Bolivie : une défaite pour le MAS22/10/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/10/une_2986-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bolivie

une défaite pour le MAS

Depuis le 19 octobre, second tour de l’élection présidentielle, la droite dirige à nouveau la Bolivie. Les choses se sont jouées au premier tour, le 19 août, quand le MAS (Mouvement vers le socialisme), au pouvoir depuis vingt ans, s’est effondré.

Le MAS avait encore recueilli 55 % des voix dès le premier tour aux élections de 2020, mais n’en a obtenu cette fois que 3,5 %.

Les deux candidats de droite arrivés au second tour ont cumulé près de 80 % des voix. L’un des deux, Tuto Quiroga, représentait la droite classique, celle des propriétaires, de la bourgeoisie blanche, des éleveurs et des planteurs de soja de la région de Santa Cruz, qui rêvent depuis vingt ans de se débarrasser du MAS. La surprise est venue du second : Rodrigo Paz, maire de Tarija, qui a remporté 55 % des suffrages au second tour. Il se présentait comme différent, promoteur d’un nébuleux « capitalisme pour tous ». Il a réussi à faire oublier les scandales de corruption auxquels il avait été mêlé à Tarija et s’est bien gardé de dire qu’il reviendrait sur les réformes sociales mises en place ces vingt dernières années. Il était surtout accompagné d’un ex-policier, le « capitaine » Lara, populaire après avoir été licencié pour avoir dénoncé la corruption de ses supérieurs. Son succès au premier tour a même été fêté à El Alto, ville pauvre située au-dessus de La Paz, à l’origine de plusieurs soulèvements par le passé et jusque-là fief historique du MAS.

L’arrivée au pouvoir du MAS, avec l’élection d’Evo Morales, en 2005, avait fait suite à de grandes luttes sociales. La population, écrasée par la pauvreté, réclamait le contrôle des ressources : l’accès gratuit à l’eau, l’appropriation des revenus de l’exploitation du gaz et du pétrole, aux mains de compagnies étrangères. En 2006, la « nationalisation » de celles-ci ne fut que très partielle mais permit une distribution des profits plus favorable à la Bolivie, qui généra pendant plus de dix ans d’énormes revenus pour l’État. Evo Morales, puis son successeur, Luis Arce, choisirent de les utiliser pour répondre aux besoins élémentaires de la population. Près de 30 000 points d’alphabétisation furent installés dans le pays, des routes, des hôpitaux, des écoles furent construites. La population bénéficia de bons alimentaires et de subventions sur les carburants. Son niveau de vie augmenta et la grande pauvreté diminua fortement. Un minimum vieillesse, une aide financière pour la scolarisation des enfants et la gratuité des soins furent mises en place.

Ce relatif développement était cependant dépendant de l’évolution des cours mondiaux du gaz. En effet, le MAS ne voulait pas s’en prendre à la bourgeoisie nationale, aux grands propriétaires fonciers et aux patrons, qui furent même gagnants eux aussi, bénéficiant de prix garantis. Or, depuis dix ans, les gisements s’épuisent et la production a chuté de 59 millions de mètres cubes par jour en 2014, à 37 en 2023. Les réserves en dollars n’ont pas permis de maintenir le système bien longtemps et la crise a éclaté. La pénurie de carburant s’est généralisée, ralentissant toute l’économie et alimentant l’inflation. Celle-ci est passée de 2 % en 2024 à 25 % aujourd’hui et beaucoup de produits alimentaires sont devenus inaccessibles.

Tous les bénéfices sociaux des années précédentes sont donc en train de disparaître et le MAS s’est lui-même disqualifié par son attitude. La guerre ouverte entre ses principaux dirigeants, Evo Morales et Luis Arce, les scandales et procès, les conflits violents entre différentes composantes du MAS : cultivateurs de coca et indigènes, mineurs coopérativistes devenus capitalistes et mineurs salariés, tout cela a miné le soutien populaire. Dans ces élections, Evo Morales, qui ne peut plus se présenter, avait appelé à l’abstention et celle-ci a explosé, montrant que, malgré tout, il bénéficie encore d’un soutien populaire important.

Les griffes du capitalisme mondial se sont refermées sur la Bolivie, sur les tentatives de réforme de Morales et sur la révolte de son peuple. Mais celle-ci réapparaîtra tôt ou tard.

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