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- Lutte ouvrière n°2612
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Editorial
Catastrophe de Gênes : la logique du profit à l’œuvre
L’effondrement d’un pont à Gênes, en Italie, a tué des dizaines de personnes et a privé de leur logement les centaines de riverains qui ont dû être évacués du jour au lendemain. Et pourtant, cette catastrophe avait été plus qu’annoncée. Plusieurs rapports avaient fait état de la fragilité de ce pont, l’un d’entre eux avait même évoqué la nécessité de le remplacer complètement. Mais la société privée exploitante de l’autoroute passant sur ce pont, et qui, à ce titre, avait la charge de son entretien, avait d’autres priorités.
Privatisée il y a vingt ans, elle est contrôlée par un groupe financier appartenant à la famille Benetton, qui a consacré ces dernières années des centaines de millions d’euros au rachat de sociétés autoroutières dans toute l’Europe et dans le monde, d’aéroports comme celui de Nice… Pour les dirigeants de cette multinationale, assurer la sécurité des millions de personnes empruntant le pont de Gênes était moins important que de garantir à une poignée d’actionnaires les profits qu’ils attendaient !
De leur côté, les pouvoirs publics n’ont rien fait pour obliger cette société privée à faire face à ses obligations. Pire, depuis des années, tous les gouvernements italiens n’ont cessé eux-mêmes de réduire les budgets consacrés à l’entretien des routes et des ponts du pays.
La catastrophe survenue à Gênes illustre à quelles conséquences dramatiques conduit le parasitisme des groupes capitalistes. L’État réduit la part du budget consacrée à ce qui est utile à la population, des services publics aux infrastructures, pour consacrer l’argent public à payer des intérêts faramineux à la finance. Loin d’être spécifique à l’Italie, cette situation est la même dans tous les pays les plus développés, en Europe comme aux États-Unis.
Ici même, en France, d’après un rapport rendu public le mois dernier, un tiers des 12 000 ponts du réseau géré par l’État nécessite des réparations et plus de 800 d’entre eux sont menacés à terme d’effondrement. Comme en Italie, après avoir financé la construction des autoroutes, l’État les a privatisées, pour le plus grand profit de groupes comme Vinci ou Bouygues qui peuvent se contenter d’empocher des péages en continuelle augmentation.
Au-delà des routes, c’est l’ensemble des services publics, qui, en France comme dans tous les autres pays riches, ont subi le même sort. L’État a diminué ses dépenses dans la santé, l’éducation, les transports ou le logement, a privatisé les activités les plus rentables. Il permet aux requins de la finance de prélever, par le biais de l’endettement, une part de plus en plus importante des financements qui devraient être consacrés à soigner ou à loger des gens.
Si, aujourd’hui, des patients doivent attendre sur des brancards dans les couloirs des Urgences faute de lits, si, dans les hôpitaux et les écoles, on manque de personnel, de locaux et de matériel, si des millions de personnes ne peuvent se loger correctement, c’est la conséquence de cette politique menée par tous les gouvernements, hier avec Sarkozy et Hollande, aujourd’hui avec Macron, pour satisfaire les exigences de profit de la bourgeoisie.
L’économie est dominée par une minorité de capitalistes préoccupés exclusivement d’augmenter leurs gains le plus rapidement possible et, avec la crise de leur système, cela se fait en spéculant sur les actions, les monnaies ou le blé, à coups de rachats d’entreprises suivis le plus souvent par des licenciements et toujours par l’aggravation de l’exploitation. Cela permet à une minorité de riches privilégiés, les Benetton en Italie, les Arnault, Mulliez ou Bouygues en France, de prospérer comme jamais, mais leur enrichissement se fait aux dépens de toute la société.
Le capitalisme en crise engendre un chaos de plus en plus destructeur : explosion du chômage et de la pauvreté, délabrement des services publics rongés par la logique du profit individuel ; dans bien des pays pauvres, au sous-développement s’ajoutent les ravages des guerres alimentées par la concurrence que se mènent les groupes industriels et financiers.
Un autre avenir est possible. À la condition que les millions de femmes et d’hommes qui constituent la classe des travailleurs se donnent les moyens, par leurs luttes et leur organisation, de renverser la domination des capitalistes, afin de pouvoir mettre l’économie au service de l’intérêt général. Il en va de l’avenir des travailleurs et de l’ensemble de la société.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 20 août 2018