Brochure
Meeting du 7 octobre à Paris : intervention de Jean-Pierre Mercier
Au sommaire de la brochure
Sommaire
Depuis bientôt un mois, des milliers d’ouvriers des trois grands constructeurs automobiles américains, General Motors, Ford et Stellantis, ont entamé un bras de fer contre leurs patrons, en utilisant le seul, l’unique moyen dont les travailleurs disposent pour imposer leur volonté à leur patron : la grève. Face à l’inflation galopante, ils exigent 46 % d’augmentation des salaires sur 4 ans, une prime mensuelle de vie chère pour combler l’augmentation des prix et ils se battent pour que les intérimaires et les nouveaux embauchés aient les mêmes droits que les plus anciens.
Les problèmes auxquels font face les travailleurs aux Etats Unis sont les mêmes que les nôtres. Dans les ateliers de Stellantis à Poissy, où je travaille, cette grève est suivie de près par de nombreux ouvriers, qui ressentent, même confusément, que nos frères ouvriers d’Amérique font ce que nous devrions faire ici, que la voie qu’ils empruntent, celle de la lutte, est la seule voie possible pour défendre notre peau.
Alors bien sûr, cette grève est entièrement encadrée et dirigée par le syndicat UAW, qui veut se montrer aussi « responsable » aux yeux du patronat que nos centrales syndicales d’ici. C’est le syndicat qui décide seul les usines qui doivent se mettre en grève et celles qui ne le doivent pas. Malgré tout, la grève s’installe, elle est menée avec fierté par les ouvriers concernés et suscite la solidarité des travailleurs de tous les autres secteurs.
Alors, vive la grève de nos camarades des États-Unis !
Oui, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, nous vivons la même situation. Alors que les bruits de bottes se font de plus en plus assourdissants, alors que le monde renoue, pour la première fois depuis des décennies, avec la perspective d’un embrasement militaire généralisé, il y a une autre guerre que les capitalistes et leurs gouvernements poursuivent, de plus en plus violemment, de plus en plus ouvertement : c’est la guerre sociale contre les travailleurs.
Cette guerre sociale se déroule sur plusieurs fronts : l’inflation, l’intensification de l’exploitation, les coupes claires dans les budgets des services publics, l’aggravation de la répression contre les mouvements de protestation, la mise au pas de la population travailleuse.
Cette guerre sociale contre les classes populaires, les capitalistes et les États qui sont à leur service la mènent en permanence. Elle n’est pas nouvelle. Mais elle prend, depuis quelques années, une intensité particulière.
En plus des profits faramineux que cela rapporte à la bourgeoisie, cette aggravation de nos conditions de vie présente un autre avantage pour les classes dirigeantes : nous conditionner, nous habituer à un appauvrissement qui ne fera que s’aggraver quand éclateront les guerres à venir. Car il ne faut pas oublier que la guerre militaire, ce n’est pas seulement les massacres sur les champs de bataille, les bombardements et les tranchées : c’est aussi, à l’arrière, la misère et les restrictions imposées à toute la population ouvrière.
En 1938, Trotsky écrivait que « les deux maux économiques fondamentaux dans lesquels se résume l’absurdité croissante du système capitaliste » sont « le chômage et la cherté de la vie ». Cette formule a aujourd’hui plus d’actualité que jamais.
Le chômage reste aujourd’hui un cancer social qui ronge la société. Il n’y a qu’au gouvernement qu’ils font semblant de l’ignorer, en nous répétant toute la journée que grâce à eux, le chômage aurait tellement diminué qu’on en serait quasiment arrivé au « plein emploi ». D’ailleurs, c’est le nom de la loi qu’ils sont en train de discuter au Parlement en ce moment, la loi « Plein emploi », dont la mesure phare… est d’obliger les chômeurs allocataires du RSA à travailler gratuitement au moins 15 h par semaine.
Cela donne la nausée de voir les macronistes et la droite se gargariser de cette mesure, à grands coups de leçons de morale, expliquer que les chômeurs doivent avoir « pas seulement des droits mais des devoirs ».
Des droits ? Quels droits ont-ils, les chômeurs, à part celui de survivre avec une allocation de 607,75 euros par mois ? On se croirait revenus au 19e siècle, quand les bourgeois expliquaient que la pauvreté était due à la paresse et à l’oisiveté des travailleurs.
Ces attaques contre les allocataires du RSA s’inscrivent dans une offensive généralisée du patronat pour pouvoir plus facilement recruter des travailleurs à bas prix. Cette offensive est une véritable mise au pas, destinée à l’ensemble de la classe ouvrière, pour dire aux travailleurs : « Tu as deux bras et deux jambes, alors va bosser, prend ce qu’il y a et tais toi ! »
Elle est appuyée sur l’idée, ressassée 100 fois par jour dans les médias, qu’il y aurait des centaines de milliers d’offres d’emploi non pourvues et que les patrons n’arriveraient plus à recruter… Cette propagande est relayée par tout le gouvernement et par Macron lui-même quand il explique qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot.
Résultat : un renforcement du durcissement des conditions d’accès aux allocations chômage, puisqu’il est désormais possible de couper les allocations à un chômeur qui n’accepterait pas, bien docilement n’importe quel boulot, n’importe où et à n’importe quel salaire.
Les travailleurs doivent aujourd’hui, explique le patronat, être « agiles » et « mobiles », c’est-à-dire qu’ils doivent être à disposition, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et en n’importe quel point du territoire.
Et ils y vont, les travailleurs ! Il y a besoin de bras pour aller faire les vendanges par 40 °, en pleine canicule ? Ils y vont ! et ils en crèvent ! comme ces cinq ouvriers journaliers qui sont morts en septembre pendant les vendanges dans la Marne, dans les vignobles de champagne.
Alors entendre les patrons et leurs valets du gouvernement expliquer à longueur d’interviews que les travailleurs ne veulent pas travailler, ça donne la rage ! Les futurs coups de colère des travailleurs, ils ne l’auront pas volés !
Quel travailleur peut dire qu’il n’est pas ou n’a pas été ces dernières années directement confronté au chômage, que ce soit lui-même, son conjoint, l’un de ses enfants ou de ses proches ?
Les chiffres officiels sont tellement bidonnés, les dispositifs permettant de radier des chiffres du chômage n’importe qui pour un oui ou un non, sont tellement nombreux, que ces statistiques ne veulent rien dire.
La réalité du chômage, de la précarité, des petits boulots, elle n’est pas dans les statistiques officielles.
Elle est dans le cœur et dans les tripes des parents qui voient leurs gamins survivre avec des petites missions d’intérim. Elle est dans le cœur et dans les tripes des travailleurs qui redoutent chaque jour l’annonce de la fermeturede l’usine ou du plan de suppression d’emplois qui va les jeter dehors.
La réalité du chômage, elle est dans la vie même des salariés de ces dizaines d’enseignes de prêt-à-porter qui ferment les unes après les autres, de ces fonderies que les patrons déclarent « obsolètes » du jour au lendemain.
Elle est dans les files d’attente à la porte de Pôle emploi, elle est dans le fait que pour une seule offre d’emploi de caissière, les patrons reçoivent parfois jusqu’à 800 candidatures.
Mais cette réalité du chômage, elle est aussi bien présente dans la vie des travailleurs en activité, parce que les patrons comptent sur la crainte du chômage pour faire accepter les chaînes qui accélèrent, les cadences de plus en plus démentes, les équipements de sécurité absents, les temps de transport invraisemblables, les comportements méprisants et insultants de la maitrise…
Eh bien, tout ce que l’on peut souhaiter, c’est qu’à l’occasion d’un redémarrage des luttes, d’une reprise de la confiance de la classe ouvrière dans sa force, les travailleurs fassent payer l’addition au patronat pour toutes ces années où ils nous auront fait courber la nuque avec leurs contremaitres et leurs garde-chiourmes !
L’autre des « maux fondamentaux » que j’évoquais au début, c’est évidemment « la cherté de la vie », c’est l’inflation.
Depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, qui a amené des tensions sur les approvisionnements en blé et en gaz, les prix explosent.
Les bourgeois ont ouvert la boite de pandore, celle de l’inflation, et chacun d’entre eux entend bien profiter de l’aubaine pour rafler le maximum de profits, en se moquant éperdument des conséquences non seulement sur la population, ce qui est le cadet de leurs soucis, mais sur leurs propres affaires à terme, parce que cette explosion de l’inflation pourrait mener l’économie tout droit vers une récession majeure.
Quand un Rodolphe Saadé, propriétaire du géant du transport maritime CMA-CGM, profite de la guerre pour multiplier par 10, voire 15, le tarif du transport d’un container entre la Chine et le port du Havre, il en tire un bénéfice immédiat : en 2022, les bénéfices de cette compagnie ont dépassé les 22 milliards d’euros !
Que derrière, toutes les entreprises qui utilisent ses services répercutent ces hausses de prix sur les suivants, dans la chaîne économique, jusqu’aux consommateurs, ce n’est pas son problème. Les capitalistes, ils veulent bien que les prix baissent… mais à condition que ce soit les autres et pas les leurs !
Regardez la bagarre de cour de récréation entre capitalistes dans le domaine de la grande distribution. Évidemment, ils sont tous conscients qu’à force d’augmenter les prix, ils vont finir par perdre des clients et donc de l’argent… plus tard.
Mais tant qu’il y a de l’argent à faire, là, tout de suite, ils en profitent ! Alors les grandes enseignes demandent que les industriels de l’agro-alimentaire baissent les prix, et les industriels de l’agro-alimentaire disent que les grandes enseignes n’ont qu’à faire moins de marge… Même refrain avec les raffineurs comme Total concernant le prix du litre du carburant.
Au final personne ne fait rien, c’est le jackpot pour les deux, et au bout du bout ce sont les travailleurs qui trinquent.
Parce que depuis 18 mois maintenant que les prix s’envolent, parce qu’il devient tout simplement impossible de s’en sortir avec nos salaires, nos pensions ou nos allocations, le coût de la vie est au cœur des préoccupations quotidiennes de tous les travailleurs, en activité ou pas.
On se rend compte aujourd’hui, ce qu’on avait un peu oublié pendant les années sans inflation, que l’on peut s’appauvrir même avec des salaires qui augmentent de 2 ou 3 %.
Là encore, les chiffres pondus par l’Insee ne valent rien, et pour les mêmes raisons : l’inflation, ce n’est pas les statistiques de l’Insee, c’est notre vie quotidienne : la stupéfaction à la caisse du supermarché quand l’addition s’affiche alors qu’on a l’impression que le caddie est vide.
L’angoisse devant les chiffres qui défilent à la pompe à essence et qu’on décide que le plein, ce ne sera pas pour cette fois. Le constat qu’une fois le loyer payé, une fois les factures d’électricité, de gaz, de téléphone, d’assurance, les impôts payées, il ne reste quasiment plus rien.
C’est ce que les experts de la statistique sociale appellent le « reste à vivre » : ce qu’il nous reste une fois avoir payé toutes les charges contraintes. Selon une enquête récente diligentée par une association caritative, pour un tiers des ménages, ce « reste à vivre » est aujourd’hui inférieur à 100 euros par mois – et c’est pourtant avec ça qu’il faut faire les courses !
Dans ce contexte, il faut un cynisme hors norme pour organiser, à l’occasion de la visite d’un quelconque parasite couronné, un dîner d’un faste invraisemblable dans la Galerie des glaces du château de Versailles.
Dans l’entreprise où je travaille, et je suis sûr qu’il en va de même partout ailleurs, ce sujet a été sur toutes les lèvres pendant plusieurs jours. Quand on se bat pour faire vivre sa famille, en se levant à 3 h 30 du matin pour aller se casser le dos sur une chaine de production pour 1 500 euros par mois, comment ne pas être révolté par cet étalage de luxe, les robes de grand couturiers, les diamants, les bouteilles de vin à 3 000 euros et l’orgie de « homard bleu » ?
Certes, la plupart des travailleurs qui ont vu ces images ne s’imaginent même pas que la grande bourgeoisie, les milliardaires qui dirigent le système capitaliste, vivent en réalité comme cela tous les jours, et que l’État n’a fait qu’offrir à un Bernard Arnault ou à un roi d’Angleterre, qui est l’un des hommes les plus riches de son pays, un dîner tout à fait… habituel !
Mais c’est bien l’étalage de ces richesses qui a choqué, au moment où les familles ouvrières sont obligées de se serrer la ceinture d’un cran de plus tous les mois.
Face à l’inflation, les augmentations de salaire, là où elles existent sont dérisoires.
Les patrons, dans leur immense générosité, proposent des augmentations de 2, 3, parfois 5 % – et encore pas tous, loin de là. Alors que les prix de l’alimentaire ont augmenté de près de 20 % en un an. Alors que l’électricité, même au tarif réglementé, a augmenté de 10 % cet été et augmentera de 10 % encore au début de l’année prochaine, alors que le prix du gaz vient d’augmenter fortement le 1er octobre. Alors que l’essence augmente et « va continuer d’augmenter », assènent en toute tranquillité les patrons du secteur.
Car évidemment, lorsque le gouvernement a timidement émis l’idée que les distributeurs puissent vendre à perte le carburant, ceux-ci ont éclaté de rire, ce qui a suffi à Macron pour remballer cette idée quelques jours plus tard.
Il leur a donc respectueusement demandé de bien vouloir vendre « à prix coûtant », ce qu’évidemment les distributeurs ne feront pas plus, sinon un jour par-ci par-là pour se faire de la publicité.
Les hausses de salaire étant très inférieures à l’inflation réelle, cela veut tout simplement dire que nos salaires réels baissent. Autrement dit : ils nous font les poches. Et ils baissent de façon inversement proportionnelle aux profits, qui atteignent, eux, des sommets encore jamais atteints dans l’histoire économique de ce pays.
C’est la raison pour laquelle beaucoup de travailleurs, s’ils ressentent directement la dégringolade de leur niveau de vie, ont du mal à réaliser l’ampleur de la crise économique.
À l’époque de la crise de 1929, une plaisanterie courante aux Etats-Unis disait qu’il ne fallait pas se promener sous les fenêtres du quartier de Wall Street, au risque de se prendre un financier ruiné sur la tête.
Ce qui est certain, c’est qu’on n’en est pas là aujourd’hui !
Grâce à l’aggravation de l’exploitation, grâce au taux élevé de chômage, grâce aux centaines de milliards d’euros d’argent public offert en cadeau aux capitalistes pour les soutenir, et maintenant grâce à l’inflation, les profits explosent malgré la crise.
Les grandes entreprises encaissent des bénéfices jamais vus, les actionnaires, des dividendes inouïs.
L’augmentation de la richesse des capitalistes, en quelques années seulement, peut être illustrée par un seul fait.
Avez-vous déjà entendu parler du « fmic » ? Non, pas le smic, le fmic ! C’est un terme inventé par le magazine Challenges, qui publie chaque année, depuis 20 ans, le palmarès des 500 plus grandes fortunes du pays.
Le fmic, c’est la « fortune minimale d’insertion dans le classement », c’est-à-dire la fortune du 500e du classement… le plus pauvre des 500 plus riches, si l’on peut dire. Eh bien il y a 20 ans, le 500e du classement avait un patrimoine professionnel de 5 millions d’euros. Cette année, le 500e du classement a un patrimoine de… 235 millions.
Dans ce classement, outre le fait que le capitaliste le plus riche du pays, Bernard Arnault, possède la somme invraisemblable de 204 milliards d’euros, on apprend qu’entre 2009 et aujourd’hui, la fortune des 500 premiers capitalistes français est passée de 194 milliards à 1 200 milliards, c’est-à-dire qu’elle a été presque multipliée par 7. Et ce pendant une période où le niveau de vie de la classe ouvrière s’est dégradé de façon constante.
Franchement, camarades, lorsque les travailleurs aurons fait la révolution, quand ils auront exproprié tous ces parasites capitalistes et construit une société socialiste, il faudra précieusement garder quelques numéros de ce magazine pour l’éducation des enfants, pour tenter de leur faire comprendre quel était le degré de pourriture, d’injustice, de barbarie de ce système capitaliste pourri !
Oui, pendant que les grands capitalistes regardent leur fortune augmenter, pendant qu’ils se payent des îles privées, qu’ils se font construire des bunkers enterrés luxueusement aménagés pour se réfugier en cas de catastrophe climatique ou de guerre et des coffres-forts signés par des grands stylistes à un million d’euros – je n’invente rien – les travailleurs tentent de s’en sortir face au chômage et à l’inflation. Les quartiers populaires, abandonnés, minés par le chômage et la violence, se dégradent de jour en jour.
Qui, en août dernier n’a pas été choqué par la mort de ce gosse de 10 ans, tué dans une fusillade à Nîmes ou par le cas de cette étudiante tuée à Marseille par une balle perdue de kalachnikov, dans sa chambre, alors qu’elle travaillait sur son ordinateur ?
La violence des bandes de dealers se développe de plus en plus, ce qui continue à dégrader encore un peu plus la vie des habitants des quartiers populaires. Cette situation est directement la conséquence de la crise sociale profonde qui frappe la classe ouvrière et du pourrissement de la société.
Quand la seule perspective pour un jeune des cités populaires, c’est d’avoir la vie de ses parents, c’est-à-dire être chômeur, ou se lever à 4 h du matin pour aller faire le ménage dans les riches quartiers d’affaires pour le smic – eh bien l’attrait de l’argent facile procuré par les trafics ne peut être qu’attirant.
Cela n’excuse pas les comportements individualistes, antisociaux, criminels, mais cela les explique. Ils sont étroitement liés au pourrissement de la société capitaliste et à son incapacité pour ainsi dire génétique à offrir un avenir à la jeunesse ouvrière, en particulier en temps de crise.
Sauf si elle devait renouer avec les luttes collective, l’avenir de la jeunesse des quartiers populaires, aujourd’hui, c’est au mieux le chômage et l’esclavage salarié, et au pire, la perspective d’aller demain se faire trouer la peau à la guerre.
Il faut être menteur comme un politicien bourgeois ou naïf comme un réformiste pour prétendre ne pas comprendre que cette situation ne peut, mécaniquement, que conduire à une aggravation de la délinquance et de la violence individuelle.
Cet individualisme, nous le retrouvons malheureusement parmi les travailleurs même si bien sûr les conséquences ne sont pas aussi dramatiques que celui des jeunes. A cet individualisme, nous opposons la conscience de classe, la conscience que la classe ouvrière a des intérêts politiques à défendre et qu’elle ne pourra les défendre que collectivement.
Cette remontée de la conscience, et donc des luttes collectives, est d’autant plus indispensable que la vie de la société tout entière se dégrade, et va se dégrader d’autant plus vite que le monde se prépare à la guerre.
Quand l’État français annonce un budget militaire de 413 milliards, à un moment où paraît-il l’argent public se fait rare, cela va se ressentir immédiatement sur le budget des services publics – pourtant déjà profondément dégradés.
Les services publics n’ont jamais eu comme finalité de rendre service à la population, mais au contraire à la bourgeoisie. Les infrastructures mises en place par l’État permettent de fournir à la classe capitaliste, des travailleurs éduqués, grâce à l’école publique, et en état de travailler, grâce aux hôpitaux et au système de santé en général.
L’État a pris en charge les transports collectifs pour acheminer les travailleurs vers les usines et les bureaux, il a mis en place le logement social pour loger les travailleurs à des loyers suffisamment bas pour éviter aux patrons d’être obligés d’augmenter les salaires.
L’existence des services publics sert en fait à compenser – avec l’argent des travailleurs eux-mêmes – le montant insuffisant des salaires.
Mais avec la crise économique qui s’aggrave et l’État qui transfère toujours plus d’argent public vers l’aide directe ou indirecte aux grandes entreprises, la dégradation des services publics s’accélère, depuis des années. Avec cette dégradation, les travailleurs subissent la double peine : ils gardent les bas salaires, mais profitent de moins en moins des services qui permettaient de les compenser un peu.
Avec les tensions internationales, cette situation va s’aggraver.
Parce que ça coute une fortune d’acheter des chars, des avions, des missiles, des munitions, des bombes, parce qu’il faut « se préparer dans la perspective de nouvelles guerres de haute intensité », comme dit le gouvernement, il y aura demain encore moins d’enseignants, encore moins de places dans les écoles, encore moins de lits dans les hôpitaux, encore moins de maternités, encore moins de bus et de trains, encore moins de remboursements de la Sécurité sociale.
Mais pendant que les écoles des quartiers populaires tombent en lambeaux, pendant que des milliers d’étudiants font la queue devant les centres de distribution d’aide alimentaire, pendant que des départements entiers sont désormais privés de services d’urgence, de maternités, les riches, eux, continueront de mettre leurs enfants dans de coûteuses écoles privées et de se soigner dans de luxueuses cliniques privées.
L’attaque contre les retraites que nous venons de subir n’est qu’un début. Au fur et à mesure que l’économie sera de plus en plus tournée vers la guerre, l’État aura besoin de mobiliser toujours plus d’argent pour le budget militaire et le réarmement, et il le trouvera à la fois dans nos poches et dans les budgets des services publics.
Quant à la bourgeoisie, au-delà des profits monstrueux qu’elle encaissera directement, en particulier dans l’industrie militaire, elle profitera de la situation pour déchirer les conventions collectives, baisser les salaires, détruire les quelques protections qui existent encore pour les travailleurs. Et ceux qui protestent, comme c’est toujours le cas avant et pendant les guerres, seront traités d’irresponsables d’abord, de défaitistes ensuite, de traitres, d’ennemis de la patrie pour finir.
On nous explique déjà que l’inflation, le tarif de l’énergie qui explose, les factures alimentaires qui s’envolent – tout cela est le prix à payer pour « la liberté de l’Ukraine ».
Demain, lorsque le gouvernement fermera de nouveaux hôpitaux et de nouvelles écoles pour pouvoir acheter plus de missiles, on nous expliquera que c’est le prix à payer pour assurer « la souveraineté et la sécurité de la France » ; lorsque les patrons feront sauter toutes les barrières sur le temps de travail ou réduiront les congés payés, parce que ce sera le temps de la production de guerre, soyez certains que ce sera là encore au nom de la patrie, de la souveraineté, de la défense de la civilisation et de la démocratie contre les Russes, les Chinois, ou les étrangers qui seront les ennemis du moment …Car il en est ainsi à chaque fois que l’impérialisme prépare une nouvelle guerre.
C’est bien tout cela qu’on nous prépare, dès maintenant. Regardez comment le gouvernement vient de changer son fusil d’épaule, c’est le cas de le dire, sur le SNU, ce fameux « service national universel » qui sent à plein nez le rétablissement, petit à petit, du service militaire.
Il y a encore quelques mois, le gouvernement affirmait la main sur le cœur qu’il serait toujours « au volontariat ». Mais il y a 15 jours, la sous-ministre chargée de ces questions, une certaine Prisca Thevenot, a finalement expliqué que le SNU allait devenir obligatoire, en ajoutant un couplet sur le fait que les jeunes doivent apprendre à chanter la Marseillaise et devenir plus sensible à l’émotion qu’il y a à regarder « le lever des couleurs ».
Apprendre à la jeunesse à marcher au pas et la mettre au garde-à-vous devant le drapeau de l’impérialisme français, voilà leur programme !
Oui, camarades, c’est tout cela à quoi nous devons nous préparer.
Le capitalisme est tellement rongé par la crise qu’il se dirige tout droit vers la déflagration, et le prolétariat, la seule force qui serait capable d’éviter cette catastrophe, n’a aujourd’hui ni la conscience ni la direction politique dont il a besoin pour le faire.
Mais c’est notre travail de militants communistes révolutionnaires de discuter de cette situation avec nos camarades de travail, d’avertir chaque travailleur autour de nous du danger et des enjeux de cette période, de chercher avec tout l’acharnement possible à les convaincre qu’à terme, il n’y a pas d’autre issue pour sauver notre peau – au sens propre du terme – que de renverser le capitalisme.
Bien sûr, il faudra se défendre contre toutes les attaques qui vont être menées contre le monde du travail, et se battre avec autrement plus d’acharnement et de détermination que nous nous sommes battus contre la réforme des retraites. Mais en n’oubliant pas qu’aujourd’hui, en Ukraine, il y a des dizaines, peut-être des centaines de milliers d’ouvriers qui ne se posent plus la question de l’âge de la retraite, parce qu’ils sont déjà morts sur les champs de bataille de Bakhmut ou de Zaporija.
Oui, il nous faudra nous battre pour défendre nos conditions de vie, nos salaires, nos emplois, notre droit à une vie digne. Mais cela ne suffira pas. Il ne faudra pas craindre d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la remise en cause du système capitaliste lui-même, qui est responsable et coupable des maux de tous les exploités de la terre.
Le renversement du capitalisme est la seule issue à la fois pour sauver notre peau en tant que travailleurs et pour offrir un autre avenir à la société tout entière.
Oui, la classe ouvrière devra prendre en main la société. Elle en a la force. Elle en a le nombre. Le jour où elle renouera avec la conscience, elle sera capable de balayer la bourgeoisie et son système pourri de la surface du globe – même pendant les guerres, comme les travailleurs russes l’ont montré en 1917. Voilà notre perspective, et même dans les sombres temps que nous vivons, cela reste la plus enthousiasmante des perspectives !
Contre le danger de guerre, vive l’union des travailleurs de tous les pays ! Et contre ce vieux monde barbare et injuste, vive le communisme !