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- Lutte ouvrière n°2372
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Égypte - Référendum constitutionnel : Les militaires renforcent leur emprise
Les 14 et 15 janvier devait se tenir en Égypte le référendum sur la nouvelle Constitution. Déjà approuvée par les cinquante « sages » qui servent de caution plus ou moins démocratique et en tout cas civile à Al-Sissi et aux généraux qui gouvernent le pays depuis le coup de force du 3 juillet, elle était désormais proposée à l'appréciation de la population, avec un fort relent, si le « oui » devait l'emporter, de plébiscite au général ministre de la Défense.
La propagande officielle comme les journaux ralliés depuis l'été dernier au pouvoir de l'armée, présenté comme un rempart contre les Frères musulmans, appelaient à voter « oui » afin prétendument de respecter la volonté populaire exprimée dans les manifestations massives anti-Morsi du 30 juin dernier. Cette nouvelle Constitution serait ainsi « le meilleur texte » de l'histoire égyptienne, elle tournerait la page de « l'obscurantisme » de la précédente mouture, publiée sous la présidence de Morsi. Elle serait même dans la continuité des demandes populaires ayant conduit à la chute de Moubarak en janvier et février 2011.
En fait, même si les partisans de cette nouvelle Constitution arguent de paragraphes comme l'interdiction des partis fondés sur des bases religieuses, l'égalité hommes-femmes, ou la criminalisation de la torture, son approbation est d'abord un moyen de légaliser le pouvoir militaire issu du coup du 3 juillet. Elle est aussi visiblement un moyen, pour Al-Sissi lui-même, d'asseoir sa position personnelle. Il a d'ailleurs annoncé dans un discours tenu devant un parterre d'officiers qu'il se porterait candidat à l'élection présidentielle qui devrait suivre la promulgation de la Constitution, « si le peuple le réclamait et si l'armée [le] soutenait ».
En attendant, la Constitution maintient dans son article 2 la « charia comme principale source de la législation », comme sous l'ex-président Morsi. Quant à ceux qui s'opposent au texte, les arrestations de ces dernières semaines et les jugements expéditifs ne visent plus seulement les Frères musulmans mais aussi les manifestants de gauche. Fin décembre, on a assisté à l'arrestation de militants connus pour leur participation aux mouvements de janvier-février 2011, qui ont participé à une manifestation réclamant le droit de critiquer le gouvernement Al-Sissi sans pour autant être partisan des Frères musulmans.
La récente loi interdisant toute manifestation non autorisée par le pouvoir ouvre en effet la porte à la répression. Ces militants, emprisonnés et punis lourdement, ont été rejoints par d'autres, à Alexandrie, condamnés à deux ans de prison ferme et à 50 000 livres égyptiennes d'amende pour des faits similaires. Les tribunaux militaires continuent de juger des civils, et la nouvelle Constitution l'entérine. De même qu'elle prévoit que, pour des années encore, le ministre de la Défense devra être membre du Conseil suprême des forces armées.
La menace constituée par l'armée au pouvoir pèse ainsi toujours aussi explicitement sur les protestations populaires, notamment sur les grèves ouvrières, qui continuent de surgir régulièrement tant la situation des travailleurs reste inchangée, sur le plan de leurs droits syndicaux comme des salaires et de l'embauche. Derrière le vote de la nouvelle Constitution, c'est le pouvoir instauré par le coup du 3 juillet qui montre son vrai visage.
Il s'agit de rétablir, à peine transformée, la même dictature qui, pendant des années, a servi sous Moubarak à tenir en respect les classes populaires. Heureusement, celles-ci ont aussi appris de leurs luttes et n'ont pas dit leur dernier mot.