la responsabilité du maire était engagée pour la fixation défectueuse de l'installation. Il y a sans doute là des excès pénibles pour les intéressés mais cela fait suite à toute la période précédente où la poursuite des responsables, même en cas de faute la plus avérée, était impossible dans les faits. En tout, pour les cinq dernières années, il y a eu 54 mises en examen d'élus et quatorze condamnations sur ce domaine de la responsabilité indirecte.
Et puis empêcher qu'il y ait des excès dans les poursuites judiciaires des maires des petites communes est une chose : mais le projet en attente d'être définitivement adopté par le Sénat et l'Assemblée nationale a bien d'autres ambitions que ce seul problème limité.
Le Syndicat de la magistrature et de nombreuses associations de défense des victimes ont protesté contre ce projet de loi. Tous ont fait remarquer que dans toutes les grandes catastrophes, l'écroulement des tribunes à Furiani, l'accident de la gare de Lyon, le sang contaminé, l'amiante, le tunnel du Mont-Blanc ou le naufrage de l'Erika et la pollution qui s'en est suivie, l'adoption de cette loi aurait empêché de poursuivre les vrais responsables, qui ont tous commis des fautes " indirectes ". Et pour cause, les grands commis de l'État ou les élus qui prennent des décisions qui engagent la peau des autres ne le font que par personne interposée. Du coup ce sont les lampistes qu'on poursuivra, le conducteur de train, de camion ou le capitaine du bateau...
De plus si ce principe d'irresponsabilité était confirmé en cas de faute " indirecte ", il n'est pas exclu que cela ouvre la voie aux employeurs, qui eux-aussi, souhaiteraient l'impunité en cas de non-respect des consignes de sécurité, par exemple.
C'est vrai que nos législateurs, comme le gouvernement, comme tous ceux qui se sentent aux commandes de cette société ont un sens profond de la justice. C'est-à-dire de la justice de classe, la leur, qui doit être faite pour les protéger et pas pour les juger, même pas pour leur demander parfois des comptes sur leurs actes.