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- Lutte ouvrière n°2912
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Editorial
Nouvelle-Calédonie : à bas la politique coloniale !
Le gouvernement français a provoqué des nuits d’émeute en Nouvelle- Calédonie en imposant l’élargissement du corps électoral. Cette réforme, votée par un Parlement réuni à plus de 17 000 kilomètres des premiers concernés, vise à rendre les Kanaks minoritaires dans leur propre pays.
Le gouvernement a dégainé sa panoplie de répression coloniale : des milliers de gendarmes ont été déployés, l’état d’urgence est déclaré et des militants sont assignés à résidence. Les Kanaks révoltés, les pauvres qui pillent des magasins, sont traités de tueurs et de terroristes manipulés par l’étranger. C’est révoltant !
La Nouvelle-Calédonie n’est française que par la violence des troupes coloniales. En y débarquant il y a 170 ans, elles ont soumis les Kanaks, en les massacrant quand ils se révoltaient, en les expulsant de leurs meilleures terres. Il a fallu attendre 1946 pour que le travail forcé soit aboli, pour que les Kanaks aient le droit de circuler librement et ne soient plus obligés de quitter la ville de Nouméa à 17 heures !
L’État français s’est ensuite employé à rendre les Kanaks minoritaires dans un archipel devenu le « pays du nickel » pour les capitalistes. Des milliers de travailleurs français y ont été attirés par la promesse d’y trouver une vie meilleure. D’autres, comme les insurgés de la Commune de Paris, y furent déportés avec bien d’autres bagnards.
Ces populations, caldoches et kanakes, mais aussi asiatiques ou polynésiennes, auraient pu vivre ensemble et s’enrichir de leurs différences culturelles. Mais la politique de l’État français a été au contraire de les dresser les unes contre les autres. Il s’est appuyé sur la population blanche pour protéger les intérêts capitalistes français et les fortunes, érigées notamment dans l’exploitation du nickel, en spoliant la population kanake.
La misère, le racisme et le mépris colonial ont suscité les révoltes des années 1980, réprimées dans le sang par l’armée française. Depuis, l’État a pris soin d’associer une petite bourgeoisie kanake aux institutions de l’archipel et à la gestion d’une partie de son économie, sans que cela change rien au sort de la grande majorité opprimée.
La loi n’interdit plus aux Kanaks d’habiter Nouméa, mais ils restent relégués dans les provinces les plus pauvres. Ceux qui vivent dans la capitale sont bien loin des quartiers résidentiels et de leurs piscines privées. Ils restent les plus pauvres, les plus mal payés, les plus au chômage et les plus mal logés.
Ce ne sont pas des considérations démocratiques et la volonté de permettre à tous de voter qui ont conduit Macron à imposer le dégel du corps électoral. En métropole, le gouvernement n’envisage pas une seconde d’accorder le droit de vote aux travailleurs étrangers qui travaillent et payent les impôts ici. Il s’agit d’une magouille politicienne pour empêcher les Kanaks de décider de leur avenir. Et le gouvernement ose parler de « processus décolonial » !
Macron et ses ministres n’agissent pas plus dans l’intérêt des Caldoches, utilisés contre la population kanake. La situation de guerre civile que leur politique provoque a un tout autre objectif. Garder le contrôle de la Nouvelle-Calédonie, c’est conserver une base pour tenter de jouer dans la cour des grands, au milieu des rivalités et des tensions entre les États-Unis et la Chine.
Le gouvernement parle du droit des peuples pour justifier l’envoi d’armes à l’Ukraine. Mais il envoie les blindés contre les Kanaks opprimés. Eh bien, c’est là qu’il montre son vrai visage !
Les puissances impérialistes, dont la France, ont pillé et colonisé, opposé les peuples les uns aux autres et mis la planète en coupe réglée. Elles ont posé des bombes à retardement partout, qui explosent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte, mais aussi en Palestine, en Ukraine ou dans la région du Kivu au Congo.
Les continents changent, les contextes ne sont pas les mêmes mais, derrière les massacres de civils et la progression de la misère, les puissances impérialistes sont à la manœuvre pour défendre leurs intérêts et leurs positions stratégiques.
Les aspirations des opprimés à échapper à la misère et à décider de leur sort ne peuvent se réaliser sans renverser l’impérialisme, c’est-à- dire l’ordre économique capitaliste, à la base des rapports de domination et des frontières qu’il a créées. Hors de cette perspective, nous sommes condamnés à voir se reproduire les inégalités et les violences qui alimentent le rejet, la haine et le racisme entre les travailleurs comme entre les peuples.
Nathalie Arthaud