Pour mettre fin à la guerre, il faudra une rébellion qui vienne d'en bas26/06/20232023Éditorial/medias/editorial/images/2023/06/02022_1234_Russian_diaspora_protests_against_war_in_Ukraine.jpg.420x236_q85_box-141%2C0%2C1053%2C513_crop_detail.jpg

Editorial

Pour mettre fin à la guerre, il faudra une rébellion qui vienne d'en bas

Illustration - Pour mettre fin à la guerre, il faudra une rébellion qui vienne d'en bas

Au lendemain de la rébellion avortée de Prigojine, les prétendus experts de la Russie se perdent en conjectures. Que recouvre cet épisode tragicomique ? Une tentative de putsch ou le coup de sang d’un chien enragé ? Prigojine s’est-il rendu indispensable ou finira-il noyé dans sa baignoire ? Allons-nous vers un durcissement du pouvoir de Poutine, avec purges et intensification des combats en Ukraine, ou vers sa décomposition ?

Tout est possible. Les luttes d’influence, qui se mènent au sommet de l’appareil d’État russe pour accéder à la mangeoire, sont aussi permanentes que secrètes. Et elles doivent faire rage dans cette période où les échecs de la guerre en Ukraine fragilisent le pouvoir de Poutine.

L’essentiel est de comprendre que les protagonistes, de Poutine à Prigojine, en passant par le ministre de la Défense Choïgou ou le despote biélorusse Loukachenko, sont les représentants d’une seule et même classe sociale : celle d’affairistes, les fameux oligarques, qui prospèrent au sein ou à l’ombre d’un appareil bureaucratique autoritaire et corrompu jusqu’à la moelle.

Zélensky et la clique qui l’entoure en Ukraine sortent d’ailleurs exactement du même moule. Ils ont les mêmes mœurs, le même cynisme et le même mépris des classes populaires.

Ce sont tous des vautours qui savent s’entendre quand il s’agit d’opprimer la population, exploiter les travailleurs et s’approprier les richesses du pays. Quand ils s’estiment lésés, il leur arrive, aussi, de s’entredévorer. Mais ils représentent la même politique d’oppression et de pillage.

Le pedigree de Prigojine, un gangster devenu affairiste, est à l’image de l’oligarchie mafieuse où une des plus grandes qualités requises est d’être dénué de tout scrupule. Ancien bandit condamné à neuf ans de prison, Prigojine a rencontré Poutine en accueillant la jet-set russe dans ses restaurants de luxe, dans les années 2000. Les millions ont commencé de pleuvoir quand le maître du Kremlin lui a attribué de gros contrats dans la restauration collective pour les hôpitaux, les écoles et l’armée.

Prigojine s’est ensuite diversifié et a pris du poids en développant la société de mercenaires Wagner. De cuisinier de Poutine, il est ainsi devenu son boucher, prêt à exécuter toutes ses basses œuvres en Syrie, en Libye, en Afrique ou dans le Donbass. Avec peut-être 25 000 combattants présents en Ukraine, la milice Wagner faisait, hier encore, figure de troupe de choc.

La créature a-t-elle échappé à son créateur ? En tout cas, depuis des mois, la tension grandissait entre Prigojine et l’état-major russe. Ce dernier avait gagné une partie de la bataille en obtenant que les unités de Wagner soient intégrées dans l’armée régulière, ce qui expliquerait la rébellion ouverte de Prigojine.

Une chose est sûre : la population n’a rien à gagner à ces intrigues et révolutions de palais. La seule rébellion pouvant mettre fin à la guerre ne peut venir que d’en bas, des soldats et des classes populaires sur qui pèse l’essentiel de cette sale guerre.

On se souvient des manifestations contre la guerre qui avaient éclaté en février et mars 2022. En plus des 300 000 mobilisés, l’armée doit écumer les prisons et sortir le portefeuille pour trouver des engagés. Et il n’y a pas besoin de chiffres officiels pour estimer à des centaines de milliers les morts ou les blessés de cette guerre. Dans les régions les plus pauvres, d’où sont issus la plupart des combattants, certaines villes agrandissent déjà leurs cimetières !

Après 17 mois de carnage, l’opposition ou, du moins, le ressentiment et les questions n’ont pu que s’accroître. Prigojine n’est certainement pas le seul à accuser les chefs de l’armée d’envoyer les soldats au massacre et de voler leur solde, puisque c’est la réalité. Et il n’est pas le seul à suspecter le haut commandement d’avoir inventé des raisons pour envahir l’Ukraine et gagner des galons !

Si on se réfère à l’année 1917, rappelons que ce fut une révolution faite par les ouvriers, les soldats et les paysans, pour arrêter la boucherie de la guerre, renverser le tsar, les propriétaires et les exploiteurs. Et une telle révolte pourrait bien de nouveau voir le jour.

C’est ce que craint Poutine, tout comme les États-Unis et les autres puissances impérialistes qui sont restés observateurs. Leur attentisme est l’aveu que les maîtres du monde préfèrent un bon dictateur, qu’ils se chargent d’affaiblir dans une guerre sans fin, à une déstabilisation risquant de déboucher sur une révolution.

Pour les travailleurs de Russie et d’Ukraine, une telle révolution serait, au contraire, un formidable espoir. Car elle seule pourrait assurer la paix entre les peuples opprimés et renverser l’oppression, qu’elle soit le fait d’une grande bourgeoisie ou d’oligarques mafieux !                   

 

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