Brochure
Meeting de campagne du 10 mai 2019 : discours d'Arlette Laguiller
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Sommaire
Travailleuses, travailleurs, camarades,
Notre courant politique participe aux élections, aux européennes comme à toutes celles où nous en avons la possibilité.
Nous le faisons, comme vient de le rappeler mon camarade Eddy Le Beller, pour défendre une politique communiste révolutionnaire en une occasion qui nous permet de le faire plus largement que nous ne le faisons au jour le jour.
Nous le faisons pour faire entendre la voix de celles et ceux qui considèrent que le capitalisme ne représente pas l’avenir mais le passé. L’humanité crève d’une organisation sociale basée sur l’appropriation privée des richesses, qui devraient appartenir à tous, basée sur le monopole d’une classe privilégiée sur les moyens de production, basée sur la concurrence, sur l’argent. Nous participons à cette campagne électorale pour affirmer que seul le prolétariat, la classe de ceux qui n’ont que leur salaire pour vivre, a collectivement la force de mettre fin à cet ordre social qui impose à l’humanité des souffrances infinies.
Les commentateurs qui prétendent informer l’opinion publique mais qui, en réalité, la fabriquent, s’intéressent au décor, au clinquant du navire, aux occupants de la première classe, mais la vie des soutiers, de ceux qui font marcher les machines, ceux qui nettoient les cabines, ne les intéresse pas. Pour eux, ils n’existent tout simplement pas !
Les manifestations des gilets jaunes ont comme principal mérite d’attirer l’attention des médias sur une partie, et encore une petite, de ceux sur qui pèse le poids de la société, sans qui la société ne pourrait pas fonctionner et qui, pourtant, ont du mal à vivre même lorsqu’ils ont du travail. Et lorsque, chômeurs, ils sont rejetés par la production capitaliste ou lorsque, trop âgés pour suer du profit, ils sont retraités, on tolère seulement qu’ils survivent.
Pour notre part, nous militons en direction de ces soutiers, principalement parmi les travailleurs des grandes entreprises industrielles, commerciales et bancaires, pour les rendre conscients de leurs intérêts, matériels bien sûr mais aussi politiques.
Les élections sont la continuation de notre politique au quotidien par d’autres moyens. Elles s’intègrent dans nos efforts pour construire ou plus exactement pour reconstruire dans ce pays un parti communiste révolutionnaire.
L’histoire du mouvement ouvrier, rien que dans ce pays, a connu plusieurs tentatives pour créer des partis qui avaient pour raison d’être, non seulement la défense des intérêts matériels des travailleurs, mais surtout la perspective de leur émancipation par la révolution sociale.
C’est le courant socialiste qui a représenté cette perspective pendant toute une période avant de basculer dans le camp de la bourgeoisie et de se mettre à son service. En commençant par aider chacun sa bourgeoisie à embrigader les travailleurs dans la boucherie de la première guerre impérialiste mondiale. Puis, lorsque les horreurs de la guerre ont conduit au réveil révolutionnaire du prolétariat européen, en l’empêchant de se joindre aux prolétaires de Russie pour renverser le capitalisme. Les partis socialistes ont été relayés par les partis communistes qui, après avoir représenté un immense espoir, ont basculé d’abord sous la tutelle de la bureaucratie ex-soviétique. Et ils ont à leur tour fini par s’intégrer dans l’ordre bourgeois par un autre cheminement que celui des partis socialistes, mais aussi en participant à des gouvernements bourgeois comme en 1944-1947, puis en 1981.
Depuis, les deux partis, naguère ouvriers, sont devenus des défenseurs de l’ordre bourgeois, de ses institutions, de ses valeurs.
Oui, le combat du prolétariat pour son émancipation a connu bien des défaites et des trahisons.
Ces trahisons ont été de véritables catastrophes qui ont rejeté, à chaque fois, le mouvement ouvrier des décennies en arrière. Les conséquences en ont été d’autant plus graves que les trahisons venaient d’organisations en qui les travailleurs avaient confiance, et qui avaient été construites au fil du temps grâce aux efforts, au dévouement, au sacrifice de générations d’ouvriers.
Toutes ces trahisons du passé ont pesé. Et elles continuent de peser jusqu’à présent. Elles ont permis à la bourgeoisie de désamorcer ou de surmonter des crises sociales majeures. Elles ont aidé la bourgeoisie à perpétuer l’exploitation. Mais ces batailles gagnées par la bourgeoisie n’ont pas mis fin à la guerre sociale. La lutte de classe continue, alimentée sans cesse par l’exploitation capitaliste elle-même, par toutes les formes d’oppression qui en découle, par toutes les formes d’injustice qu’elle engendre, par toutes les guerres que la concurrence suscite. À notre époque de sénilité du capitalisme, ses pires aspects s’aggravent, et les aspects progressistes de ses débuts disparaissent.
Alors, nous avons confiance dans l’avenir parce que nous avons confiance dans la classe ouvrière et dans sa capacité à reprendre le combat.
Les tremblements de terre les plus puissants qui ébranlent la planète sont le résultat d’une multitude de mouvements tectoniques indécelables, d’une multitude de forces qui se déploient et se heurtent sans que l’on puisse prévoir le moment où ces mouvements font trembler la terre. La crise actuelle de l’économie capitaliste, avec toutes ses conséquences pour les classes populaires et, au-delà, pour toute l’humanité, prépare les futurs ébranlements sociaux. Il appartiendra alors au prolétariat d’en prendre la tête.
Notre génération est un chaînon dans la succession d’affrontements qui traversent l’histoire du capitalisme et qui opposent les deux classes sociales fondamentales : la bourgeoisie et le prolétariat. Elle a à apporter une réponse satisfaisante au besoin sans cesse renaissant de recréer un parti communiste révolutionnaire. Le combat pour le reconstruire ne s’achèvera que par le renversement du pouvoir politique de la bourgeoisie et la réorganisation de la société sur une base nouvelle, sans exploitation, sans oppression.
Ce parti ne pourra se développer pleinement, acquérir la confiance des travailleurs, que dans des périodes de remontée ouvrière. C’est à ces moments et dans la lutte que les militants ouvriers et l’organisation communiste révolutionnaire elle-même pourront acquérir le crédit et la compétence nécessaires pour faire face aux appareils d’État et aux multiples institutions qui se placent sur le terrain de la préservation de l’ordre social existant.
Mais même les périodes où le gros de l’armée du prolétariat n’est pas mobilisé, voire ne se sent pas du tout concerné et se désintéresse de la politique, même ces périodes permettent de transmettre des idées, des valeurs, une conscience qui permettront à la classe ouvrière d’être de nouveau armée politiquement pour être en situation d’affronter la bourgeoisie et, surtout, de gagner la guerre sociale qui conduira à son émancipation.