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Meeting du 22 juin à Paris : discours de Jean-Pierre Mercier
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Chers amis chers camarades, travailleuses, travailleurs,
En décidant la dissolution, Macron a remis entre nos mains la future composition de l’Assemblée nationale. Détesté comme il l’est dans les classes populaires, il peut perdre la majorité au profit du Nouveau Front populaire ou du Rassemblement national et si c’était le cas, se retrouver demain avec Bardella comme premier ministre.
Cette situation est inédite et divise le monde du travail.
Il y a des illusions de tous les côtés. Des travailleurs se réjouissent parce qu’ils placent leurs espoirs de changement dans le RN. D’autres, dans l’union des partis de gauche qui ont ressuscité le Front populaire.
Eh bien, même si on est seuls, il faut dire aux uns comme aux autres, qu’une fois de plus, ils se trompent. Qu’une fois de plus, ils se font avoir par des politiciens qui ne représentent pas leurs intérêts et qui n’arrêteront pas l’évolution catastrophique de la société, les inégalités ahurissantes, les injustices, la crise climatique, la montée nationaliste et guerrière.
Les travailleurs qui placent leurs espoirs dans le RN ne sont pas des « fachos » comme on l’entend souvent. Beaucoup sont certainement nationalistes et racistes mais au fond, comme une partie importante de la population l’a toujours été, parce que ce sont des préjugés qui sont charriés en permanence par la société capitaliste.
Mais s’ils placent, aujourd'hui, leurs espoirs dans le RN et pas dans le PCF ou la France insoumise, c’est d’abord parce qu’ils ne veulent plus entendre parler de ces dirigeants qui les ont trahis et abandonnés depuis des années dans la misère.
Le RN, lui, apparaît comme un parti nouveau, qui s’est préoccupé d’eux, qui a parlé de leurs problèmes. Et surtout, un parti « qu’on n’a jamais essayé », un parti capable de donner un coup de pied dans la fourmilière et peut-être, pensent-ils, de changer les choses.
C’est une grave erreur. Car le RN gouvernera, lui-aussi, pour les possédants et pour le grand capital, pour les Arnault, Bolloré, Bettencourt, Peugeot, Mulliez.
Il gouvernera pour ceux qui nous exploitent et creusent les inégalités.
Il gouvernera pour ceux qui licencient et jettent des millions de travailleurs dans la misère. Pour ceux qui pillent les caisses publiques et sont responsables de ce que les hôpitaux, l’école, les quartiers populaires et leur jeunesse sont laissés à l’abandon.
L’isolement, la rage individualiste, les incivilités, la délinquance sont le produit de tout cela. En fait, le RN gouvernera pour la classe capitaliste qui porte l’écrasante responsabilité de ce qu’il dénonce : la précarité, l’endettement de l’Etat, l’insécurité.
Et ça se voit déjà ! Plus le RN et Bardella se rapprochent du pouvoir, plus ils montrent ouvertement leur allégeance au grand patronat.
Il paraît que le RN a loué exprès un appartement à Paris pour pouvoir rencontrer les grands patrons « en toute discrétion ». Et toutes les déclarations de Bardella, le ton responsable qu’il emploie, ses combines avec des notables de droite comme Ciotti le confirment : Bardella fera ce qu’exigera la grande bourgeoisie. D’ailleurs, il a tenu à rassurer le patronat, jeudi, au grand oral du Medef.
Pour préparer les esprits de ses électeurs, il n’a pas été très original. Il ressort le coup de l’héritage et de l’audit des finances publiques. Un coup que les autres politiciens nous ont fait mille fois.
Et on peut donner à l’avance les résultats de ce grand audit : il n’y a plus d’argent dans les caisses, la France est endettée, menacée de faillite.
Et à partir de là, Bardella repoussera aux calendes grecques tout ce qui déplaira au patronat, son abrogation de la retraite à 64 ans, sa suppression de la TVA sur les produits alimentaires, sa suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans…
Le candidat du peuple se transformera en un énième Premier ministre des riches ! Et il réprimera les travailleurs qui voudront se défendre. Il encouragera les patrons à réprimer les militants et les organisations syndicales, à couper des têtes, comme beaucoup le font actuellement. Et son gouvernement pourra s’appuyer sur les juges qui sévissent déjà aujourd'hui, qui poursuivent déjà des militants syndicaux parce qu’ils se sont solidarisés avec la Palestine par exemple.
Et il n’y aura aucune raison de s’en étonner. Depuis qu’il existe, le Front national, devenu le Rassemblement national est un parti fondamentalement anti ouvrier, anti syndicaliste, sans parler de son anticommunisme crasse.
Pendant des années, ses dirigeants nous ont abreuvés de leurs éructations contre les grèves, contre les syndicats, contre les fonctionnaires traités de fainéants. Ils ont dénoncé les manifestations ouvrières et salué la répression policière au nom de l’ordre, appelé à l’interdiction du droit de grève dans les services publics, et ce sont ces gens-là qui veulent se faire passer pour un « parti ouvrier » ?
Ils serviront de toutes les façons possibles la grande bourgeoisie et il nous demanderont de nous soumettre, le doigt sur la couture du pantalon.
Déjà aujourd'hui, en dressant les travailleurs français contre les travailleurs étrangers, le RN divise la classe ouvrière et l’affaiblit au profit de nos exploiteurs.
Alors, pas une voix de travailleurs conscients ne peut aller de ce côté-là !
Un travailleur qui cherche vraiment un représentant de ses intérêts doit arrêter de chercher un sauveur suprême du côté des politiciens bourgeois.
Il doit voter pour un travailleur, pour un représentant de sa classe sociale, qui vit comme lui, qui a les mêmes problèmes que lui et qui a montré son dévouement aux combats des travailleurs !
Il doit envoyer à l’Assemblée un candidat qui sera ses yeux et ses oreilles pour soutenir tout ce qui ira dans le sens de ses intérêts et pour s’opposer et dénoncer les trahisons et tous les sales coups contre les travailleurs.
Pour toutes ces raisons, il faut voter pour les candidats de Lutte ouvrière !
Plus Bardella-Le Pen renieront leurs promesses sociales, plus ils cogneront sur les travailleurs immigrés et plus ils parleront de préférence nationale. Cela aussi il faut en discuter autour de nous, parce que ça fait partie de ce qui plaît à beaucoup d’électeurs du RN.
Oui, la peur de manquer et le manque tout court, le manque de places à la crèche, au centre social, chez le médecin, aux urgences, le manque de logements… a conduit beaucoup de travailleurs pauvres à se forger une cuirasse pour ne penser qu’à eux.
Et ils peuvent le faire en s’appuyant sur la gauche puisque le socialiste Michel Rocard en personne a soutenu cette forme d’égoïsme national avec sa fameuse formule « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
Alors oui, sous la pression de la crise, ces idées là ont fait leur chemin dans le monde ouvrier. Mais croire que les économies faites sur le dos des étrangers, des sans-papiers, des « assistés » comme disent les politiciens, leur permettront de mieux vivre est une grave erreur. L’argent pris aux travailleurs étrangers ira une fois de plus dans les coffres-forts de la grande bourgeoisie.
Et ce n’est pas parce que l’Aide médicale d’État sera supprimée que nous serons mieux soignés ! Ce n’est pas parce que le gouvernement coupera le budget de certaines associations qui donnent des cours de français que les écoles auront plus de moyens ! Ce n’est pas parce qu’un travailleur immigré ne pourra pas toucher telle ou telle aide que les salaires augmenteront !
Un gouvernement d’extrême droite imposera peut-être la préférence nationale dans les HLM. Mais cela ne réglera pas le problème de savoir qui les construit, qui les entretient !
Voir des ouvriers plus écrasés et persécutés que soi, n’a jamais fait avancer les intérêts des travailleurs. C’est même l’inverse. Moins les travailleurs étrangers auront de droits, plus nous reculerons tous parce que ce sera un nouveau moyen de pression pour le patronat.
Et le RN ne pourra pas non plus faire ce qu’il souhaite en matière d’immigration, car là aussi, ce sont les intérêts patronaux qui passeront d’abord et avant tout.
Et nous sommes bien placés pour savoir que sans travailleur immigré, plus rien ne tournerait ! Ces politiciens racistes et xénophobes peuvent dire n’importe quoi, même eux en ont besoin. Ils en ont besoin pour être servis au restaurant, pour être conduits dans leur taxi, pour soigner leur famille et pour entretenir leurs appartements bien bourgeois !
Regardez ce qui s’est passé en Italie. Meloni dont son parti d’extrême droite est directement issu du courant fasciste, s’est hissée au pouvoir en promettant une lutte implacable contre l’immigration. Elle promettait même de fermer les ports italiens et de faire un blocus naval.
Elle a été rappelée à l’ordre par le grand patronat italien et Meloni a mangé son chapeau en acceptant la mise en place d’un canal d’immigration légal délivrant pas moins de 452 000 visas de travailleurs entre 2023 et 2025.
Alors, même sur ce terrain-là, Bardella fera ce que lui commandera le Medef et le petit patronat. Y compris celui, souvent raciste, de l’agriculture qui recourt à la main-d’œuvre étrangère pour faire les vendanges et autres récoltes.
Cela ne veut pas dire que l’extrême droite n’aura pas les moyens de pourrir la vie des travailleurs immigrés. Elle en aura !
Elle n’a d’ailleurs qu’à reprendre le sale boulot là où l’a laissé Macron, avec les restrictions imposées au regroupement familial, aux naturalisations, au versement des allocations familiales…
Et puis, l’arrivée au pouvoir du RN donnera des ailes aux plus racistes, aux plus xénophobes, dans la rue, dans les quartiers, dans les transports, dans les entreprises, les encourageant à déverser leur haine au quotidien et pour rendre la vie des immigrés et même de leurs enfants français toujours plus compliquée.
Elle confortera les flics qui se sentiront encore plus libres de pourrir la vie de nos camarades noirs et des arabes encore plus qu’ils le font aujourd’hui. Et regardez tous ceux qui ont la gâchette facile et qui se sentent déjà autorisés à tuer à chaque délit de fuite. Qu’est-ce que ça sera avec un gouvernement Bardella ?
Alors, oui, l’arrivée du RN sera un recul de plus, un recul grave pour nos camarades de travail immigrés et donc pour nous tous.
Alors, il faut dans ces 8 prochains jours se battre avec acharnement pour arracher des voix au RN !
Il faut dire à ceux qui sont tentés par le vote RN : « Tu te trompes gravement ! En votant Bardella, tu votes pour ton patron, tu votes pour ton exploiteur, tu votes pour ton futur licencieur, tu votes contre tes camarades de travail et donc tu votes contre toi-même !
Parce que la seule façon de s’en sortir quand on fait partie des exploités, c’est notre nombre, notre unité pour mener notre combat contre nos exploiteurs ! »
A l’opposé des travailleurs qui votent RN, il y a ceux qui comptent sur le Nouveau Front populaire pour faire barrage au RN.
Question cinéma, les dirigeants de ce NFP ont sorti le grand jeu : ils ont recréé « une gauche qui change la vie pour renouer avec les jours heureux », a dit le socialiste Olivier Faure, ils vont répartir les richesses, « rétablir la concorde », rallumer la flamme à gauche, l’espoir… le soleil !!!
Il y a 15 jours c’était encore petits meurtres entre amis. Ils s’insultaient à qui mieux mieux, s’accusaient, excusez du peu, d’antisémitisme. Et voilà qu’en une nuit ils ont ressuscité le Front populaire et essayent de faire rêver de nouveau.
C’est fou ce que la peur de perdre son strapontin peut changer un politicien !
Et comme, ils n’ont pas peur du ridicule, ils osent prétendre que la « rupture » qu’ils nous promettent se fera grâce à leurs candidats … Hollande, ou Aurélien Rousseau, Ali nous a rappelé son pédigree, c’est-à-dire ceux-là même qui ont nous ont porté des coups !
Ce n’est pas parce que ces politiciens nous refont le coup de l’union de la gauche qu’il faut leur refaire confiance : il n’y a aucune raison qu’elle fasse autre chose que ce qu’elle a fait pendant 40 ans : c’est-à-dire se soumettre aux 4 volontés patronales et à son appareil d’Etat.
Car même s’ils aimeraient bien qu’on l’oublie, les principaux partis qui composent le NFP, à commencer par le Parti socialiste et le Parti communiste, ont eu bien des fois l’occasion de trahir la confiance que les électeurs ouvriers avaient placée en eux.
Les promoteurs du Nouveau front populaire ne cessent d’utiliser l’expression « changer la vie ». « Changer la vie », c’était le slogan de Mitterrand, pendant sa campagne de 1981. Les plus anciens d’entre nous s’en souviennent : le 10 mai 1981, jour de l’élection de Mitterrand, avait été une fête pour des millions de travailleurs, qui avaient sablé le champagne et étaient descendus danser dans les bals populaires pour célébrer « la victoire », tant le PS et le PCF avaient réussi à les convaincre que, enfin, tout allait changer.
Un an plus tard, le ton n’était plus à la fête.
Ce fut le tournant de la rigueur, le blocage des salaires. Ce fut le gouvernement aidant le patronat à fermer les aciéries, la sidérurgie et licencier les ouvriers de l’automobile par milliers. Ce que Laurent Fabius appellera plus tard, en l’assumant, « avoir fait le sale boulot ».
Ce fut l’explosion du chômage et de la pauvreté, au point que l’une des grandes conséquences du premier septennat de Mitterrand a été la création des Restos du cœur, pour tenter de donner à manger aux millions de « nouveaux pauvres », comme on les appela alors.
Car en 1982, ce sont bien les socialistes et le PCF qui ont réformé l’indemnisation du chômage, mettant fin à l’indemnisation sans limite de durée et créant la notion de « chômeurs en fin de droit », à qui ils accorderont royalement, quelques années plus tard, une misérable allocation de survie baptisée RMI.
Ce furent aussi les années où le gouvernement dérégula le système financier pour laisser les boursicoteurs s’enrichir sans limite, nomma, Bernard Tapie ministre, voulant faire de ce milliardaire, escroc et licencieur un modèle pour la jeunesse en matière de réussite individuelle.
En 1997, le gouvernement Jospin, nommé « gauche plurielle » et où Mélenchon, je le rappelle, était ministre, a tellement contribué à dégoûter les travailleurs que son mandat s’est terminé pour la 1ère fois par la présence de Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002 à la place du candidat de gauche.
Rappelons-nous de la fermeture de l’usine Renault de Vilvoorde et le licenciement de ses 3 100 ouvriers, et l’aveu lamentable de Jospin justifiant de laisser faire en déclarant : « L’État ne peut pas tout ».
Rappelons-nous de la privatisation de France Télécom et d’Air France – sous la direction du ministre des transports PCF Jean-Claude Gayssot.
Rappelons-nous que le gouvernement Jospin s’est vanté d’avoir privatisé deux fois plus que son prédécesseur, le gouvernement Balladur.
Rappelons-nous de la mise en place de l’annualisation du temps de travail par Martine Aubry, qui a permis au patronat de faire exploser les horaires de travail dans les entreprises, en se débarrassant, comme le patronat le réclamait depuis si longtemps, du « carcan » du calcul hebdomadaire du temps de travail.
Et puis, plus près de nous, il y a Hollande et Valls. Hollande, qui s’était fait élire en déclarant « mon ennemi, c’est la finance », et dont le gouvernement fut le paillasson du Medef pendant 5 années, entamant avec la loi El-Khomri la destruction du Code du travail, et plaçant au ministère de l’Économie un jeune financier aux dents longues sorti de la Banque Rotschild, un certain Emmanuel Macron, qui allait finir par lui marcher dessus pour prendre sa place.
Sans oublier, au bilan de Hollande, l’état d’urgence prolongé pendant deux ans après les attentats de 2015, les pouvoirs nouveaux importants donnés à la police, les fouilles et les nasses généralisées pendant les manifestations contre la loi Travail… Macron a sans doute toutes les raisons du monde d’être haï par les travailleurs, mais il ne faut jamais oublier qu’il n’a fait que poursuivre la politique engagée avant lui, au service de la bourgeoisie, par la gauche.
Alors, pour revenir à la période actuelle, qui peut les croire quand ils nous vendent leur fameux « programme pour le partage des richesses » !
La réalité c’est que ce programme terminera là où les précédents ont toujours terminé : à la poubelle !
Tout comme leurs promesses d’une police de proximité et républicaine, parce qu’ils se sont toujours couchés face aux flics qui s’octroient le droit de tuer et face aux magistrats qui condamnent des gamins à de la prison pour avoir volé une paire de baskets et qui blanchissent des délinquants à col blanc.
Alors oui, évidemment, il faut voter contre Bardella, mais pas pour une aggravation de la loi travail de Hollande-El Khomri, pas pour une énième capitulation sur les retraites, pas pour se retrouver encore avec cinq millions de chômeurs !
Il faut voter pour affirmer que les travailleurs ne sont jamais nourris des promesses de la gauche. Toutes les avancées sont venues d’en bas, de leurs luttes, de leurs combats, de leur révolte !
Même le smic à 1600 €, promis par le front populaire et pourtant bien insuffisant, on ne l’aura pas sans l’arracher au grand patronat au travers d’une lutte massive.
Pour que le rapport de forces redevienne favorable aux travailleurs, il ne faut pas rêver, il faudra toute la puissance de la classe ouvrière capable de se battre au point que la bourgeoisie craigne de tout perdre : ses dividendes, ses fortunes, sa propriété et son emprise sur l’économie.
En réalité, le NFP n’a pas besoin de ressusciter des illusions sur son programme pour attirer les électeurs. Son seul et unique argument électoral : « faire barrage au RN ».
Il n’y aurait même plus à se demander pour quel candidat l’on vote, quel est son projet et quelle politique il représente : il faut faire barrage au RN.
Cet argument, ils nous le vendent depuis presque 25 ans, depuis que toute la gauche a fait voter les travailleurs pour Chirac. Ils nous l’ont vendu à toutes les élections intermédiaires. Ils nous l’ont vendu pour nous faire voter Macron en 2017 et encore en 2022. Et pour quel résultat ?
En 2002, Le Pen avait fait 16,86 % au premier tour. Aujourd’hui, le RN a fait 31,4 % au européennes et il est aux portes du pouvoir. Bravo pour le barrage ! Ce n’est pas un barrage qu’ils ont construit, c’est une autoroute à 4 voies ! Voilà la réalité !
Oui, ils ont pavé la voie au RN parce qu’au lieu de combattre la pression réactionnaire, les politiciens l’ont épousée et l’ont alimentée pour aller chasser sur le terrain de Le Pen.
Depuis 25 ans, la droite n’a fait que singer le Front national. En 2007, il n’y a pas eu besoin de faire barrage, puisque Sarkozy avait siphonné les voix du FN en faisant campagne sur l’identité nationale et contre l’immigration.
Et qu’ont fait Macron et Darmanin pour lutter contre le RN ?
Ils ont fait passer une loi contre les immigrés, copiée sur le programme de Le Pen. Le RN n’était pas au gouvernement, mais une partie de sa politique l’était déjà.
Cette semaine Macron a dénoncé, je cite, « la politique immigrationniste du NFP ». Reprendre exactement le même terme que Jean Marie Le Pen, c’est encore une façon de faire campagne pour le RN !
Quant au Nouveau front populaire, il se couche de la même façon devant la pression du RN, puisqu’on peut constater, à la lecture de son programme, que la gauche n’a même pas osé y inscrire cette revendication élémentaire qu’est le droit de vote des immigrés. Quelle lâcheté !
Vous le savez peut-être, les syndicats ont décidé d’appeler à manifester toutes les semaines contre ce qu’ils appellent le risque brun. Nous avons participé à celles du week-end dernier pour affirmer notre opposition radicale au RN et par solidarité avec l’inquiétude légitime de nos camarades étrangers ou d’origine étrangère. Mais ces manifestations font désormais partie intégrante de la campagne du NFP et il n’est pas question pour nous, d’y participer.
Car, oui, aujourd’hui, la gauche nous rejoue 2002.
Elle nous dit, comme la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet l’a fait cette semaine, qu’il est « minuit moins une ». Elle parle de l’arrivée du fascisme au pouvoir, elle surjoue la dramatisation, dans le seul et unique but de faire voter pour la gauche sans réfléchir au fait qu’elle n’a jamais été capable de contrer la montée de l’extrême droite, bien au contraire.
Eh bien, les travailleurs ne doivent pas céder à cette panique que veut provoquer la gauche, et doivent au contraire bien réfléchir qui est cette gauche qui prétend être un rempart contre l’extrême droite.
Ils doivent se souvenir que dès l’instant où le Front national a commencé à percer électoralement, aux élections municipales de 1983 pour être précis, la gauche, au lieu de combattre les idées du RN, a fait le choix politique conscient de reprendre une partie de ses idées à son compte.
Oh, le PCF n’avait pas attendu ce moment : c’est dès l’année 1981 qu’il avait commencé à diffuser une propagande sordide, par la voix de Georges Marchais, qui martelait – et je le cite mot pour mot – « la cote d’alerte est atteinte. Il faut stopper l’immigration clandestine et officielle » !
En 1991 encore, un tract du PCF disait : « L'immigration est-elle devenue aujourd'hui un vrai problème ? Notre réponse est OUI. (…) Le respect de la tranquillité des gens, des traditions et du mode de vie français - puisque nous sommes en France -, des droits et devoirs de la vie en commun est une exigence qui s'impose à tous et qui ne souffre aucune exception. »
Quant aux socialistes, c’est après avoir instauré la « rigueur » et bloqué les salaires en 1982, qu’ils ont commencé à apporter leur contribution à la montée de la xénophobie. Et ce n’étaient pas des petites phrases stupides : c’était bien une politique, destinée à détourner la déception des travailleurs.
À propos de la série de grèves sur les salaires dans l’automobile des ouvriers majoritairement maghrébins, des années 1982-1983, le Premier ministre socialiste Pierre Mauroy déclarait : « Les principales difficultés qui demeurent sont posées par des travailleurs immigrés (…) qui sont agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises ».
Le ministre socialiste de l’Intérieur, Gaston Deferre, lui emboitait le pas en parlant de grève téléguidée « par les ayatollahs ».
Et qui est ce qui déclarait en février 83 : « Il y a, à l’évidence une donnée religieuse et intégriste dans les conflits que nous avons rencontrés. (…) Les immigrés sont les hôtes de la France et à ce titre ont un double devoir : jouer le jeu de l’entreprise et celui de la nation » ? Jean-Marie Le Pen ? Non ! Jean Auroux, le ministre socialiste du Travail.
Au fur et à mesure de leurs passages au pouvoir, les socialistes ont continué dans la même veine, avec François Mitterrand qui déclarait en 1989 qu’en matière d’immigration, « le seuil de tolérance a été atteint ».
Édith Cresson, Première ministre socialiste, osait plaisanter, en 1991, sur l’utilisation en vogue à l’époque du terme « charters » pour qualifier les avions ramenant de force les immigrés sans papiers dans leur pays : « Les charters, ce sont des gens qui partent en vacances avec des prix inférieurs. Là, ce sera totalement gratuit et ce ne sera pas pour des vacances ».
Alors, que ces gens dits « de gauche » ne viennent pas distribuer des leçons de morale et jouer les horrifiés sur la situation politique actuelle.
Ils en sont responsables, et même doublement responsables, d’abord parce que c’est leur politique qui a conduit à démoraliser et à déboussoler la classe ouvrière, et ensuite parce qu’ils ont eux-mêmes directement contribué à diffuser le poison du racisme et de la xénophobie parmi les travailleurs !
Et pour en revenir à la question du barrage, ce n’est pas en faisant barrage dans les urnes et en diabolisant Le Pen que les partis de gauche ont regagné du crédit auprès de leurs électeurs perdus. Au contraire, ces électeurs ont vu la gauche se vendre à n’importe qui, à Chirac, à Macron, renforçant leur conviction qu’ils n’étaient que des magouilleurs et des menteurs sans principe.
Aujourd'hui, Fabien Roussel et Mathilde Panot de la LFI annoncent par avance qu’en cas de second tour entre le RN et les macronistes ils voteront pour les macronistes. Ils nous refont le coup du front républicain. C’est comme ça qu’ils veulent convaincre le travailleur qui a la haine de Macron de ne pas voter RN ? C’est l’inverse, ils le pousse dans les bras de Bardella !
Nous ne combattrons pas le RN en nous appuyant sur des politiciens qui ne sont que des planches pourries.
Oui, il faut se battre pied à pied contre les idées de division du RN dans la classe ouvrière et leur influence dissolvante et il faut mener le combat électoral contre le RN mais en restant fidèles aux intérêts de notre classe sociale dans son ensemble.
En restant fidèles à tous ceux que Hollande et Macron ont attaqués, écrasés et plongés dans la misère. En restant fidèle à notre conviction fondamentale : on ne s’en sortira pas en remettant notre sort dans les mains des politiciens bourgeois qui nous mentent et nous divisent !
Nous devons défendre nos intérêts de travailleurs par nous-mêmes !
Jusqu’aux années 1980, les espoirs de changement étaient incarnés par la gauche aux yeux des travailleurs, par le PS et plus encore par le PCF.
Pendant des décennies, le PC a pu atteindre les 60, 70 % de votes dans les anciennes régions industrielles comme le Nord-Pas-de-Calais. Aujourd'hui dans ces mêmes villes, on retrouve le PCF au mieux, à moins de 10 % et le RN à 40 % voire à 60 % !
Et on le sait, des adhérents de la CGT ont voté pour le RN, parfois dans des proportions importantes dans les régions rurales parce que maintenant, c’est le RN, un parti ouvertement patronal et anti ouvrier fondé par des pétainistes et des partisans de l’Algérie française qui incarne le changement à leurs yeux.
Tout cela montre un recul grave de la conscience de classe. La responsabilité en incombe aux partis de gauche et aux organisations syndicales qui lui ont tourné le dos.
Les partis de gauche et les centrales syndicales ont remplacé la lutte de classe par la seule perspective électorale, les combinaisons politiciennes, le vote utile et la recherche d’un « sauveur suprême ».
Ils ont méthodiquement remplacé l’idée que la société est divisée en classes sociales aux intérêts opposés par des mots creux sur les citoyens, le peuple, la Nation, la démocratie et les valeurs républicaines.
Ils ont remplacé la méfiance instinctive des exploités pour la police, les juges et tout ce qui vient de l’État par des illusions sur la loi, le droit du travail, les institutions de collaboration de classe, la négociation, les accords donnant donnant.
Ils n’incriminent plus le grand patronat mais l’Europe, le libre-échange, la mondialisation, contribuant à nourrir le nationalisme et l’idée que les malheurs des travailleurs français viennent des étrangers.
Ils ont remplacé l’internationalisme par le nationalisme, le drapeau rouge par le drapeau bleu blanc rouge.
Abandonner l’internationalisme, c’est enfoncer un coin dans l’unité des exploités qui ont les mêmes intérêts à l’échelle de toute la planète et qui constituent ici, une seule et même classe sociale.
Abandonner l’internationalisme, c’est abandonner l’idée que les travailleurs n’ont pas de patrie. C’est abandonner l’idée que l’État national est un appareil entièrement au service de la bourgeoisie. Et finalement, c’est enchaîner les travailleurs derrière le grand patronat et l’impérialisme français.
Oh, cela n’est pas nouveau, comme je viens de le dire. Marchais et Mitterrand - les modèles de Roussel et Mélenchon – ont été de loyaux serviteurs de l’impérialisme français, sur le plan intérieur comme en politique étrangère, de la guerre d’Algérie au génocide au Rwanda.
Le RN n’a eu qu’à récolter les fruits de cette évolution.
A la place de la conscience de classe, on a aujourd'hui le nationalisme, le racisme et son pendant, le communautarisme. On a la défense du petit patronat, le carriérisme, l’individualisme, le chacun pour soi, quand ce n’est pas le banditisme.
Mais tout cela n’empêche pas que les classes sociales existent, que la lutte de classe fait rage. Et que si la colère prend les travailleurs aux tripes, on verra demain, les mêmes travailleurs racistes ou individualistes se battre ensemble avec tous les autres sous la bannière de leurs intérêts communs.
On les verra se battre pour se regrouper toujours plus nombreux, parce que notre principale force contre le patronat, c’est notre nombre et notre unité dans la lutte.
Tous les camarades ici présents qui ont connu des grèves ont vu comment la lutte commune unissait en profondeur les travailleurs, tous les travailleurs.
Ils ont vu que les différences de langue, de culture ne comptaient pas dans le combat. Ils ont vu que dans le combat de classe, les seuls qui étaient considérés comme étrangers et ennemis, c’étaient les chefs, le patron, l’huissier, les flics, les représentants de l’Etat.
Alors comme le dit un de nos slogans, l’extrême droite, c’est le poison, l’antidote, c’est la lutte de classe !