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- Lutte ouvrière n°2951
- Europe-États-Unis : petits et grands brigands
Article du journal
Europe-États-Unis
petits et grands brigands
L’annonce par Trump de l’accord à venir avec Poutine a eu tout d’une gifle pour les dirigeants européens. Le vice-président américain, J. D. Vance, y ayant ajouté des quasi-insultes lors de la conférence de Munich sur la sécurité, Macron a organisé en urgence lundi 17 février un mini-sommet pour permettre aux dirigeants européens de sauver la face.
Tout aussi cynique que Trump, Macron n’a invité à Paris que huit pays européens, ceux qu’il estime « capables et volontaires » pour assurer la sécurité du continent. Si la Grande-Bretagne était présente alors qu’elle a quitté l’UE, tous les pays de l’Est à l’exception de la Pologne, y compris les voisins immédiats de l’Ukraine, ont été snobés. Pas plus que Trump, Macron n’a daigné inviter Zelensky ou d’autres responsables ukrainiens pour discuter du sort de leur pays.
La préoccupation des dirigeants européens n’est ni le respect du prétendu droit international ni la défense d’un « petit pays agressé ». Leur souci, s’ils sont écartés des négociations entre Trump et Poutine, est qu’ils risquent d’être mis à l’écart du partage du butin, de l’accès aux matières premières, aux riches terres agricoles et au marché de reconstruction d’un pays détruit par trois ans de guerre.
Sans surprise, aucune décision concrète n’est sortie de ces palabres tant les États européens sont sans moyens face aux États-Unis et divisés entre eux. Ils ont certes discuté de l’hypothèse d’envoyer des troupes européennes en Ukraine « pour garantir sa sécurité face à la Russie », ce qui serait un moyen de revenir dans le jeu, en position de sous-fifres pour jouer les casques bleus, comme Trump lui- même l’a suggéré. Mais si Macron et le britannique Starmer se disent prêts à envoyer des troupes à condition « qu’un accord de paix durable soit signé », les dirigeants allemands et polonais excluent d’envoyer leurs soldats en Ukraine « sans un engagement total des États-Unis », une position partagée par l’italienne Meloni, qui ne jure que par l’OTAN.
La seule chose sortie de ce sommet, c’est que chaque pays est invité à augmenter encore son budget militaire, et que Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a proposé de sortir ces budgets du calcul des déficits publics. Les milliards supplémentaires pour les bombes enrichiront les banques et manqueront pour les écoles ou les hôpitaux.
Ces tergiversations reflètent une réalité économique, politique et militaire : face au puissant impérialisme américain, il n’y a pas une bourgeoisie européenne avec un État central mais des capitalistes allemands, français, italiens et autres, en concurrence entre eux, appuyés sur des États rivaux, ayant chacun sa stratégie, son calendrier, son armée. La guerre en Ukraine n’a pas réduit ces rivalités, elle les a exacerbées, chaque pays cherchant à favoriser ses champions nationaux face à la réorganisation des marchés et des voies d’accès aux matières premières engendrée par les sanctions contre la Russie. Cette guerre a renforcé les industriels américains au détriment des capitalistes européens, en particulier allemands, brutalement coupés du gaz et du marché russes.
Les commentateurs déplorent la « fin d’une alliance » et « la rupture de la relation transatlantique », mais la relation entre l’Europe et les États-Unis n’a jamais été « l’alliance indéfectible des démocraties », comme on le raconte aux écoliers, mais une relation sans pitié entre brigands inégaux luttant pour s’accaparer les marchés.