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Leur société
Thales : armes, corruption et impunité
Fin juin, à l’initiative du Parquet national financier, des perquisitions ont eu lieu visant le groupe d’électronique de défense Thales, dans trois pays, la France, les Pays-Bas et l’Espagne.
La multinationale est soupçonnée de corrompre des dirigeants dans les pays où elle vend des armes. Plusieurs enquêtes seraient en cours mais l’une serait spécialement à l’origine de cette intervention de la justice. En 2011, Thales avait obtenu un contrat de 1,4 milliard d’euros du gouvernement indien pour la rénovation d’avions de chasse Mirage-2000. Pour ce faire, le groupe avait graissé la patte d’intermédiaires. Or, l’un d’entre eux, Sanjay Bhandari, réfugié à Londres depuis 2015, a déposé plainte en France contre le groupe d’armement pour protester contre le fait que l’intégralité de son pot- de-vin ne lui aurait pas été payé !
Que les géants de l’armement corrompent à tout va pour récupérer d’énormes contrats, il faudrait être extrêmement naïf pour en être surpris. Le fait est tellement généralisé qu’il fut même un temps, jusqu’au début des années 2000, où tous les grands groupes de l’armement, du pétrole, de l’industrie pouvaient déclarer au fisc leurs pots-de-vin versés à l’étranger pour qu’ils soient déduits de leurs impôts.
Ce qui est plus rare est qu’il y ait une enquête entraînant une certaine publicité autour du fait. Dans cet univers pourri, l’explication serait dans un règlement de comptes en cours. Sanjay Bhandari, l’homme d’affaires indien ayant déposé plainte contre Thales, est lié à un des clans politiques de ce pays, le Parti du Congrès. Quand l’affaire de la rénovation des Mirage- 2000 a été conclue, il était le parti au pouvoir. Mais depuis 2014, c’est l’autre clan politique, celui du parti hindouiste BJP de Narendra Modi qui s’y trouve.
Pendant quelques années, Thales n’en a pas moins continué à verser régulièrement des sommes à Sanjay Bhandari, attendant de voir si le Parti du Congrès revenait au pouvoir. Mais quand, en 2019, le BJP a de nouveau gagné les élections, Thales s’est dit qu’il était inutile d’aller au bout des paiements. L’homme d’affaire véreux lésé a donc porté plainte, rendant publiques bien des choses. Et encore, le coin du voile levé ne découvre sûrement qu’une toute petite partie des aspects scabreux de cette affaire.
En 2012, une autre affaire de corruption, pour une vente de sous-marins cette fois-ci, impliquait Thales et le Premier ministre de Malaisie. Celui-ci avait fini par être condamné à quatre ans de prison tandis que Thales ne subissait aucune sanction. En Afrique du Sud, durant les années 1990, l’ancêtre de Thales, Thomson-CSF, avait graissé la patte de Jacob Zuma, à l’époque dirigeant de l’ANC, le principal parti sud-africain, pour la vente de navires de guerre. Jamais le groupe français n’avait réellement été ennuyé par la justice. Alors, il y a bien des raisons de penser que les perquisitions réalisées récemment seront sans conséquence.