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Leur société
Évasion fiscale : Encore de beaux jours pour les paradis fiscaux
Le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a annoncé son intention de retirer de la liste noire des paradis fiscaux Jersey et les Bermudes, moins de six mois après les y avoir fait inscrire. La raison en est, selon le ministère, la bonne volonté montrée par ces deux territoires pour « satisfaire pleinement aux demandes de renseignements » du gouvernement français dans les cas de fraude présumée de particuliers ou de sociétés, et pour avoir fait progresser « la coopération fiscale et la transparence sur une quarantaine de dossiers ».
Si le fichage de territoires dépasse douze mois, les entreprises qui y sont présentes peuvent être lourdement sanctionnées. Il est vrai que cela peut se révéler tout à fait théorique ; dans tous les cas de sanction, on peut faire confiance aux services juridiques des grandes sociétés pour négocier au mieux le paiement d'une partie de ce qu'elles auraient dû au fisc. On imagine d'ailleurs qu'ils ont pris les devants.
Les Bermudes sont une niche historique pour les sociétés d'assurances et de réassurance, c'est-à-dire l'assurance des assureurs particulièrement intéressante dans ces temps de catastrophes naturelles. On y trouve aussi une filiale de Total, quasiment la seule qui puisse être localisée puisque ce trust, contrairement à d'autres sociétés françaises ou étrangères, ne donne quasiment pas d'informations sur ses filiales. Or les filiales sont le moyen privilégié pour faire circuler l'argent, y compris d'origine douteuse, mais surtout pour localiser les bénéfices sur un territoire où ils ne sont pas ou moins taxés. Total n'a d'ailleurs pas versé un centime d'impôts sur ses bénéfices de 2011.
Jersey et les Bermudes font en fait partie des « trous noirs » de la liste des paradis fiscaux établie par le Réseau « Tax Justice Network », c'est-à-dire que leur degré d'opacité est de plus de 75 %. Bien sûr, il y en a beaucoup d'autres. Ils font d'ailleurs recette : selon Gabriel Zucman, économiste spécialiste de la question, il n'y a jamais eu autant d'argent dans les paradis fiscaux qu'en 2013, même s'il faut faire la part de quelques déclarations tardives au nom de la « transparence ». Le nombre de filiales « offshore » a augmenté de 16 % entre 2009 et 2012 et l'évasion fiscale permise s'élèverait à 50 milliards d'euros pour l'Union européenne, dont 17 milliards pour la France.
Entre « l'optimisation fiscale », légale, sur le territoire français, la fuite illégale vers les paradis étrangers et la mansuétude du gouvernement, les professionnels de la fraude fiscale n'ont pas de souci à se faire.