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Meeting du 27 septembre 2025 : discours de Jean-Pierre Mercier

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Sommaire

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    Camarades et amis

    Le grand patronat n’est pas content. Le grand patronat n’est pas content, et il le fait savoir matin, midi et soir sur toutes les antennes.

    C’est que, vous comprenez, le grand patronat souffre : il souffre d’être trop taxé, il souffre de manquer de liberté, il souffre d’être trop critiqué. Il souffre des normes qui lui coûtent de l’argent, il souffre du Code du travail qui lui lie les mains.

    Pensez donc : ce malheureux patronat est dans une telle situation que Pierre Gattaz, l’ancien président du Medef, n’a pas hésité tout récemment à conseiller à ses amis patrons de pratiquer, tenez-vous bien, « le trotskysme libéral ». Ne me demandez pas ce que ça veut dire : ce monsieur Gattaz n’a certainement jamais eu la plus petite idée de ce qu’est le trotskysme alors, ce n’est pas la peine de chercher à comprendre.

    Logiquement, vu leur situation dramatique, les patrons sont au bord de la révolte. Le président du Medef, Pierre Martin, a prévenu : « Si les impôts augmentent, il y aura une grande mobilisation patronale ! ». Et il a fixé une date, le 13 octobre.

    Mais rassurez-vous, après un moment de flottement le patron des patrons a assuré, quelques jours plus tard, qu’il ne voulait évidemment pas parler de manifestations de rues. Il n’y aura donc ni cortèges de Gilets jaunes griffés Dior ni de black block en cagoule Hermès ! Dommage, pour une fois que les CRS auraient pu faire un travail socialement utile…

     

    La réalité, est que ces jérémiades permanentes du grand patronat sont insupportables. Leur façon de se plaindre alors qu’ils transpirent l’argent par tous les pores de leur peau est révoltante, comme cette façon de mentir comme des arracheurs de dents, en prétendant qu’ils sont écrasés de charges, et surtout que rien, jamais n’est de leur faute.

    Écoutez le président de Renault, Jean-Dominique Senard, dans une interview au Monde : « Le problème du pouvoir d’achat est réel… mais ce n’est pas la faute des entreprises ! ».

    Rien, rien de ce qui ne va pas dans la société n’est la faute des patrons : si les salaires sont aussi minables, c’est la faute aux cotisations sociales ! S’ils ferment des usines, c’est parce qu’ils sont écrasés d’impôts ! S’ils n’embauchent pas, c’est parce que les règles du Code du travail sur les contrats en CDI sont trop rigides !

    Et si jamais, de temps en temps, surgit une proposition qui conduirait à écorner une minuscule part de leurs richesses, alors là, ils sortent l’artillerie lourde.

    Voyez les réactions du patronat face à la proposition de taxe Zucman, très en vogue en ce moment chez les socialistes.

    Pour mémoire, c’est une mesure qui toucherait uniquement les bourgeois ayant un patrimoine de plus de 100 millions d’euros, soit… seulement 1 800 personnes. La taxe Zucman ne consiste même pas, comme on l’entend souvent, à augmenter de 2 % les impôts de ces gens-là. Non : cela consiste à s’assurer qu’ils payent tous au moins 2 % de la valeur de leur patrimoine en impôts. Un riche qui en payerait déjà 1,5 % ne verrait donc augmenter ses impôts que de 0,5 %.

    Eh bien, cette mesure ridicule a suffi à déclencher la rage de ces messieurs, petits et grands patrons. « Aberration », « bombe à retardement », « spoliation », « mesure confiscatoire » ! La palme revient à Bernard Arnaud, 7e homme le plus riche du monde, qui a qualifié Zucman, l’auteur de cette mesure, de « militant d’extrême gauche » dont l’objectif est tout simplement ... « la destruction de l’économie libérale » !

    Quel invraisemblable culot ! Ces gens-là, pillent depuis des décennies les caisses de l’État, licencient en toute liberté, exploitent jusqu’à la moëlle les travailleurs qu’ils gardent… et ils se plaignent ? 

    Ils ont à leur botte les gouvernements, les administrations de l’État, l’écrasante majorité des partis politiques, les flics, l’essentiel de la presse… et ils pleurnichent ? 

    Ils ont fait détruire la moitié du Code du travail par Hollande et Macron, ils s’assoient sur ce qui reste … et ils gémissent ? Les plus riches d’entre eux ne payent même pas d’impôts sur le revenu, ils ont été exonérés de cotisations sociales sur tous les bas salaires, et ils se lamentent et crient à la « spoliation » ?

    Mais quand, parfois, un coin du voile se lève sur leurs mensonges, ils détestent ça. 

    Regardez leur réaction après que plusieurs enquêtes récentes ont dévoilé que sur la seule année 2023, les entreprises ont touché la somme colossale de 211 à 270 milliards d’euros d’aides publiques – cadeau, sans contrôle ni contrepartie ! Les porte-parole du patronat se sont alors succédé à la télévision avec des airs indignés pour essayer de se justifier, criant au mensonge, à la calomnie, mais les faits sont là, indiscutables. 

    Ils touchent des milliards, prétendument pour créer de l’emploi bien sûr, mais évidemment, ils licencient quand même ! 

    Le rapport du Sénat donne quelques chiffres édifiants. 

    Auchan : 1,3 milliard d’allégements de cotisations sociales et 636 millions d’aides directes en 10 ans. 2 400 licenciements en 2024. 

    Michelin : 32 millions d’exonérations et 40 millions de crédit impôt recherche entre 2023 et 2024. 1254 licenciements la même année. 

    LVMH : 275 millions d’aides publiques en 2023, l’année même où il a été annoncé 1 200 suppressions de postes. 

    Oui, c’est bien le patronat qui a vidé, pillé, lessivé les caisses de l’État, c’est l’argent déversé par centaines de milliards chaque année aux entreprises, à fonds perdus, qui a creusé le déficit abyssal des finances publics. Alors nous, les travailleurs, nous sommes 1000 fois en droit d’affirmer : « Cette dette n’est pas la nôtre ! Nous ne devons pas en payer un seul centime ! ». 

     

    Cet étalage de mensonge de la bourgeoisie sur ses prétendues difficultés, s’accompagne d’un discours de plus en plus explicite du patronat et des politiciens à leur service pour faire porter la responsabilité de la situation économique sur les travailleurs, et en particulier sur les plus pauvres d’entre eux.

    Pour eux, les travailleurs, dans leur ensemble, « ne travaillent pas assez » : trop de congés, pas assez d’heures dans la semaine, trop de jours fériés – c’est ce qui a conduit Bayrou à proposer cette brillante idée d’en supprimer deux, ce qui a, à juste titre, révolté des millions de travailleurs. 

    Pour faire passer sa potion amère, Lecornu a renoncé à cette mesure. Mais cela n’empêchera pas des patrons dont le seul effort consiste à compter leur argent et des politiciens, qui, pour l’essentiel, n’ont jamais eu un vrai métier de leur vie, de continuer à rabâcher que les travailleurs sont des fainéants.

    Ces « fainéants », comme ils les appellent, sont pourtant ceux qui payent le prix du sang pour engraisser le patronat. 

    L’année dernière, plus de 800 des nôtres sont morts au travail pour un patron, 810 exactement. Plus d’un demi-million de travailleurs ont été blessés au travail dont 38 000 très gravement et encore, c’est sans compter les accidents non déclarés des camarades travailleurs sans papiers. Et cela ne cesse d’augmenter chaque année, car, au fond, un mort au travail coûte souvent moins cher au patron que toutes les actions de prévention.

     

    Tout aussi insupportables sont les propos des politiciens concernant les retraités, les fameux « boomers » dans la bouche de Bayrou, accusés d’être une génération dorée. Génération dorée ? Vraiment ? ceux qui ont connu les semaines de 48 heures et des conditions de travail pire ? Génération dorée, les travailleurs morts avant la retraite, tués par l’amiante et toutes les autres saloperies qu’ils ont inhalées durant toute une vie d’exploitation ?

    Alors, camarades, ce n’est pas seulement de la colère que nous devrions ressentir en entendant ces propos orduriers sur les retraités, c’est de la haine, et cela serait plus que légitime !

     

    Aussi violente, est l’offensive contre les chômeurs et les plus pauvres, qualifiés « d’assistés », et contre les malades… trop malades. Les bourgeois n’ont pas de mots assez durs contre eux, et vont jusqu’à prétendre que pour les entretenir, ils payent trop de cotisations sociales et ne peuvent pas augmenter les salaires. 

    Notons au passage que les patrons se plaignent de payer des cotisations sociales… … comme si l’argent sortait de leur poche à eux, comme si on leur arrachait ces cotisations comme une livre de chair, faisant mine d’oublier que les cotisations, même patronales, c’est du salaire différé, c’est-à-dire que c’est notre argent, pas le leur, c’est le produit de notre travail ! Ils nous volent sur nos salaires, chaque jour, chaque heure, chaque minute, mais ils ne supportent pas qu’une toute petite part de leur butin soit reversée pour les budgets sociaux, ils veulent tout garder et bien il faudra tout leur prendre !

    Et puis ces fameux « assistés » dont on nous rebat les oreilles, c’est qui ? Des travailleurs handicapés qui vivent avec l’allocation adulte handicapé – dont je rappelle qu’elle n’a augmenté en tout et pour tout que de 250 euros en 25 ans, soit 80 centimes par mois, pour atteindre aujourd’hui la somme misérable de     1 100 euros par mois ? 

     

    De qui parle-t-on ? D’un travailleur licencié à 50 ans et jeté à la rue après avoir donné sa jeunesse et sa santé à un patron ? D’un ouvrier qui a eu un pied écrasé ou un bras coupé par la machine parce que son patron a économisé quelques centaines d’euros sur la sécurité ? D’un travailleur du bâtiment qui ne peut plus travailler tellement il a le dos cassé et les articulations détruites ? 

    Ces travailleurs-là, à qui il ne reste que la perspective de survivre avec un RSA ou une allocation adulte handicapé, doivent en plus supporter de se faire cracher au visage par des nantis qui n’ont jamais fait un travail pénible de leur vie – quand ils ont eu un travail – et de se voir accuser d’être les responsables de la faillite de l’État et de la baisse des salaires ?

    Vraiment oui, nous avons toutes les raisons d’affirmer que la révolution, ce sera la seule chose que les riches n’auront pas volée !

     

    Quant à ceux qui travaillent, ils doivent subir de se faire traiter à la fois de privilégiés, parce qu’ils ont un emploi, et de fainéants, parce qu’ils ne travaillent pas assez. 

    Privilégiés ? Mais combien d’ouvriers, dans l’usine Stellantis de Poissy où je travaille, ne sont pas partis en vacances cet été, malgré leur 25 ou 30 années d’ancienneté, parce que comme me le disait l’un d’entre eux, « c’est un peu juste financièrement ». 

    Combien de travailleurs sont aujourd’hui incapables de faire face à une dépense imprévue, regardent avec inquiétude leur voiture ou leur frigo se dégrader parce s’ils tombent en rade, ce sera une catastrophe ? Combien de travailleurs, en emploi, qui touchent un salaire tous les mois, comptent le moindre centime à la caisse du supermarché, ne font jamais le plein dans leur voiture parce que c’est trop d’un coup – et sont quand même dans le rouge le 15 du mois ? 

     

    Fainéants ? Mais combien de travailleurs ont ce sentiment de n’avoir pas d’autre vie que le travail, combien se retournent sur leur existence en se disant : « On bosse, on rentre, on dort, on retourne bosser, et c’est ça la vie ? ». Partout dans les usines du pays, les travailleurs subissent les cadences et les charges de travail qui augmentent et les heures supplémentaires. Des dizaines de milliers de jeunes, partout dans le pays, supportent cela en serrant les dents parce qu’ils veulent travailler à tout prix, des dizaines de milliers d’anciens supportent des conditions de travail indignes sur les chaînes de production parce qu’ils savent que s’ils ne tiennent pas, ils finiront licenciés pour inaptitude et qu’après, ce sera la chute dans la misère… et il faut qu’on se fade, en plus, les bourgeois gavés à la télévision qui nous expliquent que le travailleur ne veut pas travailler ?

    Et comment peuvent-ils oser tenir ce discours alors que partout, dans tous les secteurs de l’économie, c’est eux qui licencient, c’est eux qui ferment des usines, c’est-à-dire qu’ils privent, précisément, les travailleurs de leur emploi !

    Dans le secteur automobile où je travaille, nous sommes bien placés pour le savoir. Vous le savez, cette semaine, la direction de Stellantis a annoncé la mise au chômage, pour trois semaines, de l’usine de Poissy et de tous ses sous-traitants. C’est le prélude à la fermeture de cette usine, sans doute, dans moins de deux ans. Et cela vient après l’annonce officielle de la fermeture de l’usine de moteurs thermiques de Douvrin, dans le Pas de Calais. Derrière ces fermetures, qui mettront à la rue des milliers de travailleurs, il y a les dizaines d’équipementiers et de fournisseurs qui devront mettre la clé sous la porte et licencier leurs travailleurs. Et ça a déjà commencé ! Michelin, Valeo, Novares, Faurecia, Bosch ont déjà fermé ou vont fermer des usines, avec à chaque fois des centaines ou des milliers de licenciements à la clé. 

    Le patronat de l’automobile qui prévoit la suppression de 75 000 emplois en France, révèle l’intensité de la guerre qu’ils nous mènent.

     

    Et cette politique est la même dans toute l’industrie automobile européenne voir mondiale, dont les actionnaires ont décidé d’accentuer la guerre commerciale contre leurs concurrents… avec la peau des travailleurs. 

    Comme toujours, ces empires industriels, Stellantis en tête, prennent prétexte d’une prétendue « baisse des ventes », des difficultés du marché de l’électrique, de l’Union européenne qui les obligerait à respecter des normes qui augmentent leur coûts… Mais que leurs difficultés soient réelles ou inventées, qu’est-ce que ça change pour nous, les travailleurs qui allons perdre notre emploi ? 

    Stellantis serait en difficulté ? Mais quelle blague ! L’an dernier, le groupe a fait 18 milliards de bénéfice, et sur les 10 dernières années, ses profits se chiffrent en dizaines de milliards. 

    Alors, où est passé cet argent ? Dans la poche des actionnaires ? Eh bien, c’est là où il faudra que les travailleurs aillent le chercher pour pouvoir continuer à vivre si ces parasites qui osent nous traiter de fainéants décident de fermer des usines ! 

    Les travailleurs ne sont pour rien dans la dette de l’État, les travailleurs de l’automobile ne sont pour rien dans les difficultés de la filière. C’est aux capitalistes de payer, pas aux travailleurs !

     

    Nous en sommes certains : les attaques continues de la bourgeoisie et des politiciens, leur mépris de classe et leur arrogance, finiront par leur exploser à la figure et feront, tôt ou tard, exploser la colère ouvrière.

    Cette révolte du monde du travail, elle ne sera pas seulement salutaire : elle sera absolument indispensable, parce qu’évidemment, la chute du gouvernement Bayrou ne mettra pas fin aux attaques contre les travailleurs, pas plus que la chute probable de Lecornu dans quelques semaines ou quelques mois, ou quelque autre combinaison politique qu’ils trouveront à l’avenir. 

    Bien des travailleurs ont été révoltés, à juste titre, en juillet, par ce que les médias ont appelé « le plan Bayrou ». 

    Mais il faut bien comprendre que ce n’est pas le « plan Bayrou » : c’est le plan de la bourgeoisie ! Le plan Bayrou d’hier, ce sera le plan Lecornu demain, peut-être le plan Olivier Faure après-demain et le plan Mélenchon ou le plan Bardella encore un peu plus tard. Car les chefs de gouvernement, dans cette société capitaliste, ne sont là que pour une chose – appliquer avec zèle les exigences du grand patronat.

    Dans le discours prononcé par Bayrou en juillet, il y a une phrase qui est passée plus inaperçue que son annonce sur les jours fériés : « Nous devons créer un environnement propice à la production par l’allégement de toutes les procédures qui asphyxient les entreprises. (…). Je propose aux entreprises de mettre au point dès cet été la liste des simplifications qui sont nécessaires, et le gouvernement (…) réglera ces questions par ordonnance, dès l’automne », c’est-à-dire sans débat au Parlement.

    Les choses ont donc été dites clairement au Medef : faites votre liste de courses, on se charge du reste. 

    Le Medef a évidemment saisi la balle au bond et, en septembre, a publié un document contenant ses premières demandes. Parmi celles-ci, on trouve par exemple la volonté de diviser par dix la taille du Code du travail et de le réduire à « une soixantaine de principes essentiels ». Par exemple, remplacer toute la réglementation sur la sécurité par une phrase : « L’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des salariés dans tous les domaines liés au travail. ».

    Voilà ce que souhaite le patronat aujourd’hui : en finir avec les quelques garde-fous qui permettent encore d’éviter qu’il fasse absolument n’importe quoi. C’est cela, la « simplification » qu’il demande. Et croyez-moi, si la classe ouvrière ne s’y oppose pas, il l’aura ! 

    La démission surprise de Bayrou a retardé un peu les choses, mais ces projets seront repris à l’identique par Lecornu ou ses successeurs, pour une raison simple : le patronat et les gouvernements qui le servent ont une ligne de conduite, une conduite adaptée à la situation dans laquelle se trouve le capitalisme aujourd’hui. 

    Leur objectif, c’est d’adapter toute la société à la guerre commerciale qui fait rage – et à la guerre tout court qui se profile. Cet objectif, c’est d’abord de diminuer par tous les moyens ce qu’ils appellent « le coût du travail » pour rendre leurs entreprises plus à même de résister dans la guerre économique contre les États-Unis, l’Allemagne ou la Chine – et c’est précisément ce que font, je l’ai dit tout à l’heure, les patrons de l’automobile. 

    Mais c’est aussi de siphonner les budgets sociaux et ceux des services publics pour qu’un maximum de crédits soit consacré au budget militaire sans toucher aux centaines de milliards d’aides publiques versées aux grandes entreprises. Oui : le Medef, à court terme, cherche des moyens de maximiser encore ses profits mais surtout, à long terme, il prépare l’économie de guerre, et pour cela, il déclare déjà la guerre au monde du travail !

    Cette déclaration de guerre, camarades, nous n’avons aucun moyen de l’éviter. Il n’y a aucun endroit où se cacher pour y échapper, aucune solution électorale pour espérer la contrer, ni à droite, ni à gauche, ni au RN – parce que tous ces partis sont intimement liés à la grande bourgeoisie et n’ont pas d’autre raison d’existence que de la servir. 

    Alors oui, nous n’aurons pas d’autres solution que de nous battre, que de mener une contre-offensive de grande ampleur contre ces projets mortifères. 

     

    Cette contre-offensive, on ne peut pas l’attendre des directions des confédérations syndicales. 

    Suite au discours de Bayrou du 15 juillet, il a fallu attendre un mois et demi, le 28 août, pour que les gros bonnets de l’intersyndicale consentent à écourter leurs vacances pour se réunir et décider d’une date pour une journée d’action, le 18 septembre. 

    Et encore, ce n’est que parce que le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre se profilait, parti des réseaux sociaux, c’est-à-dire en dehors des syndicats, que les confédérations ont décidé d’une date assez proche de la rentrée. 

    Les confédérations se sont montrées hostile à cette initiative du 10 septembre. Même si la CGT a fini, du bout des lèvres et à voix basse, par appeler à la grève ce jour-là, on a plus entendu Sophie Binet affirmer « qu’il ne peut pas y avoir de grève sans syndicat ». 

    Les dirigeants confédéraux sont terrorisés face à toute initiative qui vient des travailleurs eux-mêmes, de la base ! Les Sophie Binet, Marylise Léon de la CFDT et autre Frédéric Souillot de FO, il n’y a qu’une chose qui leur fait peur – et ce ne sont pas les attaques du Medef : c’est de voir se développer un mouvement qu’ils ne contrôlent pas. Ils veulent bien appeler à des mobilisations, mais uniquement si c’est eux, et eux seuls, qui donnent le top départ et surtout qui sifflent la fin de la partie quand ils l’estiment nécessaire. 

    Alors, c’est contraints et forcés qu’ils ont appelé au 18 septembre, pour ne pas trop donner, tout de même, l’impression qu’ils restaient les bras ballants face à l’offensive patronale. Mais il est notable qu’ils n’ont pas voulu, au lendemain de cette journée malgré tout réussie, appeler tout de suite à une autre. 

    Ils ont encore joué le cinéma de l’ouverture et du dialogue, en allant rencontrer Lecornu le 24 septembre, pour savoir si, peut-être touché par la grâce, il n’aurait pas subitement décidé de devenir en six jours, un défenseur du monde du travail et d’abroger par exemple, la réforme des retraites. 

    Mais, quelle surprise, ça n’a pas été le cas ! 

    Alors l’intersyndicale a appelé à une nouvelle journée d’action le 2 octobre. En faisant tout ce cinéma, les syndicats, consciemment, cherchent à accréditer aux yeux des travailleurs l’idée qu’il y aurait quelque chose à attendre d’un Lecornu. Ils sèment des illusions, et c’est au fond essentiellement à ça qu’ils servent. 

    Beaucoup de travailleurs, en tout cas les plus combatifs, reprochent aux confédérations syndicales de n’être pas assez combatives, n’ont pas avalé leur attentisme et leur passivité depuis des mois que les attaques se succèdent, et ils ont raison. 

    Mais en réalité, il n’y a aucune raison de s’en étonner, et surtout, la pire des illusions serait d’attendre d’eux autre chose que cela. On ne peut pas demander à un bouc de donner du lait. 

    Les dirigeants des confédérations syndicales sont passés, depuis bien des décennies, avec armes et bagages dans le camp du patronat, sont devenus, comme disait déjà Trotsky en son temps, les agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier. Ils se sentent parfaitement à l’aise dans le rôle de « partenaires sociaux » que la bourgeoisie leur assigne – « partenaires », et non ennemis de classe –, ils ne cherchent pas et ne chercheront jamais à aller plus loin. 

    Et lorsque demain, la colère des travailleurs éclatera et les dépassera, ils commenceront par courir derrière le mouvement pour tenter d’en prendre la tête pour mieux le trahir et, comme l’ont fait leurs ancêtres de 1936 et de 1968, ils seront à la manœuvre pour faire arrêter les grèves et tenter d’éteindre l’incendie social. 

    Et cette intégration profonde des syndicats à la société capitaliste, malheureusement ne concerne pas que les dirigeants confédéraux. 

    Elle touche aussi, bien des militants syndicaux sur le terrain, dans les entreprises, que le patronat a peu à peu réussi à apprivoiser, à amadouer, à acheter, en leur donnant l’impression d’avoir un rôle à jouer, en les invitant à bavarder autour des tables de pseudo-négociations, en leur confiant des responsabilités pour gérer les CSE, à les transformer en organisateurs de colonies de vacances ou en gestionnaires de cantines, bien plus qu’en organisateurs de la lutte de classe. 

    Même dans les entreprises où la répression patronale n’a pas encore été remplacée par une hypocrite illusion de collaboration de classe, les militants syndicaux sont bien souvent, par tradition, par formation, plus enclins à chercher des solutions avec le patron qu’à le combattre. Plus habitués à chercher des solutions en matière de « politique industrielle » et à les proposer au patron, qu’à organiser la lutte déterminée contre lui.

    Et comment pourrait-il en être autrement aujourd’hui ? 

    Depuis des décennies, non seulement la combativité ouvrière est au plus bas, mais en plus, il n’y a pas de parti politique ouvrier, communiste et révolutionnaire, pour influencer les militants syndicaux et les empêcher de se faire aspirer dans les sables mouvants de la collaboration avec la bourgeoisie.

    C’est même l’inverse. Ces militants sont souvent influencés par le PS, le PCF ou LFI, quand ce n’est pas le RN. Et ces partis rabâchent tous que la seule voie pour changer notre sort, c’est de bien voter, pour les porter au pouvoir. Ils répètent tous qu’il faut aider les entreprises, c’est-à-dire les patrons, surtout s’ils sont français.

    Tout cela ne signifie pas que les syndicats soient totalement sans influence parmi les travailleurs, on l’a vu ces dernières semaines. Il n’y a qu’à constater que le 10 septembre, il y a eu 200 000 manifestants dans la rue, ce qui était une bonne surprise, mais que le 18, à l’appel cette fois des syndicats, il y en a eu trois fois plus. 

    C’est d’abord parce que les militants et adhérents des syndicats se sont bien plus mobilisés, mais aussi parce que des travailleurs du rang se sont sentis plus à l’aise, plus en sécurité, de manifester dans un cadre syndical classique et encadré. 

     

    C’est précisément parce que les confédérations syndicales sont profondément intégrées dans le système bourgeois que des travailleurs, à leur niveau de conscience actuel, se sentent plus à l’aise pour manifester dans leurs rangs qu’en dehors. 

    Nous avons aussi pu constater autour de nous que si beaucoup de travailleurs ont renoncé à participer à la journée du 10 septembre par résignation, certains ont aussi avancé la crainte d’une récupération des partis politiques ou la peur d’un noyautage de l’extrême droite. 

    Derrière cette crainte, qui n’a rien d’illégitime en soi, se cache en fait le dégoût profond de la politique chez les travailleurs, dégoût qui est le fruit pourri de 40 ans de trahisons et de coups de poignards dans le dos par la gauche. 

    À cela, nous devons inlassablement répondre que les travailleurs ont 1000 fois raison de se méfier des politiciens professionnels, des politiciens de la bourgeoisie, qui ne font mine de les soutenir aujourd’hui que pour mieux les trahir demain ! 

    Mais aussi, que cela ne signifie pas qu’il faille rejeter la politique et l’organisation, bien au contraire.

    Aucun mouvement de contestation ne pourra l’emporter contre la bourgeoisie sans idées politiques et sans organisation – mais des idées politiques communistes et une organisation qui vient d’en bas, une organisation discutée et décidée à la base, imposée par la base ! 

     

    Oui, il faut que les travailleurs se méfient comme de la peste des politiciens professionnels qui viendront leur déclarer leur amour, « ces bourgeois déguisés en tribuns » avec « leurs phrases sonores d’avocat », comme disait le révolutionnaire Auguste Blanqui. 

    Leurs dirigeants, les travailleurs devront les trouver parmi eux. Leur stratégie, leurs modes d’actions, leur programme, leurs revendications, ils devront les définir eux-mêmes, démocratiquement, à la base, en reprenant l’habitude de se réunir, de discuter, de voter et d’élire leurs propres représentants en créant leurs propres organes de direction – comités de lutte, comités de grève ! 

    Car les luttes de demain ne pourront échapper à l’influence délétère des confédérations syndicales et des partis politiques bourgeois qu’à condition de voir naître en leur sein de tels comités, organes de démocratie ouvrière directe, qui éliront leurs propres représentants et les révoqueront s’ils trahissent, qui définiront eux-mêmes, démocratiquement, librement, leurs méthodes de lutte et leurs objectifs. 

    Qui refuseront d’être automatiquement placés sous l’influence d’un chef syndical autoproclamé – parce qu’on est déjà dirigés par des chefs dans les entreprises, par des flics en dehors des entreprises, alors dans nos luttes, c’est nous-mêmes qui devons être nos propres chefs !

     

    En construisant leurs comités de lutte et leurs comités de grève, les travailleurs apprendront à diriger, à se diriger, découvriront leur force, redécouvriront l’inventivité extraordinaire qui est celle des masses en lutte, dès lors qu’elles ne sont plus bridées par des appareils syndicaux ou politiques sclérosés. 

    Les grèves telles que les conçoivent ces appareils syndicaux – quand ils sont encore capables d’en concevoir –, ce sont des grèves dans lesquelles les travailleurs ne sont que des soldats, des pions que l’on dirige et qui n’ont finalement pas d’autre rôle à jouer que celui de masse de manœuvre, avant de rentrer sagement au travail, quand les chefs syndicaux ont décidé que la partie était finie. 

    Mais pour les communistes révolutionnaires, les travailleurs ne sont pas une masse de manœuvre mais la classe sociale qui changera le monde et dirigera la société de demain ! 

    Et c’est dans les grèves, dans le combat que cet apprentissage se fait, lorsque les travailleurs découvrent qu’ils ont l’intelligence et la force collective de diriger eux-mêmes au lieu d’être dirigés, lorsqu’ils font l’expérience de cette force et en mesurent les effets, lorsqu’ils prennent conscience, en étant les acteurs et les dirigeants de leurs propres luttes, de leur unité, en jetant d’un coup à la poubelle toutes les divisions mortelles que la bourgeoisie leur met dans le crâne – français contre immigrés, jeunes contre vieux, public contre privé, hommes contre femmes ! 

    Dans les comités de lutte, dans des comités de grève, tous les combattants sont sur un pied d’égalité, et c’est ce qui en fait un extraordinaire levier d’unification des travailleurs, le ferment d’une renaissance de la conscience de classe. 

    Et c’est cette renaissance de la conscience de classe qui fera franchir aux luttes de demain un palier supplémentaire, vers l’idée d’une transformation bien plus profonde de la société, vers l’idée révolutionnaire. 

    C’est pour cela qu’en défendant, y compris dans les luttes embryonnaires et balbutiantes d’aujourd’hui, cette idée d’organisation démocratique des travailleurs à la base, nous défendons en réalité les idées communistes et révolutionnaires. 

    Ces idées seront indispensables dans les luttes de demain, parce que bien au-delà de la défense contre les attaques actuelles de la bourgeoisie, les travailleurs devront, tôt ou tard, se poser la question de changer le monde en renversant le capitalisme. 

    C’est la seule issue, la seule voie qui se dessine dans cette société pourrie, et nous continuerons de la défendre inlassablement, avec une confiance absolue dans la capacité de la classe ouvrière mondiale de renouer non seulement avec les luttes, mais avec la conscience de son rôle révolutionnaire ! 

     

    Vive la classe ouvrière, et vive le communisme !

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