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Brochure

Meeting du 28 septembre 2024 : discours de Jean-Pierre Mercier

Au sommaire de la brochure

Sommaire

    Après quinze jours de psychodrame et de comédie, de claquements de portes et de coups de bluff politiciens, Michel Barnier a fini par constituer son gouvernement et celui-ci ne cesse de clamer qu’il va « se mettre au travail ». Se mettre au travail, dans la bouche des politiciens, cela veut dire : trouver de nouveaux moyens de faire les poches des travailleurs pour remplir celles des capitalistes. 

    Mais aussi, la composition de ce gouvernement a été réfléchie dans l’unique but de gagner les faveurs du Rassemblement national. 

    C’est ce qui explique la présence, à des postes clés, des représentants de la droite catholique la plus rance, à l’image d’un Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur. Retailleau fait partie de ces politiciens qui défendent très ouvertement les idées du RN au sein de la droite traditionnelle. Comme beaucoup d’autres ministres de ce nouveau gouvernement, il a été choisi pour cela, et uniquement pour cela. 

    Ce coup de barre à droite aura des conséquences immédiates pour la fraction immigrée de la classe ouvrière, qui fera les frais des mesures démagogiques que va prendre un Retailleau pour complaire au RN dans le but de diviser les travailleurs. Ces mesures, il faudra les combattre !

    Mais contrairement aux balivernes que nous servent à la télé matin, midi et soir les porte-parole du Nouveau front populaire, la raison pour laquelle ce gouvernement sera, à coup sûr, férocement anti-ouvrier n’est pas parce qu’il est très ancré à droite. 

    La nouvelle offensive contre les travailleurs qui se prépare n’a rien à voir avec la couleur politique du gouvernement – et elle aurait été menée, avec autant de cynisme et de brutalité, par un gouvernement Nouveau Front populaire, et ce pour une raison simple : c’est ce qu’ordonne le grand patronat. 

    Et quand le grand patronat ordonne, les gouvernements de gauche comme de droite s’exécutent, ils l’ont assez montré par le passé. 

    La seule, l’unique feuille de route qui a été posée sur le bureau de Michel Barnier, c’est d’aider le patronat à mener cette offensive. Voilà à quoi nous devons préparer nos camarades de travail, dans les entreprises, à combattre. 

    Depuis des mois, on nous explique que les finances publiques de la France sont dans un état catastrophique : le déficit de l’État a augmenté de façon exponentielle tout au long des deux quinquennats de Macron, ce qui veut dire, aujourd’hui, que l’État dépense chaque année à peu près 140 milliards de plus qu’il ne gagne. 

    La raison est simple : d’une main, Macron et ses ministres, n’ont cessé de diminuer les impôts des plus riches, ce qui fait diminuer les recettes de l’État et, de l’autre, de multiplier les cadeaux, soutiens, subventions, allégement fiscaux divers et variés aux capitalistes. 

    Pendant que d’un côté, les impôts sur les bénéfices diminuaient, que les taxes que l’on appelle les impôts de production, comme la contribution à la valeur ajoutée des entreprises étaient purement et simplement supprimées, le gouvernement a multiplié les dispositifs de soutien aux entreprises, qui se chiffrent à présent en centaines de milliards d’euros : aides à l’investissement, usines fournies clé en main et payées par l’État, niches fiscales, paiement direct par l’État des apprentis ou des alternants, augmentation du crédit impôt recherche, prêts à taux zéro garantis par l’État, dispositifs de « bouclier » pour amoindrir le choc de la hausse des prix de l’énergie… c’est le fameux « Quoi qu’il en coûte », de Macron, cet argent public qui est déversé à flots dans les caisses du grand patronat. 

    Ces dépenses creusent, inexorablement, le déficit de l’État. Au point que cela finit par poser des problèmes à la bourgeoisie elle-même. 

    Oh, évidemment, pas parce que cela ne respecte pas les règles des institutions européennes – ça, la grande bourgeoisie s’en moque comme de son premier licenciement. 

    Non, le problème qui inquiète vraiment le capital, ce sont les conséquences financières d’une dégradation des comptes de l’État. Si l’État français continue de creuser la dette et le déficit, cela va finir par mener à une dégradation de la confiance que les spéculateurs portent dans l’État français et dans ses banques. 

    Cela peut mener à une hausse des taux d’intérêts, problématique au jour le jour pour le patronat, qui a besoin d’emprunter en permanence, ainsi qu’à une plus grande difficulté à lever des fonds sur les marchés financiers – alors qu’aujourd’hui, une énorme partie des profits réalisés par les capitalistes se font sur les marchés spéculatifs. 

    Il y a donc une nécessité, pour l’État comme pour la grande bourgeoisie, à ce qu’une forme d’équilibre des finances publiques soit rétablie. 

    Et comme il n’est pas question de toucher aux milliards versés aux entreprises, c’est dans la poche des travailleurs et dans les services publics que l’État va aller chercher l’argent. 

    Cela a déjà commencé, depuis longtemps, et les épisodes les plus récents de ce tour de vis budgétaire ont été la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage, qui se soldent, déjà, par davantage d’années à s’abîmer la santé au travail, pour ceux qui en ont un, et une diminution nette de l’indemnisation du chômage, pour ceux qui en sont privés. Travailleurs et chômeurs, tous ont vu leurs conditions de vie dégradées pour permettre de dégager de l’argent frais à offrir au patronat !

    Et maintenant, il faudrait encore trouver 100 milliards d’euros à économiser dans les trois ans qui viennent sur le budget de l’État et de la Sécurité sociale. 

    Mais 100 milliards d’euros, cela veut dire combien de lits d’hôpital fermés ? Combien de médicaments en plus qui ne seront plus remboursés ? Combien de postes d’enseignants supprimés ? Combien de bâtiments publics laissés à l’abandon, de lignes ferroviaires qui se dégradent, de barrages, d’infrastructures, de logements qui ne seront pas rénovés ? 

    Pour en avoir une idée, il suffit de regarder les résultats de ce que l’ancien Premier ministre Attal a appelé la « revue de dépenses » : il a demandé à l’Inspection générale des finances, en janvier dernier, de chercher des « pistes d’économies », comme ils disent. 

    Alors, les technocrates ont sorti leur petite calculette et ont rendu leurs rapports début septembre. Ce ne sont que des « suggestions », comme ils disent, mais ces rapports constituent un véritable catalogue de mesures toutes plus pourries les unes que les autres pour économiser l’argent de l’État sur le dos de la population. 

    Par exemple, le rapport sur le budget de l’Éducation nationale propose rien de moins que de fermer… 2 000 écoles ! Vous avez bien entendu. Pas de supprimer 2 000 postes de profs, ce qui serait déjà insupportable, pas de fermer 2 000 classes, non, de fermer 2 000 écoles, en s’appuyant sur un critère simple : dans les territoires ruraux, une école pourrait être fermée dès lors qu’il en existe une autre « à moins de 20 mn de trajet en voiture ». 

    Un autre rapport, consacré lui à la fonction publique, préconise d’instaurer trois jours de carence en cas de maladie pour les travailleurs du public, et de diminuer de 20 % le taux d’indemnisation des arrêts maladie. Un autre encore, consacré aux dépenses de santé, propose une augmentation massive du ticket modérateur et de la franchise payée lors des consultations. 

    Je m’arrête là, mais on voit que le nouveau gouvernement de Barnier, à peine arrivé, a déjà à sa disposition un véritable catalogue clé en main dans lequel il n’aura qu’à puiser pour multiplier les attaques contre les plus modestes – parce que les riches, eux, qui mettent leurs enfants dans les prestigieuses écoles privées et se soignent dans des cliniques hors de prix, ne seront pas concernés. 

    Et Barnier, quand il consacre la moitié de sa première interview télévisée à expliquer la situation catastrophique des finances de l’État, ne fait rien d’autre que de préparer les esprits à la saignée qu’il prépare – et que ses successeurs, quels qu’ils soient, poursuivront lorsque Barnier aura été renversé. 

    Oh, évidemment, ils feront un peu de cinéma, comme en ce moment, pour prétendre qu’ils vont « faire contribuer les plus riches » au redressement des comptes publics. Le Medef lui-même, mercredi dernier, a même expliqué, la main sur le cœur, qu’il était « prêt à discuter » d’une hausse d’impôts des entreprises. Vous noterez qu’il n’a pas dit « accepter », il a dit « discuter » ! Quelle générosité ! 

    En réalité, pour le gouvernement comme pour les patrons, il sera sans doute politiquement nécessaire de faire un petit geste pour donner l’impression de contribuer, tellement l’enrichissement des grands capitalistes est indécent. 

    Depuis 2017, pendant que le déficit de l’État se creusait de 1000 milliards d’euros, la fortune des 500 plus gros capitalistes du pays a doublé, passant de 570 à 1230 milliards d’euros. 

    L’argent rentre à flots dans les caisses de ces grands bourgeois, à des niveaux parfaitement inconcevables pour le commun des mortels. 

    En un an, la fortune de la famille Hermès a augmenté de 17 milliards d’euros, celle des frères Wertheimer, les propriétaires de Chanel, de 15 milliards. À côté, la patronne de L’Oréal, Françoise Meyer-Bettencourt, ferait presque figure de gagne-petit avec « seulement » 7 milliards en plus cette année ! 

    La France reste la championne d’Europe de la distribution de dividendes aux actionnaires. Record battu l’année dernière, avec 68,7 milliards d’euros ! Alors oui, le patronat va peut-être faire mine d’apporter sa petite contribution fiscale, il va donner une petite pièce en se faisant, en plus, féliciter pour son sens civique… et pendant ce temps, le gouvernement fera payer 99 % de la note restante à la population. 

    Eh bien c’est insupportable ! Le patronat est à 100 % responsable du déficit de l’État, c’est à lui et à lui seul d’en payer la note jusqu’au dernier centime, les travailleurs, eux, n’ont rien à payer !

     

    Si l’État s’apprête donc à pressurer la population, du côté des capitalistes eux-mêmes l’offensive contre les travailleurs, là aussi, s’intensifie. Oh, ce n’est pas que les profits diminuent, bien au contraire – on vient de le voir. 

    Mais la crise économique rampante qui frappe l’économie depuis des décennies, le risque toujours plus pressant d’un nouveau krach financier majeur poussent les grands capitalistes à la fois à aggraver l’exploitation pour gratter tout ce qu’il est possible de gratter tant qu’il est encore temps, et à réorganiser leurs entreprises pour les rendre plus solides dans la lutte féroce qui les oppose à les uns aux autres.

    Plus que jamais, le monde économique ressemble à une arène sanglante dans laquelle tous les coups sont permis – mais où les coups sont portés avec la peau des travailleurs. 

    Un patron comme Carlos Tavares, qui dirige le groupe Stellantis, le dit avec autant de cynisme que de brutalité. Convaincu que dans dix ans, « il ne restera que cinq constructeurs automobiles dans le monde », Tavares a récemment déclaré dans la presse économique : « Lorsque vous luttez contre la concurrence [chinoise], il y a des conséquences sociales. Mais les gouvernements européens ne veulent pas faire face à cette réalité. Nous ne parlons pas d’une période darwinienne, nous y sommes » et de conclure : « cela ne va pas être facile pour les concessionnaires. Cela ne va pas être facile pour les fournisseurs. Cela ne va pas être facile pour les équipementiers ».  Carlos Tavares omet juste de préciser qu’avant tout, « cela ne va pas être facile » pour les travailleurs, tout simplement parce que c’est le cadet de ses soucis. 

    Il le dit lui-même : cette politique n’a rien à voir avec une prétendue baisse des ventes ou avec la perspective de la transition vers la voiture électrique. Non ! La seule, l’unique préoccupation de ces rapaces, à l’heure actuelle du moins, ce n’est pas de faire face à un effondrement des ventes – ce qui ne veut pas dire que ce ne sera pas le cas demain. C’est de se montrer plus profitable que la concurrence, c’est de trouver le moyen de produire plus pour moins cher, c’est de s’entredévorer pour gagner des parts de marché. 

    Les patrons de l’industrie automobile ont donc décidé de faire une véritable saignée, comme l’évoque Tavares, chez « les fournisseurs et les équipementiers ». Fermeture de MA France à Aulnay. Menace de fermeture de plusieurs usines Valeo, de Novares à Strasbourg. Des milliers de suppressions d’emploi prévues chez Forvia, l’ex-Faurecia. Fermeture en juin de l’usine Impérial Wheels, dans l’Indre, qui fabriquait des jantes en aluminium. Menaces de fermeture de deux usines de forge Walor, dans les Ardennes… 

    Et c’est évidemment la même chose partout dans le monde, puisque c’est précisément la concurrence entre les capitalistes du monde entier qui est la cause de cette saignée. En Allemagne par exemple, Volkswagen, envisage pour la première fois de fermer un ou plusieurs sites, et des équipementiers comme ZF ou Continental ont engagé des plans de licenciement par dizaines de milliers. 

    Les grands donneurs d’ordre du monde capitaliste exigent de leurs fournisseurs une diminution massive des coûts de production, ce qui conduit certains d’entre eux ou bien à réorganiser leur production vers des pays où les salaires sont plus faibles, où à « rationaliser », comme ils disent, les processus de production en supprimant toujours plus d’emplois et en faisant la chasse au moindre centime d’euro à économiser. 

    Dans l’automobile, les usines terminales où sont assemblées les voitures des donneurs d’ordre n’échappent évidemment pas à cette logique. 

    À l’usine de Poissy où je travaille, c’est bien une véritable offensive en règle qui est en cours depuis des mois, et qui se traduit, très concrètement, par une aggravation féroce des conditions de travail pour les ouvriers. 

    La logique du patron est simple : il faut produire autant de voitures avec de moins en moins d’ouvriers. Après avoir viré tous les intérimaires, tous les moyens sont bons pour pousser les travailleurs vers la porte, car tant qu’à faire, cela arrange le patron que les travailleurs s’en aillent d’eux-mêmes aujourd’hui plutôt que de devoir les licencier demain. 

    C’est ainsi que des ouvriers de plus de 55 ans, voire de 60 ans, déjà usés, cassés par toute une vie de travail, ont été mutés de force des ateliers du Ferrage ou de la Peinture sur les chaînes de l’atelier du Montage, là où le travail est le plus dur ; là où en général ce sont de jeunes intérimaires de 25 ans qui tentent de tenir les postes. Alors imaginez ce que ça veut dire de se retrouver à 60 ans à devoir tenir de tels postes ! 

    Et la direction fait exploser les charges de travail : là où on était trois à effectuer le travail, on n’est plus que deux, puis plus qu’un seul. Les postes sont tellement chargés que dans certains secteurs, tous les moniteurs sont en poste, toute la journée, eux qui sont censés remplacer les ouvriers quelques minutes, ne serait-ce que pour aller aux toilettes, eh bien… on ne peut plus s’arrêter. 

    Et aucune catégorie de travailleurs n’est à l’abri de ces attaques, y compris les ouvriers professionnels. C’est ainsi que les maintenanciers se voient imposés à tour de rôle des vacations de 3 mois sur chaîne, histoire de bien les écœurer. Ces mêmes maintenanciers que leur nouveau chef avait tenté de flatter, il y a quelques mois, avec tout son mépris anti-ouvrier, en leur disant : « vous, vous avez un métier entre les mains, vous n’êtes pas comme ces bourricots sur chaine ».  

    L’idée n’est pas seulement de briser physiquement les travailleurs, qu’ils soient ouvriers sur chaîne ou professionnels. Elle est aussi de les écraser, moralement.

     Il y a dans le pays des dizaines, des centaines de milliers de travailleurs qui sont amenés à payer, dans leur chair, dans leurs muscles, dans leurs tendons, parfois dans leur vie quand ils sont jetés dehors parce que leur usine a fermé, le combat de chefs que se mènent les capitalistes pour se dévorer entre eux. C’est ça, l’économie capitaliste, ça n’a jamais été que ça et ce ne sera jamais rien d’autre ! 

    Oui cette société d’exploitation est pourrie jusqu’à la moelle et toute cette bande d’exploiteurs n’auront pas volé les futures explosions de colère de la classe ouvrière et nous espérons bien qu’ils en paieront le prix fort !

     

    L’offensive patronale est aussi idéologique. 

    Regardez le cinéma du Medef, cet été, contre le smic à 1600 € évoqué dans le programme du NFP, un objectif censé être acceptable par le patronat. 

    Eh bien, à entendre le Medef, cette proposition n’était pas très loin du bolchevisme ! Elle allait ruiner les entreprises, faire fermer des milliers d’entre elles, provoquer des millions de chômeurs – sans doute faire revenir la peste et le choléra ! 

    Mais quelle comédie ! 

    En réalité, le grand patronat sait parfaitement que lorsque la gauche est au pouvoir, elle ne fait jamais rien qui le contrarie, qu’elle ne touche jamais à ses profits, que le smic à 1 600 euros – de l’aveu même des dirigeants du NFP – n’aurait pas été mis en place, ou du moins pas avant plusieurs années, puisque Lucie Castets, la Première ministre que s’était choisi le NFP, expliquait elle-même cet été que ce n’était pas une promesse pour tout de suite mais… « un horizon ». Et, comme chacun sait, l’horizon, par définition, s’éloigne au fur et à mesure qu’on s’en approche. 

    Le grand patronat sait tout aussi bien, de toute façon, qu’il aurait eu très largement les moyens d’encaisser sans douleur le passage du smic à 1 600 euros, tant il croule sous les richesses.

    Oui, tout cela n’est que de la propagande patronale, qui ne répond qu’à un seul objectif : mener la lutte de classe. Le Medef, en menant ce type de campagne, en criant la bouche pleine avant d’avoir mal, voire en criant alors qu’il sait qu’il n’aura pas mal, envoie un message : nous ne reculerons pas d’un millimètre. Nous ne lâcherons rien. Il essaye de convaincre les travailleurs qu’il n’y a pas d’espoir, que les coups vont continuer de pleuvoir, et que ce n’est pas la peine d’attendre quoi que ce soit d’autre que du sang et des larmes.

    Voilà le capitalisme. C’est un système dont les dirigeants affirment chaque jour, tranquillement, cyniquement : que crèvent les travailleurs, pourvu que se maintiennent nos taux de profits. 

    Et il y en a qui s’étonnent que nous répondions : ce système doit être renversé ? 

    Et bien oui, il doit être renversé car entre ce qui se prépare sur le terrain des finances publiques, l’aggravation continue de l’exploitation, la baisse des salaires réels et la multiplication des licenciements, c’est véritablement toute la société qui est en train de pourrir sur pied pour que les grandes fortunes capitalistes continuent d’augmenter.  

    Le grand capital décide de tout. Il ose tout. Il n’a aucune limite. Il dicte les lois, fait pression sur les gouvernements et les parlements avec ses milliers de lobbyistes, forge l’opinion publique à travers les médias qu’il possède, convoque les ministres pour leur taper sur les doigts quand ils ne vont pas assez vite pour exécuter ses ordres. 

    En 2022, alors qu’il était ministre du Budget, Gabriel Attal a fait quelques timides déclarations laissant entendre que les « ultrariches » pratiquent activement la fraude fiscale. Bernard Arnault, le plus ultrariche des ultrariches, racontera dans la presse quelques semaines plus tard : « J’ai protesté auprès de lui. Et d’ailleurs vous observerez qu’à la suite de ma protestation, il a rectifié de lui-même ». 

    La même année, le même Bernard Arnault enverra son fiston tancer le ministre des Transports qui menaçait de taxer les jets privés. Tout penaud, le ministre lui expliqua qu’il ne parlait évidemment que des avions utilisés par les footballeurs. 

    Parce qu’ils dirigent la société, non seulement économiquement, politiquement mais aussi idéologiquement, les capitalistes réussissent à imposer l’idée que ce qui est bon pour eux est bon pour tout le monde – et que cela justifie qu’ils imposent leurs règles à toute la société. 

    Quand un Bernard Arnault rejette toute hausse des impôts sur les bénéfices, c’est au nom de la « sauvegarde de l’emploi en France ». Quand les patrons attaquent les travailleurs sur les salaires et les conditions de travail, c’est toujours au nom de « la compétitivité de la France » et donc, là encore, de l’emploi… comme si ce n’était pas les mêmes qui ont fermé des usines à tour de bras et créé 7 millions de chômeurs ! 

    Et évidemment, les gouvernements successifs, de droite et de gauche, s’exécutent servilement, se mettent en quatre pour aider le grand patronat à augmenter ses profits, « au nom de l’intérêt général », évidemment. 

    Il est particulièrement révoltant de voir les ministres s’échiner à raboter toutes les dépenses sociales utiles à la population, quand on voit comment les capitalistes réussissent à imposer à l’État des dépenses invraisemblables – dans le seul et unique but d’augmenter directement leurs bénéfices. 

    Un exemple ? La niche fiscale dite « des armateurs », qu’il serait plus juste d’appeler « la niche fiscale de Rodolphe Saadé », le nouveau propriétaire de BFM mais surtout, le patron du groupe de transport maritime CMA-CGM, dans la mesure où ce groupe en est presque l’unique bénéficiaire de cette niche fiscale. 

    « Pour promouvoir l’emploi dans la filière maritime française », (je cite), les armateurs ont obtenu que l’impôt qu’ils payent sur les bénéfices ne soit pas calculé selon les règles du droit commun mais en fonction du tonnage de leurs navires. 

    Sans rentrer dans les détails de cette tambouille fiscale, disons simplement qu’elle a permis aux armateurs (soit presque exclusivement CMA-CGM), de voir leurs impôts diminuer de 3,8 milliards d’euros en 2022 et 5,6 milliards en 2023 ! Autrement dit, en deux ans, l’État a subi un manque à gagner de près de 10 milliards d’euros pour subventionner fiscalement un groupe qui, rappelons-le, est en très grande difficulté, puisqu’il a annoncé pour 2023 un bénéfice de… 23,4 milliards d’euros ! 

    Alors pourquoi se priver ? Les capitalistes, tant qu’ils gagnent, ils jouent. Il n’y aucun rapport entre les difficultés réelles ou supposées que connaissent les empires industriels et leur avidité à exiger de l’État qu’ils les subventionnent à fonds perdus, qu’ils baissent les impôts, leurs taxes, les exonèrent des amendes qu’ils devraient payer pour ne pas respecter les diverses réglementations.

    Quand vous êtes un travailleur modeste et que vous prenez une majoration de 10 % pour ne pas avoir payé vos impôts à temps, eh bien vous serrez les dents… et vous payez – quand vous le pouvez – parce que vous n’avez pas envie de voir les huissiers débarquer. Quand vous êtes un grand capitaliste, c’est plus simple : vous demandez que la loi qui vous impose une pénalité soit changée. 

    C’est ce qu’a fait tout récemment le syndicat des constructeurs automobiles européens (qui regroupe Renault, VW, BMW…), l’ACEA. En 2019, la commission européenne a décidé d’un durcissement des normes en matière d’émissions de dioxyde de carbone. Toujours soucieux de ne pas trop brusquer ces pauvres constructeurs, la commission leur a donné six bonnes années pour se préparer et la mesure doit entrer en vigueur en 2025. 

    Les constructeurs qui ne la respecteront pas seront, en théorie du moins, obligés de payer de lourdes amendes. Et comme l’amende sera calculée sur le nombre de véhicules produits, l’ACEA a envoyé un courrier à la commission pour lui proposer le chantage suivant : soit vous repoussez aux calendes grecques la mise en œuvre de cette norme, ou, pour ne pas avoir à payer trop cher, nous allons réduire la production d’automobiles en Europe, et on vous promet de fermer 8 usines. 

    Je vous rappelle qu’on parle ici d’un groupe de constructeurs qui, en cumulé, a réalisé 130 milliards d’euros de profits dans les deux dernières années. 

    On ne sait pas si la commission cèdera au chantage – mais il y a fort à parier que oui, d’une façon ou d’une autre. Mais cette histoire illustre parfaitement ce qui fait la force des capitalistes dans cette société : leur puissance économique. 

    Le fait qu’ils aient le droit de vie ou de mort, à leur guise, sur l’emploi de centaines de milliers de travailleurs, sur des secteurs entiers de l’économie, leur donne infiniment plus de poids que n’importe quel élu, n’importe quel Parlement, n’importe quel gouvernement. 

    Que pèse un (ou une) Premier ministre d’un pays de seconde zone comme la France face à ce syndicat des capitalistes européens de l’automobile ? face à un Bernard Arnault et ses 190 milliards d’euros de fortune personnelle ? face à un Rodolphe Saadé et ses 23 milliards de bénéfice ? Rendez-vous compte qu’aujourd’hui, la fortune cumulée des seuls 2 premiers capitalistes français (Bernard Arnault et la famille Hermès) est supérieure aux recettes annuelles de l’État français !

    Dans ces conditions, faire croire aux travailleurs que la solution à leurs problèmes pourrait venir de l’élection d’un gouvernement à la place d’un autre, qu’il soit de gauche, de droite ou d’extrême droite, est un mensonge. 

    Les partis de gauche, divisés ou unis, cherchent à nous vendre la fable d’un gouvernement qui imposerait d’un claquement de doigts des lois favorables aux travailleurs. Ils mentent ! parce que le patronat ne se laisse jamais rien imposer tant que des explosions sociales ne le mettent pas à genoux. 

    Les directions des confédérations syndicales, CGT en tête, nous vendent la fable de la conciliation, de la discussion, de la négociation, du « partenariat social » (qui est le nom élégant de la collaboration de classe). Ils mentent ! 

    Parce que le patronat ne négocie pas, ne discute pas, ne collabore pas tant que les travailleurs ne lui mettent pas le couteau sous la gorge en se mobilisant massivement. C’est ça la réalité, c’est ça le vérité !

    Certains d’entre vous ont peut-être entendu, à la dernière Fête de l’Humanité, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, faire la leçon au patron du Medef, Patrick Martin, en lui disant que le Medef aurait dû soutenir la candidature de Lucie Castets à Matignon, au nom de la « démocratie » et « du « respect du vote des Français » ! Patrick Martin, qui est un bourgeois bien élevé, s’est retenu de hurler de rire, mais cette histoire n’a sûrement pas fini d’alimenter les blagues de fin de repas au Medef ! 

    Ce genre de déclaration désarme politiquement les travailleurs car c’est destiné à leur faire croire qu’une entente est possible entre patronat et travailleurs, à faire croire que le Medef pourrait se préoccuper de « démocratie », alors que sa mission est d’organiser, jour après jour, la dictature des riches sur le reste de la société !

    A l’opposé de ce discours, il faut dire la vérité aux travailleurs en commençant par tracer des perspectives politiques et de combats face à la catastrophe sociale qui se prépare. 

    La vérité, c’est que nous ne sommes pas condamnés à subir, que nous avons entre nos mains, nous, la classe ouvrière, la force de renverser le cours des choses. Nous, le monde du travail, nous sommes les bras et les cerveaux qui font tourner le monde, nous produisons toutes les richesses, nous faisons tout tourner, mais aussi nous inventons et nous fabriquons tout ce qui permet à l’humanité de vivre et de progresser. 

    Tout cela c’est l’œuvre de notre classe : si la société fonctionne, au jour le jour, on le doit uniquement au dévouement, au courage, à l’énergie, à l’intelligence des travailleurs. 

    Quand cette énergie, ce dévouement, cette intelligence s’ajouteront à la rage de se battre pour défendre ses intérêts, la classe ouvrière représentera une force extraordinaire et redoutable. 

    Quand les travailleurs retrouveront confiance dans leur force collective, ça sera sans doute, d’abord par des grèves massives qui seront le premier acte de désobéissance. 

    Mais ce ne pourra être que cela, un premier pas ! 

    Car la vérité, c’est surtout d’affirmer que le combat contre la bourgeoisie ne s’arrêtera jamais tant que celle-ci n’aura pas été définitivement mise hors d’état de nuire. 

    Quand demain de grandes luttes éclateront, nous devrons avoir conscience qu’il ne faudra pas s’arrêter en chemin, que gagner une bataille contre le patronat ne suffira pas, parce que celui-ci, n’arrêtera jamais de se battre, ne cessera jamais de contre-attaquer pour reprendre le terrain perdu, ne mettra jamais fin à sa lutte de classe contre les travailleurs, tant qu’il dirigera la société. 

    Notre but ultime, ce n’est pas de bloquer l’économie par des grèves, c’est que la production s’organise sous la direction des travailleurs !

    Car, le seul moyen de mettre réellement les capitalistes hors d’état de nuire, ce sera de leur arracher le pouvoir – le pouvoir économique, en nous emparant de leurs usines, de leurs banques, et du pouvoir politique, en l’exerçant nous-mêmes, nous, les travailleurs, et en dirigeant la société par en bas ! Cela s’appelle la révolution. 

    Et dans cette période si grosse de dangers et de menaces, où les travailleurs sont, à juste titre, plus inquiets que jamais sur leur avenir, dans cette période de crise politique, de crise économique, de marche à la guerre, qui peut se finir en cauchemar pour toute l’humanité si la classe ouvrière ne prend pas les choses en main, nous devons plus que jamais tenir bon sur nos idées, brandir bien haut et bien fièrement notre drapeau rouge, nos idées communistes révolutionnaires, nos perspectives d’un avenir meilleur pour l’humanité ! 

    Comme disait Rosa Luxembourg, l’avenir de l’humanité, c’est le socialisme ou la barbarie. La barbarie gagne chaque jour du terrain. Alors, camarades, battons-nous fièrement pour le socialisme !

    Vive la classe ouvrière, vive le communisme !

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