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Leur société
Plaine d’Aunis
enfants empoisonnés par l’agrobusiness
Pas moins de 45 molécules toxiques ont été trouvées dans les cheveux et les urines d’enfants de la plaine d’Aunis, qui entoure La Rochelle et dont 65 % de la surface est consacrée à la monoculture céréalière.
Ce résultat est celui d’une analyse portant sur 72 enfants de six communes, âgés de 3 à 17 ans, rendue publique le 12 octobre à l’occasion d’une manifestation à La Rochelle. Ce n’est pas une surprise pour les habitants de ces communes, dont les familles d’enfants atteints de cancers, quinze au moins depuis 2008. Cette étude a été diligentée par eux-mêmes, avec l’association qu’ils ont créée après que le CHU de Poitiers eut alerté en 2018 sur le nombre élevé de cancers pédiatriques dans cette zone.
Les pesticides retrouvés dans les analyses, avec leurs produits de dégradation, sont pour la plupart des herbicides, fongicides et insecticides utilisés pour les cultures céréalières. Beaucoup sont classés « cancérogènes probables », comme le pendiméthaline. Plusieurs sont interdits, parfois depuis cinquante ans, comme le dieldrin. L’étude montre aussi que les concentrations relevées chez les enfants sont corrélées à la proximité de leur habitation avec les champs cultivés. D’autres sources confirment l’origine du problème : l’analyse de l’air en plaine d’Aunis par l’organisme Atmo a montré la profusion de nombreux toxiques, un taux record national de prosulfocarbe, et révélé le transport des polluants par le vent sur des kilomètres, jusqu’au centre-ville de La Rochelle. Une étude de juin 2024 sur des busards cendrés, rapaces migrateurs qui viennent se reproduire en plaine d’Aunis, a montré leur contamination à 28 molécules.
Par ailleurs, les captages d’eau potable de l’agglomération de La Rochelle sont régulièrement fermés – quinze captages l’ont été en 2023 – pour des taux de pesticides dépassant parfois de 130 fois le seuil autorisé. Les autorités sanitaires ont réagi à leur manière : l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) a relevé en mai 2024 le seuil autorisé en chlorothalonil. Le multiplier par neuf a permis de rouvrir des captages en plaine d’Aunis pour la saison estivale. Pour cette révision, comme pour d’autres qui l’ont précédée, l’Anses s’appuie sur les données fournies par les fabricants de pesticides, sans validation scientifique extérieure.
L’empoisonnement dont sont victimes les habitants de la grande couronne de La Rochelle, et sans doute bien d’autres ailleurs, n’est pas une fatalité imposée par les nécessités de la production agricole.
Les familles qui ont fait effectuer à leurs frais les analyses des cheveux de leurs enfants ont pu mesurer qu’elles ne pouvaient pas compter sur les autorités de santé publique. Le scandale du chlordécone aux Antilles a aussi montré que l’État est là avant tout pour protéger les intérêts des capitalistes de l’agrobusiness.
Enfin, la mise au point de techniques agricoles à la fois productives et peu ou pas gourmandes en produits phytosanitaires, soucieuses de la santé des riverains et des agriculteurs, nécessiterait des moyens en recherche bien plus élevés qu’aujourd’hui. Surtout, elle demanderait une réorganisation de l’agriculture allant à l’encontre des intérêts immédiats des capitalistes du secteur, de l’industrie chimique au géant Soufflet (InVivo) qui contrôlent toute la chaîne de production depuis les champs de blé jusqu’aux minoteries et aux boulangeries. Les silos du port de La Rochelle exportent deux millions de tonnes de ces céréales par an. Mais l’organisation sociale capitaliste, avec le lacis d’intérêts qui lui est attaché, se montre incapable d’une telle évolution.