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Dans le monde
Union européenne
Draghi appelle aux armes
Dans son rapport sur la compétitivité européenne, publié le 10 septembre, Mario Draghi a expliqué que l’économie de l’Union est confrontée à un « défi existentiel » qui, faute d’être relevé, annonce une « lente agonie ».
Mario Draghi a été successivement directeur du Trésor italien, responsable européen de Goldman Sachs, président de la Banque d’Italie puis de la Banque centrale européenne et, finalement, président du Conseil italien. Il sait donc de quoi et surtout à qui il parle, aux grandes familles capitalistes européennes et à leurs fondés de pouvoir dans les gouvernements et les conseils d’administration. Il reproche à tout ce petit monde de ne pas suffisamment investir et de laisser ses homologues américains prendre de l’avance en termes de compétitivité, d’inventivité, de rentabilité.
Draghi affirme donc que l’Union européenne(UE) devrait investir 800 milliards d’euros supplémentaires chaque année, soit 5 % de la richesse totale produite, dans l’innovation et la production. Pour ce faire, il propose de simplifier les règles financières, d’encourager l’investissement privé et, si cela ne suffit pas, d’emprunter ce qu’il faudra. Il faut réaliser ce qui d’après lui n’existe toujours pas, un marché unique des capitaux, des marchandises et des travailleurs, à l’image de ce qui fait la force des États-Unis d’Amérique. Le problème est que les capitalistes européens préfèrent les bénéfices immédiats, les placements financiers sans risque et, surtout, la rente perpétuelle que chacun obtient à la mamelle de son État national. Quant à les faire changer de comportement, autant demander du lait à un bouc.
Draghi prend l’exemple de l’industrie de défense en expliquant que la situation internationale commande d’augmenter la production d’armements. Chaque gouvernement le fait, certes, mais chacun pour son propre compte. Ainsi, sur les 75 milliards d’euros d’achats d’armements des pays de l’UE en un an, 63 % ont consisté en produits américains, au grand dam de Dassault et de ses homologues marchands de canons allemands et italiens qui ne peuvent compter que sur leur propre État. Draghi, reprenant une vieille idée et anticipant de quelques jours les orientations de la nouvelle Commission européenne, propose donc la nomination d’un commissaire à la Défense, des crédits nouveaux pour la fabrication d’armements en commun, une obligation d’acheter des engins de mort européens. Pour tenter d’obtenir l’adhésion à son projet, il affirme que, avec quelques autres mesures, son plan entraînerait toute l’économie de l’UE sur la voie de la compétitivité retrouvée. Il promet ainsi une guerre fraîche, joyeuse et profitable, en alliance certes avec le grand frère américain mais qui gonflerait aussi les bénéfices sur le Vieux Continent.
Ainsi donc, l’Union européenne, construite depuis soixante-dix ans sur la promesse de garantir la paix et la prospérité, ne pourrait sortir du marasme économique qu’en préparant une nouvelle guerre, sans même avoir été capable d’abolir les frontières. Quel bilan !