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Dans le monde
États-Unis
“l’homme de paix” qui faisait la guerre
Mort le 29 décembre, Jimmy Carter, président des États-Unis de 1977 à 1981, a été largement salué comme un homme de paix et un défenseur des droits humains. Biden a avancé, sans rire, que « des millions de personnes à travers l’Amérique et le monde qui ne l’ont jamais rencontré le considéraient comme un ami proche ».
Sous la présidence de Carter, les États-Unis sortaient d’un revers cuisant au Vietnam, et étaient contraints d’ajuster leur politique étrangère. C’est ainsi qu’après avoir mis la Chine à l’index pendant plus de vingt ans, ils ont reconnu le régime de Mao, sous Nixon puis sous Carter. Mais pour le reste, l’impérialisme américain restait fidèle à ses fondamentaux, y compris la défense de féroces dictatures amies. Ainsi, au Nicaragua, Carter défendait le régime honni de Somoza contre la guérilla sandiniste qui devait renverser le dictateur en 1979. Au Salvador, il soutint également la junte militaire contre la guérilla du Front Farabundo Marti.
En Iran, le Shah avait été installé au pouvoir en 1953, à la faveur d’un coup d’État organisé par la CIA contre le Premier ministre Mossadegh qui avait osé nationaliser le pétrole. Soutenant la dictature du Shah jusqu’au bout, Carter se rendit à son invitation en 1977, saluant le « grand leadership » du monarque iranien et « le respect, l’admiration et l’amour que [son] peuple lui donne ». Un an plus tard, la révolution balayait ce régime et, après que Carter eut accueilli le Shah aux États-Unis, le régime des ayatollahs qui lui avait succédé prenait en otage soixante fonctionnaires américains de l’ambassade. Cet épisode humiliant devait contribuer à sa défaite face à Reagan à l’élection présidentielle de 1980.
En Afghanistan, envahi en décembre 1979 par l’Union soviétique qui voulait mettre en place un régime allié à ses frontières, les États-Unis lancèrent l’opération Cyclone, qui garantit une aide importante aux fondamentalistes religieux, afin que l’URSS connaisse son propre bourbier vietnamien. La guerre allait durer une décennie et se solder par le départ des Soviétiques, avant que les islamistes, puis les talibans, parviennent au pouvoir et se retournent contre leurs anciens bailleurs de fonds américains.
Au crédit de Carter, sont portés les accords de Camp David en 1978, la paix entre Israël et l’Egypte. En fait, ces accords signifiaient surtout que l’Egypte, jusqu’alors leader du monde arabe dans la confrontation avec l’État d’Israël, reconnaissait officiellement celui-ci. Cet accord n’était pas synonyme de paix pour les Palestiniens, en particulier pour ceux de l’enclave de Gaza, à la frontière égyptienne, ni pour les autres États arabes qui essayaient de tenir tête aux États-Unis, comme l’Irak de Saddam Hussein allait en faire l’expérience en 1991 et en 2003. Les accords de Camp David étaient en quelque sorte les précurseurs de ceux d’Abraham de 2020, quand les Émirats arabes unis, Bahreïn ou encore le Maroc ont à leur tour reconnu Israël, considérant officiellement le dossier palestinien comme clos.
Quant à la politique intérieure de Carter, elle consista, alors que les États-Unis s’enfonçaient dans une grave crise économique, à s’assurer que ce soient les travailleurs et non les actionnaires qui en fassent les frais. À bien des égards, sa politique antiouvrière préparait la croisade de Reagan contre les grèves et les syndicats.
Carter reçoit aujourd’hui une pluie d’hommages des dirigeants impérialistes pour tous ces bons et loyaux services. Il est vrai qu’à l’époque, un président américain savait encore envelopper sa politique criminelle derrière un pathos de bon chrétien aimant son prochain. Autant de choses dont ne s’embarrassent pas Trump, ni même Biden.