France-Algérie : “réconciliation” pour de bonnes affaires09/04/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/04/une_2958-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

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France-Algérie

“réconciliation” pour de bonnes affaires

En visite à Alger le 7 avril, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s’est dit prêt à « tourner la page des tensions actuelles ». La coopération sécuritaire et économique entre France et Algérie devrait être relancée.

Une semaine après une conversation téléphonique entre Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le président français montre ainsi son intention de mettre fin à l’escalade diplomatique qu’il a créée avec l’Algérie ces derniers mois.

Les tensions en question ont en grande partie été provoquées par le ministre de l’Intérieur Retailleau. En campagne pour apparaître comme le plus anti-immigrés des dirigeants de droite et concurrencer le RN sur ce terrain, il a multiplié les provocations, accusant l’Algérie de ne pas vouloir accueillir ses ressortissants expulsés sans respect des procédures légales, et menaçant de durcir encore les conditions d’obtention des visas et titres de séjour pour les Algériens.

La crise a aussi été provoquée par la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par Macron, en juillet 2024. Ce geste à l’égard du régime marocain devait favoriser l’accès des entreprises françaises aux ressources minières de cette région, et renforcer la position de la France au Maroc, alors qu’elle a été contrainte de se retirer progressivement du Sahel. Le rapprochement actuel avec Alger montre que les dirigeants français n’excluent pas pour autant de continuer à utiliser l’Algérie comme base arrière pour continuer à défendre les intérêts de la bourgeoisie française dans cette région. C’est ce qu’ils font depuis des années, avec l’accord des autorités algériennes qui craignent que l’instabilité politique et militaire au Sahel n’ait des répercussions en Algérie même. D’ailleurs, le 6 avril, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont rappelé leurs ambassadeurs respectifs à Alger, en réaction à la destruction d’un drone malien par l’aviation algérienne à la frontière algéro-malienne.

Le désir d’apaiser les relations doit aussi sûrement beaucoup aux pressions des entreprises françaises en Algérie, confrontées à des refus d’importation, notamment de céréales. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française, Michel Bisac, appelait en janvier à « faire retomber la pression » : il a visiblement été entendu.

Reste que, au-delà des déclarations d’amitié, la France ne s’est pas engagée à grand-chose. Barrot a annoncé que les consulats algériens seraient de nouveau consultés pour gérer les dossiers d’expulsion, ce qui marque une rupture avec les outrances de Retailleau, mais ne lui coûte rien. De son côté, Tebboune pourrait faire un geste en graciant l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, tout en pouvant dire à sa population qu’il n’a pas cédé à la France sur la question migratoire.

« Le rideau se lève », ont déclaré à la fois Tebboune et Barrot ; ce sera surtout pour la bonne marche des affaires de la bourgeoisie française, et de la fraction de la bourgeoisie algérienne qui en dépend. Pour les travailleurs d’Algérie, il n’y aura pas de changement : ils connaîtront toujours les mêmes difficultés. Bien souvent désireux d’émigrer, ou simplement de venir visiter leur famille en France, ils se heurtent aux restrictions concernant les visas, et pour certains, ils meurent en empruntant les voies périlleuses de la Méditerranée.

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