Brochure
Meeting du 9 octobre à Paris
Au sommaire de la brochure
Retrouvez l'intervention de Nathalie Arthaud et celle de Jean-Pierre Mercier.
Eric Pecqueur
Cela fait bientôt 22 ans que je travaille chez Toyota près de Valenciennes. On y travaille en 3 équipes. Il y a 3600 salariés en CDI, 1300 travailleurs en CDD, contrats pro, intérimaires et plus de 400 sous-traitants sur le site. Ça fait du monde !
Depuis le 23 août, la direction de l’usine nous a imposé 3 semaines complètes de chômage partiel, jusqu’au 13 septembre, et ensuite des semaines de 3 jours de travail, avec 2 jours de chômage. D'autres jours en octobre seront encore chômés.
Pour les travailleurs, les pertes de salaires sont importantes, on ne touche que 70% du salaire brut, et les pertes sont encore plus importantes pour les intérimaires, qui ne touchent que 60% du salaire brut, ou pour ceux qui travaillent de nuit, qui perdent leurs primes.
Pour les actionnaires de Toyota, tout va bien. Ils n’ont même pas à se casser la tête pour organiser la production dans le cadre de cette économie capitaliste anarchique, où il y a des pénuries de composants électroniques, de matières premières, des hausses de prix, des bateaux bloqués dans le canal de Suez…ils paient des hauts cadres au niveau du groupe et des employés dans chaque usine pour ça.
Les actionnaires, eux, ils sont propriétaires des moyens de production, et ils donnent des objectifs de rentabilité….et puis ils encaissent !
En un seul trimestre début 2021, Toyota a annoncé un bénéfice record : 6,9 milliards d’euros en seulement 91 jours ! 53 000 euros à la minute, 24h/24, 7 jours sur 7.
Quand on a repris le boulot le lundi 13 septembre, après 3 semaines de congés payés et 3 semaines de chômage, les travailleurs disaient : " On n'est pas responsable de ces pénuries, ce n'est pas à nous de nous payer nous-mêmes les pertes au chômage partiel en nous faisant payer des jours de congés comme le voudrait la direction ! "
C'est ce qui se disait partout dans les ateliers et les travailleurs discutaient entre eux, qu'ils soient intérimaires, en CDD ou en CDI.
A partir du mardi 14 septembre, tout le monde a pu voir que la direction augmentait le plan de production. De 140 voitures par équipe le 13 septembre, on en est aujourd'hui à plus de 360 : 1 100 voitures produites par jour !
Alors, les discussions entre ouvriers ont pris une autre tournure : Pourquoi ils augmentent la production alors qu'il n'y a pas assez de pièces ? A quoi ça sert ? Pourquoi on n'étalerait pas, pourquoi on ne répartirait pas la production sur 5 jours, pour travailler tous, moins vite et tous les jours, sans pertes de salaire ?
Et chaque jour qui passe, où la direction va jusqu'à imposer du temps supplémentaire en fin d'équipe, renforce non seulement le mécontentement, mais surtout raffermit l'idée que la logique capitaliste est à l'opposé de notre logique ouvrière. Si Toyota a intérêt à nous faire bosser au maximum pendant 3 jours et puis se faire payer nos salaires amputés avec l'argent de nos impôts et taxes les 2 autres jours de la semaine, nous les travailleurs, on a tous intérêt à répartir le travail sur 5 jours, en maintenant tous les emplois et les salaires !
Pour le moment, le mécontentement accumulé et les discussions nombreuses entre les travailleurs ne se sont pas encore traduits par des réactions collectives.
Les travailleurs de l'usine Toyota ont prouvé qu'ils étaient capables de défendre collectivement leurs intérêts en s'engageant dans deux grèves qui ont duré chacune 15 jours, en 2009 et 2011.
Alors refusons les pertes de salaires ! Refusons la logique capitaliste qui fait passer les profits au détriment des emplois, des salaires et des conditions de travail.
Préparons-nous à défendre nos intérêts d'ouvriers !
Claire Rocher
En tant qu’infirmière, j’ai été dès le début de la pandémie envoyée en renfort dans une réanimation Covid.
L’épidémie a bouleversé tout le fonctionnement de l’hôpital. Nous avons basculé, du jour au lendemain, de notre quotidien bien cadré, fait de protocoles, de routines, dans une situation de catastrophe, où tout à coup il a fallu tout inventer. En quelques jours, avant que les malades déboulent, il a fallu déménager, transformer des réserves de matériel en chambres, agrandir les réanimations. Et chacun à l’hôpital a dû changer de métier, de service, de collègues.
Rien ne nous avait préparé à ça : tous les cadres habituels ont volé en éclat, toutes les choses qu’on pensait acquises.
C’était comme une situation de guerre par moments ; on a été « au front », même si ça n’a pas pris l’allure que connaissent des pays en guerre, ou même les pays pauvres où les gens meurent faute d’oxygène. On a été confrontés à des moments très durs. On ne savait rien du virus, ni comment s’en protéger, ni comment soigner les malades qui s’aggravaient rapidement et surtout, on voyait les malades arriver, les lits se remplir, et on ne savait pas du tout s’il y en aurait assez même pour les seuls patients Covid.
On a fini par avoir des masques, des respirateurs, du matériel, mais il nous a manqué l’essentiel : des lits et du personnel qualifié pour pouvoir faire face à la fois au Covid et à tout le reste, les opérations, les cancers, les malades chroniques. On n’a pas pu tout faire et c’est ce qui a eu des conséquences dramatiques.
Une image frappante, ça a été de voir nos blocs opératoires hyper modernes, équipés de techniques médicales de pointe, de robots chirurgiens, de scanners avec intelligence artificielle embarquée, mis à l’arrêt, déserts, plongés dans le noir, silencieux, parce que leur personnel était réquisitionné en Réanimation.
Parce que toute cette technologie ne sert à rien s’il n’y a pas suffisamment de gens formés pour le mettre en œuvre, et c’est précisément ce que le fonctionnement actuel des hôpitaux ne prend pas en compte.
Et depuis, ça continue : on n’a jamais vraiment retrouvé nos marques. Les nouveaux collègues, venus en renfort des EHPAD ou sortant des écoles et qui sont restés ne suffisent pas à combler les manques. Actuellement alors même que le Covid marque une pause, les blocs opératoires ne tournent encore qu’à 80%, faute de personnels.
Dans cette situation de catastrophe sanitaire, le plus frappant, c’est ce que les personnels de l’hôpital ont accompli. Il a fallu trouver un fonctionnement, se former en quelques heures, s’organiser, et finalement, réinventer complètement le fonctionnement des services. Les soignants ont déployé des trésors d’intelligence pratique, d’initiatives, de dévouement.
Et aujourd’hui, nous sommes profondément révoltés de voir que les donneurs d’ordres, eux, comptent là-dessus, encore et encore : ils n’ont rien fait d’autre que de s’appuyer toujours sur ce dévouement et sur cette qualification des personnels soignants - et pour le moment, les hospitaliers répondent encore présent. Ils sont d’autant plus convaincus qu’ils peuvent y faire appel que la cinquantaine de suspensions à la suite de l’obligation vaccinale ont été malgré tout acceptées.
Mais qu’ils se méfient : ce n’est pas éternel ! Dans cette crise, nous sommes un certain nombre à avoir découvert que nous étions réellement capables de prendre les choses en main, et que l’hôpital et les malades pourraient bien ne s’en porter que mieux.
Louise Fève
Bonjour à toutes et à tous,
Je m’appelle Louise Fève et je suis cheminote contractuelle en gare de Strasbourg.
Au lendemain des confinements et autres interdictions de se déplacer, les circulations ferroviaires ont repris et la direction a annoncé un peu partout une hausse du cadencement , à savoir plus de trains. Mais pour faire rouler des trains, il faut des cheminots. Non seulement pour les conduire mais pour les réparer dans les technicentres, entretenir les voies et aussi pour s’occuper et veiller à la sécurité des voyageurs. Et pour entretenir une gare, il y a toutes les petites mains qui travaillent à nos côtés mais sont payés par des entreprises sous-traitantes.
Il y a bien eu une reprise mais avec pas avec le nombre de cheminots suffisant pour assurer la circulation des trains. Dans tous les secteurs de la gare, il manque des bras. A la vente, à l’escale, c’est tous les jours que les postes sont surchargés et que chaque salarié effectue le travail de deux ou trois personnes. Au contrôle comme à la conduite par exemple, sur la gare de Strasbourg, il manque l’équivalent d’une trentaine de postes. Au technicentre, certaines opérations s’effectuent en 5 heures au lieu de 7. Des trains repartent avec des pannes non réparées.
Ces dernières semaines, Farandou, le patron de la SNCF, fait de la propagande dans tous les médias. En même temps qu’il dit, je cite, « la clef de voûte de la SNCF est l’humain », il a annoncé pour les mois à venir 2 000 à 3 000 suppressions de postes ! Il s’est permis d’ajouter que ce n’était pas un drame au regard des vagues de licenciements dans le privé. Qu’il le dise aux 6 millions de chômeurs, à tous les précaires qui attendent un travail qui leur permette de vivre dignement tous les mois. Du travail, comme partout ailleurs, on en a des wagons à partager à la SNCF. Actuellement il n’y a pas un cheminot en gare qui n’attende pas des renforts.
Farandou a aussi expliqué qu’il n’y aurait pas d’augmentation de salaire et a indiqué d’ailleurs que les cheminots touchaient en moyenne 3 200 euros par mois. On a tous sorti nos fiches de paie, mais on a eu beau chercher, on ne les a pas trouvés. Quand on le questionne sur ce chiffre-là, ce dernier s’en défend en expliquant que c’est une moyenne. Mais il n’a pas choisi de citer sur les plateaux télé le nombre de cheminots et de travailleurs sous-traitants dont le salaire de base se trouve placé en dessous du Smic.
Il aurait pu également évoquer le nombre de trains non assurés par manque de matériel en état de marche ou par manque de personnels. Bref il a donné les chiffres qui l’intéressaient.
La dernière attaque en règle contre les cheminots, c’est l’ouverture à la concurrence et les transferts obligatoires. Beaucoup d’entre nous sommes menacés d’être mutés de force dans des entreprises privées ou encore des filiales de la SNCF. Une occasion supplémentaire de mettre les travailleurs en concurrence et de tirer nos conditions de travail et de salaire vers le bas. La ligne Nice-Marseille a ainsi été attribuée à Transdev et se trouve être la première ligne transférée. Mais si ces transferts suscitent bien des inquiétudes chez les cheminots, la grève actuelle des conducteurs de bus de Transdev est une démonstration que rien ne peut empêcher les travailleurs de se battre quand ils l’ont décidé. … C’est un exemple à suivre….
Josefa Torres
Bonjour,
Je m’appelle Josefa Torres et je travaille chez Sanofi, vous savez ceux qui sont riches à milliards, avec en moyenne 7 milliards de bénéfices par an depuis vingt ans et qui auraient voulu se remplir encore plus les poches avec le vaccin anti-Covid.
Sanofi c’est aussi des plans d’économies incessants avec chaque fois des suppressions d’emplois. Le dernier en date a touché la Recherche avec 1000 emplois détruits.
Au Centre de production de Vitry où je travaille, une étape du vaccin à protéine recombinante anti-Covid devrait être fabriqué, l’autre avec ARN venant d’être abandonné.
Bien avant ce projet la direction avait prévu l’augmentation des cadences mais avec la pandémie le patron a trouvé un beau prétexte pour exiger des travailleurs des efforts encore plus importants. C’est souvent un grand n’importe quoi, une désorganisation totale.
Ce sont nos camarades des entreprises sous-traitantes qui subissent le plus la course aux profits.
Dimanche dernier encore, un accident touchant trois camarades, deux de la société de nettoyage GSF et une de Sanofi a eu lieu.Ces camarades nettoyaient les salles de production, un travail difficile, éreintant, dans des tenues spéciales car les produits utilisés sont dangereux. La première a reçu sur le visage, malgré les protections, un produit de nettoyage corrosif. La deuxième s’est étouffée et a respiré un produit de nettoyage toxique car le ventilateur de son scaphandre s’est arrêté. Quant à la troisième, elle a ressenti des difficultés respiratoires et une irritation importante à la suite de son intervention pour secourir la collègue de GSF en scaphandre.
Le patron n’a rien trouvé de mieux que de faire faire ce boulot le dimanche, alors que l’infirmerie est fermée et qu’un seul pompier assure la sécurité. Aucune des deux camarades de GSF n’a vu de médecin. Elles ont été renvoyées chez elles telles que.
Malgré ces accidents, ni Sanofi, ni GSF n’ont fait arrêter le travail le jour même. Et lundi matin, rebelote, ils voulaient que les nettoyages redémarrent comme si de rien n’était. Mais cette fois ils sont tombés sur un os car les camarades ont dit « non, nous ne voulons pas redémarrer de la sorte, ils vont finir par nous tuer ».
C’est cet exemple que nous devons tous suivre.
La pandémie a été une bonne affaire pour les patrons : pour le nôtre une excellente affaire financière, car s’il n’a pas encore produit de vaccin anti-Covid, il a tout de même augmenté son chiffre d’affaires de 3 % et ses bénéfices de 9%. Une bonne affaire aussi, car aidé par la politique du gouvernement il s’en est servi pour nous mettre encore plus la pression.
Pour répondre à ces attaques et arriver à nos fins, pour nous libérer de cette société d’exploitation, pour nous libérer de nos chaînes, il nous faut combattre ce système capitaliste qui nous broie. Pas d’autre solution que de lutter, pas d’autre solution pour nous redresser.
Alors oui il nous faut un programme de lutte et cette campagne pour les présidentielles va nous permettre de le faire entendre aux travailleurs.
Isabelle Bonnet
L'éducation vient de vivre deux années chaotiques. Chacun des confinements ayant entraîné la fermeture des établissements scolaires. En mars 2020, Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, affirmait avec aplomb que les écoles ne fermeraient jamais ; en avril 2021, le même osait dire que l'école n'était pas un lieu de contamination !
Malgré ces mensonges et l’impréparation, les parents comme les personnels de l'éducation ont affronté comme ils pouvaient tout un tas de problèmes : comment s'occuper des enfants lorsqu'on travaille ou qu'on télétravaille, comment garder le contact à distance avec les élèves quand certains d'entre eux ne disposent pas du matériel informatique nécessaire ?
Ces fermetures imposées par la flambée de l'épidémie ont provoqué le décrochage de bien des élèves. Et depuis deux ans, les inégalités scolaires se sont renforcées, les enfants des milieux populaires décrochant plus vite que les autres.
Pour enrayer cette évolution catastrophique, il faudrait des moyens supplémentaires massifs. Non seulement embaucher des enseignants pour suivre davantage les élèves en difficultés, et des agents pour assurer toutes les tâches sans s'épuiser, mais il faudrait aussi plus de locaux pour travailler en petits groupes, ou pour remplacer les plus vétustes, devenus inadaptés, voire insalubres.
Fidèle à son gouvernement d'austérité, Blanquer se vante au contraire d'être un ministre économe. Pour la deuxième fois, son ministère a rendu à Bercy plus de 200 millions d'euros, une somme qui aurait permis de construire une centaine d'écoles, ou de créer 4 200 postes de professeurs ! Rien qu'à la rentrée 2021, 1800 postes ont été supprimés dans le secondaire, alors qu'il y a 36 000 élèves de plus.
Par contre, ni lui ni Macron ne sont avares d'expérimentations, afin de cacher la grande misère du système éducatif, à laquelle tous les gouvernements successifs ont contribué.
Ainsi, la seule réponse apportée par Macron à un instituteur marseillais qui disait « nos élèves méritent mieux que ça » en lui montrant l'état piteux de son école, a été la possibilité pour 50 directeurs d'écoles de recruter leur propre équipe enseignante, moyennant quelques subsides supplémentaires pour financer leurs projets. Mais qu'est-ce que cela va changer pour les conditions d'accueil lamentables des enfants et pour les conditions de travail des personnels, qui empirent, dans les milliers d'autres écoles du pays ?
Derrière la vitrine, que deviennent les millions d'élèves issus des quartiers populaires, qui subissent des classes surchargées, l'absence de profs pas remplacés, et qui ne connaissent de l'école que l'échec scolaire, faute d'encadrement et d'attention suffisants ?
En bon laquais des capitalistes, Blanquer leur montre la porte de l'entreprise et de l’apprentissage qui n’est rien d’autre que l’apprentissage de l’exploitation !
Pour inverser le cours des choses, il faudra que les personnels de l'éducation et les familles s'en mêlent et qu'ils imposent par leur mobilisation d'autres choix !